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EAN : 9782895960447
344 pages
Lux Éditeur (05/10/2006)
4.09/5   268 notes
Résumé :
Rédigé dans une langue claire et accessible, cet ouvrage, illustré par Charb, constitue une véritable initiation à la pensée critique, plus que jamais indispensable à quiconque veut assurer son autodéfense intellectuelle.
On y trouvera d'abord un large survol des outils fondamentaux que doit maîtriser tout penseur critique : le langage, la logique, la rhétorique, les nombres, les probabilités, la statistique, etc. ; ceux-ci sont ensuite appliqués à la justifi... >Voir plus
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sur 268 notes
Aujourd'hui, ce n'est pas une critique que j'écris, ce sont mes tripes sur la table (la tablette pour certains), c'est toute mon âme, c'est le combat de ma vie.

Après avoir fait de longues et tortueuses études (où j'ai commencé sérieusement à douter ; avant mes études, je confesse mon amateurisme dans la manière dont j'exerçais le doute) sur le comportement social des primates en passant par le pouvoir hydrofuge des plumes de cormoran ou encore les stratégies d'attaque et l'acquisition d'aversions alimentaires chez les seiches, après avoir enseigné à des étudiants de licence et de maîtrise (oui, je sais, on appelait ça maîtrise à l'époque, maintenant on dit je ne sais trop quoi, master 1 ou 12 ou 43, je ne sais plus trop) j'ai résolument choisi de ne plus écrire des articles en anglais qui seraient lus par trois ou quatre personnes au monde, dont deux " referee ", mais d'accepter de redescendre aux tout premiers échelons du savoir ; celui que l'on dispense à nos enfants de l'école élémentaire et qui créa une immense incompréhension chez mes proches. (« Quoi, tu régresses chez les petits ! Mais t'aurais quand même pu au moins être prof au lycée, non ?» Soupirs...)

Depuis, je me bats à ma très modeste échelle, mais avec un public dix fois supérieur chaque année à celui de mes lecteurs d'articles scientifiques, pour cet idéal qui est chaque jour mis à mal, à savoir une école publique gratuite et de qualité, qui formerait des citoyens doués d'un petit trésor en leur sein : avoir les armes critiques pour juger par eux-mêmes des informations et des faits auxquels ils sont confrontés afin d'être les plus libres possibles dans les choix qu'ils effectueront et qui gouverneront leur existence.

C'est un projet qui n'est en rien de moi et qui ne date pas d'hier, puisqu'il est hérité des Lumières, mais qui est sans cesse mis à mal par l'idéologie dominante du néolibéralisme avec son corolaire : désengagement de l'état dans la politique éducative, promotion du privé afin de rendre rentable ce qui n'avait pas vocation à l'être.

Aujourd'hui, l'école de la république est une olive prise entre deux grosses pierres en granit. S'en échappe une huile, ceux qui contournent les cartes scolaires, qui inscrivent leurs enfants dans le privé ou dans les filières spéciales, juste pour ne pas être avec le " tout venant " de la société.

Pour ceux-là, l'école est une valeur, bien souvent les moyens financiers des parents vont avec, si bien qu'il n'y a pas trop de souci à se faire pour leur avenir professionnel (je ne parle pas de leur bonheur individuel effectif car cela ne rentre jamais en ligne de compte et ce n'est pas quantifiable donc on s'en fiche : « Tu feras HEC, mon fils. Bon okay, ça ne t'a jamais plu, mais tu vois ce que tu gagneras chaque mois ? Alors ferme ta gueule et écoute ce que je te dis. »

(Je tiens à préciser et je m'arrêterai ici pour ce public, que, bien que manifestement " favorisé ", il n'en est pas moins sujet à la manipulation. Noam Chomsky, par exemple, explique très bien comment les élites font l'objet de soins intenses de la part des manipulateurs et de ceux qui forgent les opinions, afin qu'ils deviennent les chevilles ouvrières de la diffusion de la " bonne " parole dominante. S'il y a bien un domaine où nous sommes tous égaux, c'est dans notre capacité à nous faire rouler et abuser par des informations qu'on n'aura pas pris le soin de vérifier avec le calme et la circonspection voulue car l'émotion, dans ces cas-là, est notre ennemie.)

Bon, il est vrai qu'il reste quelques détritus coincés entre les deux roues en granit, mais ceux-là, on s'en tamponne royalement car ils ne sont pas de la famille des dirigeants politiques ni des chefs d'entreprise ou d'un actionnaire quelconque donc, maintenons-les dans un niveau d'abrutissement suffisant pour qu'ils soient de bons petits consommateurs et qu'ils se surendettent pour faire les choux gras de nos amis les banquiers.

Pas de boulot respectable, TF1-M6-BFM, les marques à gogo, les petits trafics et surtout, surtout, pas d'esprit critique, surtout pas d'esprit critique, c'est dangereux, ça mord et ils pourraient se rendre compte de certaines petites choses pas jolies, jolies et de certains petits procédés, pas réglos, réglos... C'est donc pour eux que je suis entrée en résistance, à ma toute petite échelle, avec les maigres moyens et la faible marge de manoeuvre dont je dispose car c'est un idéal que je crois juste et socialement profitable. (Mais je tiens de suite à préciser que ce n'est qu'une croyance et pas de la science. Pour s'avérer telle, cette croyance devrait être passée au banc d'essai, ce que je n'ai pas encore fait.)

Dans les médias, on entend toujours les deux ou trois mêmes copains, proches cousins des politiques et fils spirituels des banquiers, la grande famille du show business qui martèle, qui assène, qui ressasse inlassablement les mêmes absurdités, les mêmes contre-vérités, les mêmes simplifications, les mêmes omissions, voire les mêmes mensonges.

Quand je dis " famille du show business ", ce n'est presque pas une image et à titre d'exemple, parmi mille autres, citons : Jean Drucker, patron de M6, Michel Drucker, Marie Drucker, Léa Drucker. Sachant que Marie Drucker, dont le rôle est de déverser de l'information fut liée à " l'écrivain " Marc Levy (bon là je m'avance peut-être un peu, car écrivain, il me semble, ce n'est pas exactement ça, mais passons), puis au " ministre " François Baroin (bon là aussi, je m'avance peut-être encore trop car ministre, normalement, ce n'est pas exactement ça non plus), puis le banquier et patron de presse Mathieu Pigasse (bon là pas d'erreur possible, un banquier, c'est bien ça), puis " l'acteur-humoriste " Gad Elmaleh (bon j'arrête là car je suis déjà grillée auprès des RG avec ce que j'ai écrit avant), etc., etc. Bref, LA GRANDE FAMILLE DU SHOW BUSINESS ! Ça donne envie...

Ouaip, bah il ne s'agirait pas d'espérer trouver une seule information objective parmi toute cette bouillie. Pour mémoire, je rappelle ce qu'écrivait John Dos Passos dans Manhattan Transfer en 1925 : « Je sais que chaque phrase, chaque mot, chaque signe de ponctuation qui paraît dans la presse publique est épluché, révisé, raturé dans l'intérêt des actionnaires, et de ceux qui publient les réclames. »

De même, dès les époques grecque ou romaine, certains penseurs nous invitaient à nous poser certaines questions. Je pense notamment à l'un des plus grands manipulateurs de son temps : Cicéron. Dans sa supplique pour Milon (pro Milone), le grand avocat écrit « Cui bono ferit ». Je vous invite tous, lorsque vous recevez une information à vous poser simplement cette question de Cicéron « Cui bono ? » que l'on peut maladroitement traduire en français par : " À qui cela profite-t-il ? ".

Et c'est ici seulement que j'en viens au livre lui-même, à cette mine de sagesse que nous offre Normand Baillargeon, un fier Québécois fort soucieux de sa liberté de jugement et qui nous liste une bonne partie des procédés communément utilisés dans les médias, par les hommes politiques ou dans la publicité pour nous faire avaler des couleuvres.

Ce livre n'a pas d'autre ambition que de chercher à nous faire prendre du recul sur ce que l'on nous dit, de douter, s'il y a lieu, de soumettre les informations à un examen et non pas de les boire comme du petit lait.

Il nous est tous, je pense, arrivés une fois ou deux d'assister à un événement qui fit l'objet d'une couverture importante dans les médias, de bien connaître la situation et de constater avec stupéfaction que l'image qui en était donnée dans le médium considéré était fort différente voire presque exactement contraire à la lecture que nous avions de cet événement.

Question : Y a-t-il des raisons de supposer que le traitement de l'information qui est fait à propos des sujets dont nous ignorons tout est différent de celui où nous avons un avis autorisé ?

Mais voilà, les magouilleurs d'opinion ont encore de beaux jours devant eux car, éplucher les informations, croiser les sources, vérifier les chiffres, c'est long, c'est très fatigant, c'est fastidieux, ça n'apporte pas de réponses toujours très claires ni tranchées, et puis, quand on rentre du travail avec une journée bien remplie dans les bottes, on a envie de se poser et d'arrêter de lutter, d'ingurgiter ce qu'on nous donne avec un minimum de vigilance, car la fatigue est souvent la plus forte, et ça, les médias et les publicitaires l'ont bien compris.

De plus, nous sommes issus, depuis notre plus jeune temps, de parents qui nous ont expliqué plein de choses — à leur façon, bien sûr —, des choses qu'on a gobé et pris pour argent comptant car ça ne se fait pas, quand on est enfant, de douter de ses parents.

Or, un examen approfondi du niveau moyen de connaissances des adultes montre que nécessairement, les parents transmettent une foule d'inepties à leurs enfants, de la peur de l'araignée tégénaire à la croyance en un dieu unique et bienveillant, que personne n'a jamais vu, mais que quelqu'un dont on ignore tout a écrit qu'on l'avait vu de façon certaine il y a plus de 1000, 2000, ou 3000 ans selon les cas et la religion considérée.

Un dieu qui voit tout sur tout le monde et qui n'oublie rien, car il a une mémoire de mastodonte, et qui, si l'on n'est pas sage durant notre vie terrestre, nous donnera la fessée pour le restant des temps dans les feux de l'enfer. (Mais au fait, comment ferons-nous pour ressentir la douleur de la fessée et des brûlures lorsque nous auront perdu notre système nerveux central ? L'histoire ne le précise pas, dommage.)

Bref, un épais matelas de croyances bidons et d'absurdités auquel on applique l'étiquette du sacré. Cela fleure bon aussi le parfum de l'enfance. Et donc ce sont les mêmes hommes virils qui vont nous dire sans sourciller : « Toutes des salopes ! » et préciser quelques secondes plus tard : « Sauf Maman. » car, par une loi spéciale de la création, ladite mère bénéficiait d'une constitution toute différente du restant de l'espèce.

De même, on dit : « Il ne faut pas toucher à la religion, c'est sacré. » C'est ce que l'on a reçu de nos parents, ça a le parfum de l'enfance ça aussi et c'est vrai qu'il faut une force de caractère rare pour s'extraire de ce carcan et le soumettre à l'examen critique. Il est d'ailleurs écrit en toute lettre dans les missels ou les évangiles (je crois, de mémoire, celui de Luc, mais je vous avoue que ce n'est pas ma lecture de chevet, donc, information à vérifier) : « Tu ne mettras pas ton Dieu à l'épreuve. »

On pourrait encore allonger démesurément la liste des arguments en faveur de cette posture d'investigation, de cette posture du doute qu'on appelle du mot barbare de zététique. Ça ne vous rendras manifestement pas plus heureux, pas plus reposé, mais vous comprendrez peut-être un peu mieux comment l'on nous roule dans la farine à longueur de journée. Peut-être prendrez-vous vos décisions en les ayant un peu plus soupesées, et encore, rien n'est moins sûr car le choix émotionnel a la vie dure...

Pour conclure et à titre d'exercice, souvenez-vous du nombre de reportages qui furent consacrés lors des Jeux Olympiques de Sotchi aux magouilles de Vladimir Poutine pour l'obtention des jeux par la Russie, sur le traitement autoritaire réservé aux populations locales etc. Dans le même temps, avez-vous vu un seul reportage qui aurait pris le point de vue exactement contraire afin de vous permettre de peser le pour et le contre ? Pourquoi ? (Cui bono de Cicéron.) N. B. : je ne suis pas en train d'affirmer que Poutine est un brave type, je pense même exactement le contraire mais je me questionne.

Allez encore plus profond dans votre mémoire et rappelez-vous l'époque des Jeux d'Atlanta. Pourquoi Atlanta ? Y aurait-il un lien avec le siège de Coca-Cola ? Pourquoi n'avons-nous pas été soumis aux mêmes investigations quant aux tractations exercées en sous-main par les autorités américaines de l'époque ? Étrange, pourtant, cette décision prise en 1990, en plein mandat de Bush père et seulement six ans après que les USA ont accueilli les JO de Los Angeles ? Bien évidemment, il n'y a rien de comparable entre les deux cas, car, par définition, les USA c'est gentil et la Russie, c'est méchant, c'est bien ce qu'on nous a appris à l'école et dans les films, non ?

À l'école, j'ai appris que pendant la seconde guerre mondiale, les Nazis ont été écrasés par les Américains. Et les Russes ?, demande l'élève naïf. Quels Russes ? lui répond-on. Ah, tu veux sans doute parler des 20 millions de morts et des petits retards qu'ont subi les Allemands sur le front de l'Est... ouais, non mais c'est rien..., ce sont les Américains qui ont mis les Nazis à genoux. Qu'est-ce que c'est que 20 millions de morts ? Non, ceux qui ont vraiment souffert, ce sont les Américains à Omaha et les Juifs dans les camps, le reste, on s'en fout. Quoi ? Qu'est-ce que tu viens me chanter avec tes Chinois qui sont morts en plus grand nombre que les Juifs et les Américains réunis ? On s'en fout des Chinois, ils ne font pas de films ni de livres d'histoire...

Mais ce n'est que mon avis, bien sûr, pas grand-chose quand on le passe au test redoutable du « Cui bono ? »

N. B. : concernant les chiffres, je ne parle que des 20 millions de morts de l'URSS " probablement " morts au combat ou collatéraux. Il faut bien évidemment y ajouter les 7 millions supplémentaires imputables au seul Staline et qui relevaient de sa " politique intérieure ". Ceci porte le total à la bagatelle de 27 millions de morts environ sur la période. Un détail de l'histoire, diront certains...
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De nos jours, peu de gens ont la chance d'étudier la rhétorique à l'école (du moins au Québec). Comment alors se défendre contre les sophismes du discours public, repérer ce langage utilisé pour brouiller la communication, langue de bois des politiciens ou jargon scientifique, qui sert à masquer la faiblesse de l'argumentation (ou la vacuité de l'esprit) ou à vendre des idées ou des produits?

Ce « Petit cours d'autodéfense intellectuelle » va plus loin encore, il vise aussi à développer un esprit critique vis-à-vis la dictature des chiffres et les détournements de statistiques; il amène à réfléchir sur la justification des croyances, la faillibilité des perceptions et des souvenirs ainsi que les bases de la science expérimentale et il démonte les mécanismes des médias qui jouent un rôle de propagande, par la façon de traiter l'info ou simplement de ne pas en parler…

Probablement d'abord destiné aux étudiants de l'auteur, professeur de l'UQAM, cet ouvrage est écrit dans un langage clair, émaillé d'exemples et de citations de sources variées et illustré de quelques caricatures amusantes.
Le ton est également pédagogique, il évite aussi de tomber dans la dénonciation des méchants, dans la théorie de la conspiration ou du complot et les exemples de « paralogismes » viennent aussi des discours de gauche.

Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que l'auteur ne fait pas que relever les abus du langage trompeur, des mathématiques ou de la propagande, il donne des outils concrets pour les identifier et se défendre. Un ouvrage qui devrait faire faire de toute éducation citoyenne.

Qu'on se rassure cependant, ce « Petit cours » ne nous empêchera pas d'apprécier les inventions romantiques, les intrigues tordues, le fantastique, ou la science-fiction, il permettra juste de mieux comprendre la romance du « Téléjournal de 18 h » de mieux résister aux chants des sirènes et aux discours des Goebbels modernes!
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Avant tout les copains, je ne suis ni un penseur, ni un philosophe, ni un scientifique, je ne suis que moi, pas de fausse modestie, je connais mes limites et je suis très objectif quand il s'agit de mes capacités, donc je vais essayer de faire simple, pas de poésie, pas de littérature juste mon avis parmi d'autres :

L'esprit critique devrait devenir une religion que l'on nommerait le "scepticisme", un mot qui sonne bien et que j'adore : pouvoir remettre tout en cause tout le temps, sans prendre pour vérité les croyances diverses et variées basées sur la crédulité du plus grand nombre, prenant pour acquis la bêtise de quelques uns.

Involontairement, j'ai toujours été sceptique mais trop souvent crédule, en résumé je ne suis pas plus malin que les autres, sauf que de temps à autre je me pose des questions et je vais chercher les réponses qui me paraissent plus rationnelles car basées sur des faits avérés et bien réels , et tout de suite on se sent moins con.

L'auteur explique avec humour et simplicité comment développer son esprit critique, j'ai quand même recherché une légitimité à ses écrits en lisant sa biographie et comme ce n'est pas un con, j'ai continué.

Tout y passe : le langage, la logique, la rhétorique, les nombres, les probabilités, la statistique, il parle de la religion, de l'expérience personnelle, de la science et bien sur des médias.


Ce bouquin est une évidence ou la raison, les faits, les preuves l'emportent sur la bêtise humaine, et "dieu" seul sait qu'elle est universelle, infinie et donc sans limite…

Et si "dieu" l'a dit : alors pourquoi douter, le tout est de déterminer qui est "dieu" et quelles sont ses limites.

A vous de chercher le pourquoi du comment. A lire de toute urgence...


A plus les copains.
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Ce "petit" cours d'autodéfense intellectuel n'est pas si petit avec ses 330 pages très denses mais il est pertinent et même percutant. Essai que l'on pourrait résumer ainsi: tout croire ou douter de tout, dans les deux cas, on se dispense de réfléchir.
Ce livre permet donc de surseoir à ces deux paresses pour éduquer et former un esprit critique.

Il contient aussi ce qu'il faut pour briller en société. Se défendre d'un argument bancal mais aussi contre-attaquer et peut-être manipuler un auditoire avec des paralogismes, des raisonnements faux, dits avec la plus grande sincérité.

Autodéfense? le titre suggère que le citoyen, qu'il soit une oie blanche ou un matou résigné, ne doit pas acquiescer à tous les discours.
L'objet de ce recueil de bonnes idées est bien de se défendre du tout prêt, du tout cuit, de la pensée industrielle, passe-partout et consensuelle mais aussi de ne pas voir que des manipulations.

D'ailleurs, le chapitre des manipulations est le plus intéressant:
L'appel à la peur, la pente glissante, les vertus de l'imprécision (du genre prédictions à la Nostradamus ou l'astrologie), l'art de l'ambiguïté grâce à la polysémie des mots, l'accentuation sur certains mots, la pseudo-expertise, la généralisation hâtive, etc.

Toutes ces manipulations forment cet art de la fourberie mentale et cela s'apprend. Ce que tout citoyen devrait savoir.

J'ai aussi apprécié le cours de probabilité et l'éducation aux médias.

Pour conclure ce travail, en guise de paraphe, Baillargeon, propose Carl Sagan et son kit de détection de poutine. Terme qui, avant de marquer l'actualité, était un mets longtemps ridiculisé (et utilisé pour représenter la société québécoise). Et maintenant, dans les deux sens du terme, il est en vogue.
Finalement, la recette pour former un esprit critique est donc un délicat équilibre entre le scepticisme et l'ouverture aux idées nouvelles.

Même si le style de l'auteur est accessible et le ton humoristique, j'ai bien noté que les dessins, très présents, étaient signés de Charb (assassiné dans les locaux de Charlie Hebdo) et que ce livre, rétrospectivement, résonne comme un hommage au dessinateur et un avertissement contre l'ignorance dont se nourrissent les fanatiques.


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J'ai été assez déçue par ce livre. Et cela me trouble d'autant plus que ce manuel m'a été conseillé par une babéliote dont j'estime beaucoup les critiques.
Mais voilà, la première partie sur le langage me parait surtout pleine de bon sens. J'attendais plus de la seconde sur les maths mais là encore il s'agit, en tout cas pour le début, plus de bon sens que de stratégie nouvelle. Par exemple dans un paragraphe sur les ordres de grandeur l'auteur donne pour exemple une affirmation selon laquelle le nombre d'enfants tués aux États-Unis double tous les ans depuis 1950. Je n'ai pas eu besoin de réfléchir pour savoir que ce n'était pas plausible. Quiconque ayant entendu parler du problème de l'échiquier et des grains de blés le sait. J'ai fait un rapide calcul sur 15 ans et j'arrivais déjà à un chiffre faramineux. En revanche son explication sur la progression géométrique « Appelons U notre suite ; U1, le nième terme dont nous cherchons la valeur ; R la constante (ou raison) de la suite. Pour calculer le nième terme, on multiplie le premier terme (U1) par la constante R exposant n-1. » est pour moi du charabia. Autre affirmation dont le simple bon sens permet de s'apercevoir qu'elle est invalide : 2000 enfants iraquiens meurent chaque heure depuis 10 ans à cause de l'embargo. D'emblée le chiffre parait gros et un rapide calcul même arrondi à 20 heures par jour amène vite à la conclusion que c'est impossible. L'auteur parle aussi de ce qu'il appelle la donnée détachée « ce pain a deux fois moins de glucides » ; eh bien il m'arrive de répondre à ma télé (oui je réponds parfois à ma télé, c'est ridicule mais inoffensif) lorsqu'elle m'annonce « élu produit de l'année » « ben oui mais par qui ? »
En revanche, la suite (probabilités) se complique et je ne comprends plus.
Un autre chapitre sur l'expérience personnelle m'a davantage plu, mais je vais faire preuve d'un peu de mauvais esprit. Dans un encadré sur ce que l'auteur appelle les faux positifs, il suppose qu'une maladie mortelle affecte 1 personne sur 1000 ; que le test permet de la détecter dans 99 % des cas mais la déclare également présente à tort dans 2 % des cas. Puis il annonce que le risque pour une personne dont le test est positif, qu'il le soit à bon escient est de 1 sur 23. Comment arrive-t'il à ce chiffre, mystère. Bien aimablement il fournit le mode de calcul.
La formule est la suivante : A le patient malade ; B le patient au test positif. P(A) = .001 ; P(B/A) = .99
P(B/non A) = .0,2 ; ce que nous cherchons est : P(A/B) ; Formule de Bayes :
P(A/B)= P(A)P(B/A)
P(A)P(B/A)+P(non A)P(B/nonA)

Question : Quel est le pourcentage de gens maitrisant cette formule et donc capable de vérifier ses dires ? En ce qui me concerne Baillargeon peut dire n'importe quelle énormité en l'accompagnant d'une formule mathématique, je ne saurais le contredire. Mais puisqu'il y a une formule mathématique et que de plus c'est trop intelligent pour moi, ce ne peut être que vrai !

Les deux derniers chapitres, portant sur l'un sur la science et en particulier les liens (connus) entre recherche et industries pharmaceutiques par exemple et sur les médias ont été pour moi les plus intéressants, même s'ils ne peuvent constituer qu'une approche.
Une liste de sites promettant une information alternative est un réel plus. A tester avec les outils donnés dans l'ouvrage.

Wikipédia vous donnera un certain nombre de liens concernant ce penseur. Particulièrement vers un entretien avec la revue Barricata, dans lequel Baillargeon se présente et discute de ses idées et de ses combats qui vont au-delà de la seule recherche des mensonges. On adhère ou pas, mais l'entretien est très intéressant.

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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
1. 1. 5. L'accentuation
Cette stratégie rhétorique repose sur le fait qu'il est possible de changer le sens d'une affirmation simplement en changeant l'intonation avec laquelle on en prononce certains mots.
Prenez par exemple la maxime suivante : « On ne doit pas dire de mal de nos amis. » Sa signification est claire et son interprétation ne pose généralement pas de problème. Mais on peut la dire en signifiant qu'on peut dire du mal de ceux qui ne sont pas nos amis — simplement en insistant sur le dernier mot : « On ne doit pas dire de mal de nos AMIS. »
On peut encore la dire en laissant entendre qu'on peut dire du mal des amis des autres: « On ne doit pas dire de mal de NOS amis. »
Dans un certain contexte, on pourra la dire en insinuant que, si l'on ne peut pas dire du mal de nos amis, on peut cependant leur en faire : « On ne doit pas DIRE de mal de nos amis. »
À l'écrit, il existe un équivalent de cette stratégie orale, qui consiste à accentuer certaines parties d'un message. La publicité y a souvent recours, par exemple en annonçant en grosses lettres : UN ORDINATEUR PERSONNEL POUR 300 $ et, en tout petits caractères, que le moniteur n'est pas compris dans ce prix.
Une stratégie voisine mais distincte consiste à ne retenir que certains passages d'un texte, donnant ainsi l'impression qu'une chose est affirmée alors que le texte original disait sinon le contraire, du moins tout autre chose.
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{Hommage à Charb qui a réalisé les illustrations de ce livre, plus que jamais, essentiel.}
En Occident, on peut soutenir que la philosophie est née, au moins en partie, de la volonté de résoudre des problèmes concernant les définitions conceptuelles, l'immense difficulté de leur formulation et leurs nombreuses répercussions. Le nom de Socrate reste lié à tout cela. En effet, celui-ci conviait ses contemporains à adopter une démarche qui consistait à parvenir, par induction, c'est-à-dire par l'examen de cas particulier, à une définition conceptuelle d'un terme problématique : courage, piété ou justice, par exemple. Cette démarche reste valable ; chercher à préciser de cette manière les concepts que nous utilisons est souvent avantageux. S'agit-il de terrorisme ? Quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes qui doivent être satisfaites pour pouvoir parler de terrorisme ? Si non, pourquoi ? Et que faut-il revoir en ce cas : notre usage ou notre définition ?
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La tendance ô combien humaine à préférer des analyses et des descriptions simples à des analyses et des descriptions complexes et nuancées est très répandue. Cela explique sans doute une part du succès remporté par les faux dilemmes. Quoi qu'il en soit, aucun manipulateur n'a manqué de noter tout le parti qu'il est possible d'en tirer. Il est tellement plus facile de penser devoir choisir entre lutter contre le terrorisme en bombardant le pays X ou voir la civilisation occidentale s'écrouler que de consentir aux longues et complexes analyses que demande un examen sérieux et lucide des nombreuses questions en jeu.
Kahane* a suggéré que la stratégie du faux dilemme combinée au paralogisme de l'homme de paille (que nous verrons plus loin) compte parmi celles que les politiciens utilisent le plus souvent. Le schéma d'argumentation est alors le suivant : la position de l'adversaire du politicien est caricaturée et rendue grotesque ; puis sa propre position est exposée comme étant la seule autre option possible. La conclusion est enfin explicitement avancée ou implicitement affirmée que la politique proposée est la seule qui soit raisonnable.

PREMIÈRE PARTIE : QUELQUES INDISPENSABLES OUTILS DE PENSÉE CRITIQUE, 1. Le langage ; 1.2 L'art de la fourberie mentale ; 1.2.2 Paralogismes informels : le faux dilemme.
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SEXISME ET RECTITUDE POLITIQUE : La langue reflète les idéologies particulières de la société qui la parle. [...] La langue peut être un puissant véhicule de formes, subtiles ou moins subtiles, d'exclusion et de discrimination. L'histoire suivante est bien connue. Un homme voyage en voiture avec son fils. Un accident survient et il est tué sur le coup. On emmène l'enfant d'urgence à l'hôpital. Dans la salle d'opération, cependant, le médecin déclare : " Je ne peux pas opérer cet enfant, c'est mon fils. " Comment expliquez-vous cette affirmation, qui est rigoureusement vraie ?






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La réponse est évidemment que le médecin est sa mère.
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LA GÉNÉRALISATION HÂTIVE
« Le sexisme, comme le racisme, commence par la généralisation : c'est-à-dire la bêtise. » Christiane Collange
Comme son nom l'indique, ce paralogisme consiste à généraliser trop vite et à tirer des conclusions au sujet d'un ensemble donné en se basant sur un trop petit nombre de cas. Certes, les cas invoqués peuvent avoir rapport à la conclusion avancée ; c'est leur rareté qui fait problème. Dans la vie de tous les jours, ce paralogisme prend souvent la forme d'un argument anecdotique, c'est-à-dire qu'il invoque une expérience personnelle pour appuyer un raisonnement. « Tous les patrons sont des margoulins : je le sais, j'en connais plusieurs » est une généralisation hâtive, tout comme : « L'acupuncture, ça marche : mon frère a arrêté de fumer en consultant un acupuncteur. »
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