Ces autres me font peur. Les déchirements m'ont trop amochée. J'étais si insouciante pourtant, si naïve. J'ai cru tant de paroles empoisonnées, creuses, parce que je voulais qu'elles soient la vérité. Et maintenant, voilà ce que je suis devenue. Une sauvage. La femme émerveillée, si simple et liante, a érigé une cuirasse.
Travailler, c'est être enchaîne à un immeuble, à une machine à café, à des personnes que l'on verra tous les jours. Plus possible de fuir.
Est-ce qu'il s'appelle vraiment Cyril ? Ou bien est-ce qu'il ment, tout comme moi ? Je n'ai jamais fait ça avant. Tricher. Me déguiser. Cela me semble si facile, en fin de compte. C'est comme être devant l'autre en ayant érigé un mur, une défense qui ne pourra pas tomber. Parce que tout est faux et que rien ne peut plus s'aventurer là où ça fait mal, là où ça brise
L'indécision est la pire des décisions.
Les déchirements m'ont trop amochée. J'ai été si insouciante pourtant, si naïve. J'ai cru tant de paroles empoisonnées, creuses, parce que je voulais qu'elles soient la vérité. Et maintenant, voilà ce que je suis devenue. Une sauvage. La femme émerveillée, si simple et liante, a érigé une cuirasse.
Pourquoi est-ce que je n'arrive plus à rien ?
Est-ce que tout vient de se briser ? Tous les barrages ?
Pourquoi suis-je sous l'eau, d'un coup ?
Est-ce que quelqu'un peut venir m'aider, s'il vous plaît ?
Je ne sais plus qui appeler.
Je ne sais plus qui sera là pour moi.
Personne.
La vie va de pair avec des blessures. Il faut simplement accepter cette éventualité et prendre conscience des situations dont on sort indemne.
Cette phrase balaie toute ma solitude. J'ai longtemps voulu être unique. Mais qu'y a-t-il de plus rassurant que le semblable ?
Dans une relation, chacun est entre les mains de l'autre. On peut prendre soin de son hôte, le saisir avec délicatesse, lui prodiguer de l'affection. Parfois, on en réalise pas à quel point ce que l'on tient est précieux et fragile... On le malmène, on l'écrase. C'est seulement lorsque sa possession est partie, laissant les doigts ensanglantés, que l'on prend conscience de sa propre cruauté. De ce que l'on a perdu.
- Tu t'es prostituée, c'est ça ?
J'explose de rire.
- Eh bien, quelle vision tu as de moi...
- Les petites provinciales qui arrivent à Paris, on les connaît.
- Je ne suis pas provinciale.
- Tu as grandi dans le Sud, fait une partie de tes études là-bas. C'est marqué dans ton CV.
- Cette conversation devient malsaine.
Je fais pensivement tourner le liquide dans ma coupe. Il se rapproche. Son parfum me prend d'assaut.
- OK, j'arrête avec mon interrogatoire.
- Merci.
- C'est juste... Je n'ai pas eu d'intuition sur toi. Simplement un sentiment de familiarité. Oui, c'est ça, de familiarité.
- Ah.
- Depuis le début, j'ai cette envie de te protéger.
Je m'esclaffe de nouveau, pour briser les mots, pour les empêcher de m'atteindre.