Celui qui n’a jamais vu le soleil se lever à Paris a assurément raté quelque chose. Il y a, dans ces heures, du beau et du mystère. Il y a des espoirs, des histoires, des trésors et des diamants dans cette ville quand le soleil lui fait l’honneur de sa présence. Paris, tu es un être à part, doté de toutes les grâces. Tu n’appartiens à personne, mais tu tiens le monde entier dans ta main.
Moni avait cette intelligence propre à quelques - uns , l'intelligence des détails futiles , l'intelligence qui ne sert à rien.
Mais le coeur a ses accès que rien ne peut empêcher, sauf la raison, qui parfois commande un peu trop.
Etre parisien, c'est aller vite.Or, moi, à ce moment précis, je n'allais pas vite; j'étais debout, immobile, ce qui me valut coups et rebuffades. Est-il besoin de préciser que, parmi tous ceux qui m'avaient heurtée, pas un ne se retourna pour en savoir un peu plus ? aux yeux de ceux qui passaient à côté, je n'étais qu'un obstacle à contourner, une perte de temps à éviter.
Comment est-il possible de passer si rapidement de l'amour qui nous fait tout donner à la haine qui nous fait ne rien lâcher ?
Certaines filles avaient choisi le métier. D'autres s'y pliaient par nécessité. Certaines le faisaient avec désinvolture, d'autres avec un zèle à rendre jaloux un contrôleur des impôts. Certaines le vivaient très mal, d'autres très bien. C'était un boulot comme un autre. Je l'exerçais correctement, honnêtement, avec une placidité de marbre. Je faisais mes horaires et ce pour quoi j'étais payée - rien de plus, rien de moins. Certaines collègues y allaient de leur petite touche personnelle, parfums, huiles, aphrodisiaques. Elles prétendaient donner du rêve. Moi, j'étais payée pour faire ce que l'épouse refusait, pour résoudre les conflits identitaires par l'acte, pour rigoler entre copains, pour essayer une nouvelle monture. [...] Je ne me détestais pas dans cette vie, je ne m'adorais pas non plus, n'en déplaise à certains psychologues de comptoir. Les clients glissaient sur moi comme autant de petites brises et je n'en sortais ni défaite ni grandie, un peu courbaturée parfois et pressée toujours de terminer ma journée pour retrouver le calme et la solitude [...].
(p. 239-240)
Je suis coupable d'être née.
Elle avait gardé de son enfance des souvenirs épars qui ressurgissaient de temps à autre, au gré de ses rêves ou de ses envies. De là où, toute jeune, Monique se tenait habituellement, elle ne voyait rien d'autre que les cheveux des femmes allongées sur la table de la cuisine, cuisses grandes ouvertes. Sa mère ['faiseuse d'anges' (sic)] lui interdisait de regarder lorsqu'elle travaillait et la houspillait lorsqu'elle la surprenait à jeter un oeil au travers d'une porte mal fermée. Mais la petite Monique, curieuse, voulait voir et comprendre pourquoi on chuchotait sur son passage et pour quelle raison étrange sa mère était considérée comme une pestiférée alors que toutes les dames du village défilaient à la maison. Alors elle regardait, jour après jour, intriguée, sentant comme de la magie là-dessous, se demandant même si sa maman n'était pas un peu sorcière.
(p. 29-30)
Comment est-il possible de passer aussi rapidement de l'amour qui nous fait tout donner à la haine qui nous fait ne rien lâcher?
Le malheur a une temporalité qui lui est propre et la souffrance dure toujours une éternité. Mon éternité à moi, c'était ce vide qui s'était installé dans ce deux-pièces, cette angoisse qui transpirait par tous les pores de ma peau et cette affreuse bonne femme qui m'avait élevée, que j'aimais encore et qui, pourtant, n'était plus capable d'amour envers moi. Le genre de boule qui vous tue si vous ne la tuez pas avant.
(p. 73)