Une fois que dans le malheur un homme peut se faire un roman d'espérance par une suite de raisonnements plus ou moins justes avec lesquels il bourre son oreiller pour y reposer sa tête, il est souvent sauvé.
Il est souvent question de vous chez moi, le nom qui est toujours dans les coeurs arrive souvent sur les lèvres.
Quand les passions sont sans aliment, elles se changent en besoin; le mariage devient alors, pour les gens de la classe moyenne, une idée fixe; car ils n'ont que cette manière de conquérir et de s'approprier une femme. César Birotteau en était là.
Plus un bénéfice est illégal, plus l'homme y tient .
Vous êtes comme le soleil, vous jetez la lumière, et ceux que vous éclairez ne peuvent rien vous rendre.
Le malheur, dit Césarine en embrassant sa mère, a cela de bon qu'il nous apprend à connaitre nos vrais amis.
Quelques moralistes pensent que l'amour est la passion la plus involontaire, la plus désintéressée, la moins calculatrice de toutes, excepté toutefois l'amour maternel. Cette opinion comporte une erreur grossière. Si la plupart des hommes ignorent les raisons qui font aimer, toute sympathie physique ou morale n'en est pas moins basée sur des calculs faits par l'esprit, le sentiment ou la brutalité. L'amour est une passion essentiellement égoïste. Qui dit égoïsme, dit profond calcul.
Durant les nuits d'hiver, le bruit ne cesse dans la rue Saint-Honoré que pendant un instant ; les maraîchers y continuent, en allant à la Halle, le mouvement qu'ont fait les voitures qui reviennent du spectacle ou du bal. Au milieu de ce point d'orgue qui, dans la grande symphonie du tapage parisien, se rencontre vers une heure du matin, la femme de monsieur César Birotteau, marchand parfumeur établi près de la place Vendôme, fut réveillée en sursaut par un épouvantable rêve. La parfumeuse s'était vue double, elle s'était apparu à elle-même en haillons, tournant d'une main sèche et ridée le bec de canne de sa propre boutique, où elle se trouvait à la fois et sur le seuil de la porte et sur son fauteuil dans le comptoir ; elle se demandait l'aumône, elle s'entendait parler à la porte et au comptoir. Elle voulut saisir son mari et posa la main sur une place froide. Sa peur devint alors tellement intense qu'elle ne put remuer son cou qui se pétrifia : les parois de son gosier se collèrent, la voix lui manqua ; elle resta clouée sur son séant, les yeux agrandis et fixes, les cheveux douloureusement affectés, les oreilles pleines de sons étranges, le cœur contracté mais palpitant, enfin tout à la fois en sueur et glacée au milieu d'une alcôve dont les deux battants étaient ouverts.
La bourgeoisie de la rue Saint-Denis s’étalait majestueusement en se montrant dans toute la plénitude de ses droits de spirituelle sottise. C’était bien cette bourgeoisie qui habille ses enfants en lancier ou en garde national, qui achète Victoires et Conquêtes, le Soldat laboureur, admire le Convoi du pauvre, se réjouit le jour de garde, va le dimanche dans une maison de campagne à soi, s’inquiète d’avoir l’air distingué, rêve aux honneurs municipaux ; cette bourgeoisie jalouse de tout, et néanmoins bonne ! serviable, dévouée, sensible, compatissante, souscrivant pour les enfants du général Foy, pour les Grecs dont elle ignore les pirateries, pour le Champ-d’Asile au moment où il n’existe plus, dupe de ses vertus et bafouée pour ses défauts par une société qui ne la vaut pas, car elle a du cœur précisément parce qu’elle ignore les convenances.
(p. 126-127, Chapitre 1, “César à son apogée”).
Le mettre dans les fonctions publiques, n'est-ce pas, foi d'honnête femme, à faire pitié ?