Quatre mois se sont écoulés, trop longue pause pour revenir enfin vers mon cher
Balzac et terminer les Scènes de la vie privée avec
Un début dans la vie.
Le sujet principal de ce roman est le parcours d'Oscar Husson, un tout jeune homme au début du récit, pas très intelligent, trop fanfaron, issu d'un milieu modeste, et que sa mère, Madame Clapart, essaie de pousser dans le monde pour assurer son avenir. Pour cela, elle le place sous la protection d'un ancien amant, Moreau, devenu régisseur auprès du Comte de Sérisy.
C'est ainsi qu'Oscar se retrouve invité à séjourner au château de Presles, chez le Comte. La première partie de cette histoire va se dérouler pendant le trajet, dans la voiture hippomobile du service de messagerie qui dessert la ligne de l'Isle-Adam. Dans la diligence, prennent place plusieurs personnages, d'allures et de situations aussi diverses que variées : deux jeunes artistes peintres (Léon de Lora dit Mistigris et Joseph Bridau), un clerc de notaire (Georges Marest), un riche paysan (le père Léger), un inconnu (Le Comte de Sérisy lui-même qui tient à ne pas être reconnu) et le jeune Oscar.
Naturellement, le trajet étant long, la conversation s'engage et prend un tour particulier car les trois jeunes gens jouent les importants et s'inventent des rôles, surenchérissant dans leurs mensonges et vantardises : Joseph se fait passer pour un peintre célèbre, Georges se décrit en militaire héroïque et décoré… Oscar, quant à lui, s'invente une vie de fils de famille mais ne s'arrête pas là ; ignorant que le Comte de Sérisy est dans la voiture, il y colporte des rumeurs sur ses infortunes conjugales et révèle même des choses très intimes que le régisseur a pu confier sur lui à sa mère… L'ensemble est assez savoureux, ponctué des jeux de mots des deux artistes peintres. Naturellement, ces incartades auront des conséquences plus ou moins graves pour ces jeunes personnages car tous les voyageurs réunis par le hasard dans la même voiture sont plus ou moins liés à la même affaire ou au même lieu d'arrivée. Je n'en dirai pas plus… Sachez seulement qu'un véritable drame se joue dans la voiture, autour d'une affaire immobilière complexe.
Pour ma part, l'intérêt principal résidait aussi ailleurs. Quel immense plaisir pour moi qui pratique l'attelage de loisirs et d'endurance de découvrir sous la plume
De Balzac la description détaillée des voitures et des chevaux du messager Pierrotin ! Les amateurs apprécieront cette immersion dans les transports du XIXème siècle, les termes techniques, le garnissage des chevaux, la mise à la voiture, les manières de mener, les ordres vocaux, le chargement des bagages et la disposition des places des passagers, les arrêts, les manières d'appréhender les côtes et les pentes descendantes, les horaires, les rations des chevaux etc…
Car,
le messager joue ici un rôle secondaire primordial, appelé par sa profession à voir et entendre beaucoup de choses et à côtoyer bien des secrets. Au début du livre, il est trop ambitieux et s'est beaucoup endetté pour développer son service ; tandis que ses passagers dégoisent, il compte et recompte ses gains à venir.
La deuxième partie est un peu plus ennuyeuse. À cause de ses bévues, les espoirs de carrière d'Oscar ont été revus à la baisse, mais, placé dans une étude, il finit par faire son droit et son chemin dans la vie se précise plutôt bien.
C'est compter sans des retrouvailles avec Georges Marest, qui va, encore une fois, le pousser à commettre de grosses erreurs et à renoncer à la carrière juridique qui se profilait…
Il est intéressant de voir comment
Balzac noue et dénoue les fils qui lient tous les personnages du début à la fin ; en effet, Oscar, forcé d'obéir à la conscription finira par trouver sa voie dans l'armée. le hasard ou la destinée va le mettre en présence du fils du Comte et lui donner les moyens de monter en grade grâce à des actions héroïques que ses débuts pathétiques dans la vie ne laissaient pas imaginer.
Enfin, et c'est là l'essentiel, pour boucler la boucle de cet écheveau narratif, quinze ans plus tard, tous les personnages vont encore une fois se retrouver sur la même ligne de messagerie, dans une belle voiture moderne tirée par quatre chevaux ; en effet, Pierrotin a bien mené ses affaires et à fait prospérer son service, passant du « coucou », sorte de grand cabriolet à deux roues tiré par un ou deux chevaux, à l' « hirondelle », véritable omnibus qui nécessite au moins quatre chevaux…
Par contre, les aléas de la fortune n'ont pas joué de la même manière envers les uns et les autres ; si certains se sont élevés, d'autres sont ruinés… C'est aussi l'occasion, dans une voiture hippomobile de plus grande capacité, de faire monter d'autres personnages de la Comédie humaine, déjà croisés ou à venir.
Un début dans la vie est une réflexion très intéressante sur l'évolution d'Oscar Husson, encombré d'une mère aimante mais possessive, parti d'une certaine médiocrité pour atteindre une position stable mais moyenne, bourgeoise.
Personnellement, j'y ai trouvé d'autres attraits et persiste à penser qu'il faut lire et relire
Balzac, encore et toujours.
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