Citations sur Balthazar, fils de famille (20)
C'est comme la bicyclette, j'ai mis dix ans pour ne plus tomber à gauche. Je penchais. Dans la mer aussi je penche. Je nagerais depuis longtemps si mon père ne restait pas sur le rivage, les mains sur les hanches, à me donner des conseils. (...) Je suis dans quatre-vingt centimètres d'eau avec un père en short blanc, une casquette sur la tête, qui me regarde comme un entomologiste sa guêpe prise dans une larme de miel. (p. 125)
Elle [La grand-mère du narrateur ] ne fait pas de visites, n'a pas de but.C'est un personnage lisse comme ces galets que la mer a mille fois retournés.
Est-ce parce qu'elle n'a plus de mémoire qu'elle est si sereine ? Est-ce la mémoire qui fait mal. (...)
J'essaie de savoir comment ma grand-mère vivait autrefois, qui elle a aimé, pour qui elle a vécu, quels événements, quelles rencontres l'ont marquée.
(p. 114 / Folio, 2012)
Une heure sur ce banc, ce sera long pour elle. Moi j'ai l'habitude du temps qui ne passe pas, du temps qui vous reste dans la gorge, du temps dont on crève. (p. 84 / Folio, 2012)
Je la suppliai de m'écouter, de s'arrêter une seconde. "Je peux faire deux choses à la fois." Elle pouvait donc se peindre les lèvres et m'écouter parler de ma mort. (p. 65)
"Elle a le snobisme des trains, j'ai bien celui des généalogies. Chacun ses tares, chacun ses gares"; ajouta-t-il pour ma grand-mère qui, de nature casanière, en a fréquenté si peu. Si au moins elle avait voyagé...mais non ! Dommage pour elle: on résout tant de rêves dans les gares, surtout quand ce sont les autres qui partent. (p. 43)
On ne peut avouer que ses parents sont pauvres qu'à une condition : qu'ils mènent une vie de pauvres, et qu'ils ne la ramènent pas. Mais nous, pas question de faire les modestes. (...) Vivre au-dessus de leurs moyens, l'unique façon de supporter les jours fades. On étouffe derrière ces paravents, sous ces commodes, ces candélabres, ces capitons. (p. 107 / Folio, 2012)
Même dix ans trop tard, elle a emmené son fils au square. Plus tard il ne pourra pas lui reprocher d'avoir manqué d'affection, de tendresse, de présence. Qu'elle se rassure : je n'ai manqué de rien, puisque je l'ai presque toujours trouvé ailleurs. (...) L'amour, j'en prends un peu partout, j'en donne à tous- sauf à mes parents (...) (Folio, 2012, p. 86)
Mourir, le temps est si long. Entre mes doigts toutes les pendules s'arrêtent, que je les démonte ou pas. Je les regarde peut-être un peu trop souvent. Mourir pour sortir de ce quartier raide, froid, cher, absurde. Etre enfant à Montmartre. (...)
J'ai regardé d'assez près: c'est escarpé, provincial. (...) être enfant à Montmartre, c'est voir tout de haut : la tour Eiffel, une plume; l'Arc de Triomphe, un cube; les Invalides, quelques wagons posés en dehors des rails d'une gare pour rire. (p. 103 / Folio 2012)
Il n'y a que ça dans la vie ! Il faut que tu découvres toi-même de quoi sont faits les êtres : où est leur mystère. Où sont leurs grandeurs. Et là où le bât blesse. Voilà les deux pôles. (p. 44)
Mes parents ne vont jamais acheter dans le haut : c'est nouveau riche, plaqué, chiqué , trop cher. les gens du haut ne fréquentent pas ceux du bas. Nous, comme nous sommes juste au milieu, les mieux placés pour juger les uns et les autres. (p. 12 / Folio, 2012)