Un livre bâti sur ce qui peut sembler un rien.
Et c'est là que
Dominique Barbéris réussit un coup de maître.
Ce rien n'est qu'apparence.
Derrière celle-ci se dissimulent des vies comme tant de vies se déroulent dans un anonymat quotidien.
Il y a Madeleine, la tante qui échappe, murée dans ce qui semble un silence, enfouie dans des rêves non-dits, absente et présente, reflet d'une époque avec ses robes « parachute » vichy ou à petit pois, la mère qui promène une petite fille esquissée devenue « prétexte ».
Vivre dans l'ombre d'un mari aimant, installée dans un Cameroun qui bouge, inquiète, fréquentant cette communauté de blancs coloniaux, des frémissements la parcourent, quasi inexprimés.
Communauté fermée sur elle-même, s'épiant, s'offrant des dîners, buvant sous la chaleur qui étouffe et dans le bruit infernal des oiseaux qui rend fou, les regards vont de l'un à l'autre et jugent.
Il y a le séducteur, celui qui soudain semble sincère, se meut près de Madeleine, tisse sa toile, offre ses regards et son amour à celle qui vit en retrait.
Douceur des mots, attente, rien ne se passe, tout est dans le mirage de ce qui pourrait advenir.
Le titre du livre s'illumine.
Les années d'après-guerre, l'ambiance coloniale, l'indépendance du Cameroun, l'inquiétude, la peur, la fuite éteignent les chansons des années cinquante tour à tour suaves, mélancoliques, fantaisistes et
Dominique Barbéris s'y entend pour nous y plonger délicatement en recréant l'atmosphère d'une époque évanouie.
Puis il y a la fin de l'histoire avec tout ce qu'elle contient de tristesse, de regrets, de non-dits, d'effacements sauf les mots de l'auteure qui lui donnent vie.
Roman est-il dit, peut-être mais ce « rien » se met à exister avec des sons, des odeurs, des états d'âme, des vies qui furent avec leurs doutes, leurs regrets, leurs mystères que d'autres (dont la narratrice) tentent de pénétrer.
Un livre d'atmosphères et de perceptions, un livre délicat.