Un hôtel dans la montagne, au bord d'un lac, près de la frontière, hors saison.
Une pension de famille un peu vieillotte où se côtoient quelques rares vacanciers, bon gré mal gré.Ils sont cinq exactement, sans compter la patronne et la femme à tout faire. Deux couples et un homme seul, il s'appelle Serge, c'est du moins ce qu'il affirme.
On se croirait dans un huis clos un peu forcé, quoique choisi, une pièce de théâtre où forcément il va se passer quelque chose, quelque chose de grave. Les soupçons pèsent, lourds, la tension est palpable.
Chacun épie l'autre sans vraiment le vouloir, les distractions sont rares, l'attention se fixe sur le voisin, de table, de chambre, comme pour en percer les mystères. Tous un peu voyeurs, à l'affût d'un geste, d'une parole échangée, d'un reflet dans la vitre.
Mais que font-ils tous là, réfugiés dans cet hôtel, alors que la saison est bel et bien terminée et que déjà l'automne, presque l'hiver - tout va si vite dans la région - fait son apparition, bourrasques, pluie et neiges mêlées ?
Bien des années se sont passées, près d'une dizaine, avant que la narratrice de cette étrange histoire ne prenne le temps et le risque peut-être de se la raconter à elle-même ou au lecteur.
Les images affluent nettes, précises :
«Je revois la voiture, comme elle nous était apparue ce soir-là, en cette fin de soirée plutôt où il commençait à faire nuit.»
Tout est précis, clair, mais non moins dénué de mystère. Récit «après coup» qui ajoute encore au sentiment pesant que quelque chose est en suspens, ne manquera pas d'arriver. Récit en abyme où se réfléchissent les sentiments présents, ceux de la narration et ceux du passé.
Le lac omniprésent (et pas seulement parce qu'il justifie, ironiquement le nom de l'hôtel) est comme un immense miroir, convexe, auquel personne ne peut échapper, pas plus qu'à l'immense verrière du salon, qui le soir reflète, ingénument les quelques veilleurs.
Reflets menaçants parfois..
«Oui, la surface du lac ouverte de tous les côtés. Nos reflets enfoncés à l'envers, la tête en bas, nos têtes touchant le limon froid, la pâle lentille du ciel clair»
Jusqu'aux bruits qui semblent s'y réfléchir, et les aboiements du chien :
«- C'est ce chien, avais-je dit. le chien de l'ancien abattoir. Il aboie sans arrêt. On dirait que le bruit vient du lac.»
Huis clos forcément, et le malheur même s'il sourd d'un peu partout et surtout de tout le monde, ne semble attendre que son heure pour foncer sur sa proie.
«Tout le monde est triste, me dit Franck. Plus ou moins triste. Quand on se rend compte.»
Un très beau roman, envoûtant, inquiétant, une histoire transcrite d'une plume élégante, une histoire où le suspens tendu comme un fil prêt à se rompre n'a d'égal que la beauté, et l'apparente tranquillité des paysages, comme aux aguets.
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