Ce roman d'
Henri Barbusse laisse un peu perplexe.
Empreint d'une forte idéologie, il est écrit dans un style très déconcertant, de manière lapidaire, un peu poétique mais très politique.
Un aviateur, dont on ne connaîtra pas le nom, entame avec son coéquipier Belloir, un vol sur un avion que l'on suppose expérimental.
A de très grandes altitudes jamais atteintes, la perspective se modifie et le monde apparaît différent.
La grandeur se mêle à la petitesse, des paysages d'abord, puis des différents personnages rencontrés.
De ruines romaines en Normandie à l'Afrique, en passant par l'Asie, les escales vont se multiplier et devenir autant de messages voulus et transmis aux lecteurs de Barbusse.
Ce dernier veut y faire "un pas en avant dans la mathématique humaine".
Et, pour cela, il "fait de l'Histoire avec de la Géographie".
Henri Barbusse ne mâche pas ses mots.
Dans une allégorie tout à fait judicieuse mais très personnelle, il réhabilite la tour de Babel, condamnant pêle-mêle le militarisme dont la machinerie militaire est posée sur le monde, le colonialisme de l'homme blanc qu'il décrit avec une figure de plâtre et une voix de médicament, l'église qui, pour lui, a été posée sur le vide au début de l'Histoire, le capitalisme sauvage et l'exploitation des "meurt-de-faim", de la "racaille de la souffrance".
Il y décrit aussi la répression de la révolte et de la grève, la mort d'une femme, la fin "d'une foule punie de n'être pas une foule".
Paru en 1930, ce livre est beau mais violent.
Il est moderne, dans sa forme mais aussi dans son propos car il évoque le colonialisme économique nouveau qui se dessine pour l'avenir, attaque les politiciens et les littérateurs qui, selon lui, parlent tout seuls.
C'est qu'
Henri Barbusse avait une grande exigence et une haute opinion de la littérature.
Il est aujourd'hui reconnu essentiellement pour son ouvrage audacieux et polémique,"le Feu", qui lui valut le prix Goncourt en 1916.
Mais
Henri Barbusse fût aussi une figure emblématique du Front Populaire, et plus largement de l'histoire de la gauche française.
Quelques jours avant sa mort, il a été acclamé par la foule qui avait envahi les rues de Paris le 14 juillet 1935.
Son oeuvre est puissante, engagée et pacifiste.
Mais aussi violente, orientée et accrochée à son embrigadement communiste.
Ici, dans "Élévation", il maîtrise son verbe, utilise une langue neuve, et fait ainsi participer le lecteur à son voyage.
Le collectif se confond avec le singulier, le grand avec le petit.
Les cahots du sort projettent l'avion dans quelques petits coins particuliers de la grande vie.
Et la plume de Barbusse en tire parti afin de redonner espoir aux illuminés en qui brûlent la logique et la justice, de rejeter dans l'ombre le vieil angle de vision de la convoitise et de l'assujettissement.
"Élévation" est donc un ouvrage idéologique et politique surgi d'un autre temps, et qui pourtant laisse parfois songeur ...