Je me suis souvent dit, que si jamais j'affrontais encore une fois l'aventure du mariage, ce ne serait qu'avec une femme sans beauté, et d’un cœur noble, — quoique au fond, je sache que je n’arriverai jamais à désirer le visage sans beauté, — nonobstant, pareil à l'enfant qui a été brûlé et craint la flamme, je m’efforce de me détourner de la beauté. Seulement, oh ! ma princesse des contes de fée, oserais-je le révéler, voici des jours et des mois que j'éprouve la certitude qu'en vous, « Vous », en lettres majuscules d’or, la beauté et le cœur se trouvent réunis.
C'était le passé ! Le présent, pour quelques heures au moins, était l'oubli miséricordieux. Qu’apporterait l’avenir ? Elle avait vaillamment éloigné la tentation d'apprendre d'un autre que de son époux la gloire de vivre et la force de l'amour. Et lui, avait failli à sa tâche. Les sourds peuvent-ils enseigner l'harmonie, ou les aveugles révéler la beauté de la couleur ? Mais les jours à venir ne détenaient-ils pas une réserve de bonheur ? Le jardin clos n'était plus défendu à tous par un possesseur qui en ignorait le parfum. La barrière, dorénavant, ne serait fermée qu'au loquet, et lorsqu’une main ardente s'y appuierait, elle s’ouvrirait toute grande.
Il m'était impossible de la considérer autrement que comme ma femme. Elle avait fait de ma vie un enfer, m’avait volé toutes mes illusions, empoisonné ma jeunesse. Mais devant Dieu, j'avais déclaré la prendre pour femme jusqu'à ce que la mort nous sépare; et aussi longtemps que nous vivions tous deux, qui pouvait me relever de ce serment ?
Il lui avait toujours semblé essentiel qu’un homme pût comparaître, sans honte, ni susceptible d'aucun genre de reproches, devant la femme aimée. De sorte, que se trouver forcé de confesser le fait qu'une fatale erreur de sa part avait été pour celle-ci, la cause d’une perte irréparable, le fustigeait comme une
humiliation insupportable.
La chose, hélas ! remonte à bien des années en arrière; maman n’a jamais permis à ses filles de devenir de grandes personnes. On ne nous accordait ni individualité, m opinions, ni indépendance. Tout ce qu'on exigeait de nous était d'obéir aux commandements de sa maman, et de suivre son sillon : nous étions toujours des enfants à ses yeux. Nous grandissions, nous devenions jolies, mais nous demeurions des enfants, bonnes à être oppressées, dominées et grondées. Mes soeurs, qui étaient de sages petites filles, eurent beaucoup de gâteaux et de confitures, et, éventuellement, des maris selon le cœur de maman, et quelle leur fournit.