1516. Un jeune homme de vingt-deux ans règne sur la France. Grand, beau, intelligent, cultivé, tout lui sourit. Pourtant, rien ne destinait François d’Angoulême, duc de Valois, à devenir roi. Il a fallu que Charles VIII et Louis XII meurent sans héritier mâle pour qu'il accède au trône.[p. 9]
Expérimenter ! Répéter encore et encore l'expérience.Ne pas se contenter de se qu'on croit voir.Chercher, chercher encore.Curiosité et acuité ! Tout notre savoir vient des sens.
— Faire souffrir n’est rien si on ne peut être témoin de la douleur de sa victime, dit-il avant de réclamer qu’on lui apporte le reste de son souper.
Sa peau partait en lambeaux. La douleur était intolérable. Son esprit vacillait. Un vent violent s’était levé, des voix haineuses s’étaient fait entendre. Le griffon s’était envolé, resserrant ses ailes de pierre sur sa proie. Dans un dernier sursaut pour échapper à la mort, Quentin s’était réveillé.
Sur une console, des pots d’onguents laissaient échapper des senteurs amères qui se mêlaient aux remugles d’une chambre de malade. D’épaisses tentures voilaient les fenêtres, rendant la chaleur de cette journée d’été encore plus étouffante. Depuis son accident, Domenico Pistecchio, comte de Sanseverino, marquis della Lucca, avait toujours froid et ne voulait plus voir la lumière du jour.
L’étrange rituel nocturne auquel se livrait Domenico pouvait commencer. Dans la galerie jouxtant sa chambre, il demanda à s’arrêter devant le portrait de ses glorieux ancêtres. Marietta levait bien haut le candélabre à six branches. À la lueur tremblante des bougies, Domenico s’adressait à eux comme s’ils étaient à ses côtés.
Ce soir encore, Domenico souperait en compagnie d’un convive invisible. Les porteurs se retirèrent. Seule Marietta resta. Elle détestait ces repas extravagants, mais c’étaient les seuls moments où son maître acceptait de se nourrir d’autre chose que de bouillons de volaille et de biscuits. Elle prenait donc le plus grand soin à suivre ses directives, même si bien souvent les mets choisis ne lui plaisaient guère.
Il avait ajouté qu’en Orient, dans un fleuve appelé Gange, elles pouvaient atteindre trois cents pieds de long et vivre quatre-vingts ans. Marietta avait frémi et s’était empressée d’écorcher et de tronçonner les anguilles de taille raisonnable que Pietro, un pêcheur du lac, lui avait apportées. En prenant bien soin d’enlever l’arête centrale remplie de venin, car comme chacun sait, en été, les anguilles frayent avec les serpents. Elles les avaient fait bouillir deux fois dans de l’eau et du vin. Puis elle en avait embroché une partie en intercalant des feuilles de laurier, et les avait fait rôtir, en ajoutant en fin de cuisson de la chapelure, du sel et de la cannelle. Elle avait préparé le reste avec une sauce au verjus, à la sauge et au persil.
— Faire souffrir n’est rien si on ne peut être témoin de la douleur de sa victime, dit-il avant de réclamer qu’on lui apporte le reste de son souper.
— Tout s’est passé à ma convenance. Le destin et l’orgueil de Léonard se sont chargés de le perdre. Le vieux fou est au bord du gouffre, et je n’aurai qu’à donner un dernier coup de pouce pour l’y précipiter. Marietta se moquait bien de savoir qui était ce Léonard. S’il redonnait le goût de vivre à Domenico, il pouvait être béni