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Citations sur Mythologies (85)

« La France est atteinte d'une surproduction de gens à diplômes, polytechniciens, économistes, philosophes et autres rêveurs qui ont perdu tout contact avec le monde réel. »
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“L’usager de la grève :

Il y a encore des hommes pour qui la grève est un scandale : c’est-à-dire non pas seulement une erreur, un désordre ou un délit, mais un crime moral, une action intolérable qui trouble à leurs yeux la Nature. Inadmissible, scandaleuse, révoltante, ont dit d’une grève récente certains lecteurs du Figaro. C’est là un langage qui date à vrai dire de la Restauration et qui en exprime la mentalité profonde : c’est l’époque où la bourgeoisie, au pouvoir depuis encore peu de temps, opère une sorte de crase entre la Morale et la Nature, donnant à l’une la caution de l’autre.

(...) C’est qu’en effet nous retrouvons ici un trait constitutif de la mentalité réactionnaire, qui est de disperser la collectivité en individus et l’individu en essences (…) les lecteurs du Figaro le font, eux aussi, de l’être social : opposer le gréviste et l’usager.

(...) Il est donc logique qu’en face du mensonge de l’essence et de la partie, la grève fonde le devenir et la vérité du tout. Elle signifie que l’homme est total, que toutes ses fonctions sont solidaires les unes des autres, que les rôles d’usager, de contribuable ou de militaire sont des remparts bien trop minces pour s’opposer à la contagion des faits, et que dans la société tous sont concernés par tous. En protestant que cette grève la gêne, la bourgeoisie témoigne d’une cohésion des fonctions sociales, qu’il est dans la fin même de la grève de manifester.”
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Il y a sans doute des révoltes contre l'idéologie bourgeoise. C'est ce qu'on appelle en général l'avant-garde. Mais ces révoltes sont socialement limitées, elles restent récupérables. D'abord parce qu'elles proviennent d'un fragment même de la bourgeoisie, d'un groupe minoritaires d'artistes, d'intellectuels, sans autre public que la classe qu'ils contestent, et qui restent tributaires de son argent pour s'exprimer.
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Dans le Jules César de Mankiewicz, tous les personnages ont une frange de cheveux sur le front. Les uns l'ont frisée, d'autres filiforme, d'autres huppée, d'autres huilée, tous l'ont bien peignée, et les chauves ne sont pas admis, bien que l'Histoire romaine en ait fourni un bon nombre. Ceux qui ont peu de cheveux n'ont pas été quittes à si bon compte, et le coiffeur, artisan principal du film, a su toujours soutirer une dernière mèche, qui a rejoint elle aussi le bord du front, de ces fronts romains, dont l'exiguïté a de tout temps signalé un mélange spécifique de droit, de vertu et de conquête.
Qu'est-ce donc qui s'est attaché à ces franges obstinées? Tout simplement l'affiche de la romanité.
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Toute désinvolture affirme que seul le silence est efficace.
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Je crois que l’automobile est l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique.
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la guerre contre l’intelligence se mène toujours au nom du bon sens
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Le mythe prive l'objet dont il parle de toute histoire. Car la fin même des mythes, c'est d'immobiliser le monde.
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Le toucher est le plus démystificateur de tous les sens, au contraire de la vue, qui est le plus magique.
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"Le bifteck et les frites".

Le bifteck participe à la même mythologie sanguine que le vin. C'est le cœur de la viande, c'est la viande à l'état pur, et quiconque en prend, s'assimile la force taurine. De toute évidence, le prestige du bifteck tient à sa quasi-crudité : le sang y est visible, naturel, dense, compact et sécable à la fois ; on imagine bien l'ambroisie antique sous cette espèce de matière lourde qui diminue sous la dent de façon à bien faire sentir dans le même temps sa force d'origine et sa plasticité à s’épancher dans le sang même de l'homme. Le sanguin est la raison d'être du bifteck : les degrés de sa cuisson sont exprimés, non pas en unités caloriques, mais en images de sang; le bifteck est saignant (rappelant alors le flot artériel de l'animal égorgé), ou bleu (c'est le sang lourd, le sang pléthorique des veines qui est ici suggéré par le violine, état superlatif du rouge). La cuisson, même modérée, ne peut s'exprimer franchement; à cet état contre nature, il faut un euphémisme : on dit que le bifteck est à point, ce qui est à vrai dire donné plus comme une limite que comme une perfection.

Manger le bifteck saignant représente donc à la fois une nature et une morale. Tous les tempéraments sont censés y trouver leur compte, les sanguins par identité, les nerveux et les lymphatiques par complément. Et de même que le vin devient pour bon nombre d'intellectuels une substance médiumnique qui les conduit vers la force originelle de la nature, de même le bifteck est pour eux un aliment de rachat, grâce auquel ils prosaïsent leur cérébralité et conjurent par le sang et la pulpe molle la sécheresse stérile dont sans cesse on les accuse. La vogue du steak tartare, par exemple, est une opération d'exorcisme contre l'association romantique de la sensibilité et de la maladivité : il y a dans cette préparation tous les états germinants de la matière: la purée sanguine et le glaireux de l'œuf, tout un concert de substances molles et vives, une sorte de compendium significatif des images de la préparturition.

Comme le vin, le bifteck est, en France, élément de base, nationalisé plus encore que socialisé ; il figure dans tous les décors de la vie alimentaire : plat, bordé de jaune, semelloïde, dans les restaurants bon marché; épais, juteux, dans les bistrots spécialisés ; cubique, le cœur tout humecté sous une légère croûte carbonisée, dans la haute cuisine ; il participe à tous les rythmes, au confortable repas bourgeois et au casse- croûte bohème du célibataire ; c'est la nourriture à la fois expéditive et dense; il accomplit le meilleur rapport possible entre l'économie et l'efficacité, la mythologie et la plasticité de sa consommation.

De plus, c'est un bien français (circonscrit, il est vrai, aujourd'hui par l'invasion des steaks américains). Comme pour le vin, pas de contrainte alimentaire qui ne fasse rêver le Français de bifteck. À peine à l'étranger, la nostalgie s'en déclare, le bifteck est ici paré d'une vertu supplémentaire d'élégance, car dans la complication apparente des cuisines exotiques, c'est une nourriture qui joint, pense-t-on, la succulence à la simplicité. National, il suit la cote des valeurs patriotiques : il les renfloue en temps de guerre, il est la chair même du combattant français, le bien inaliénable qui ne peut passer à l'ennemi que par trahison. Dans un film ancien (Deuxième Bureau contre Kommandantur), la bonne du curé patriote offre à manger à l'espion boche déguisé en clan- destin français : « Ah, c'est vous, Laurent ! Je vais vous donner de mon bifteck. » Et puis, quand l'espion est démasqué: « Et moi qui lui ai donné de mon bifteck ! » Suprême abus de confiance.
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