Elle n’était certes pas une vierge effarouchée, mais pour une femme de trente-quatre ans, la liste de ses amants était courte. Très, très courte, en fait. Si elle laissait de côté ses béguins d’adolescente, elle était tombée amoureuse deux fois – du moins l’avait-elle cru sur le moment. Ces deux aventures appartenaient d’ailleurs au passé depuis longtemps. La première avait eu lieu treize ans plus tôt, à l’époque où elle suivait les cours de l’Institut Marangoni de Milan. Un splendide Italien prénommé Arturo avait eu droit à sa virginité. Elle avait été amoureuse de lui comme seuls peuvent l’être les très jeunes gens un peu niais, et elle avait eu le cœur brisé lorsqu’elle l’avait trouvé au lit avec une autre femme.
À l’autre bout de la pièce, deux corps étaient enlacés sur un lit métallique. Qui ? Les reflets sur la fenêtre l’empêchaient de distinguer leurs visages, aussi leva-t-elle les mains de part et d’autre de ses tempes pour faire écran au soleil de l’après-midi.
L’incrédulité lui arracha un cri étouffé. Le cœur bombardé par une avalanche d’émotions, indignation,colère et désarroi mêlés, elle continua à fixer ce spectacle écœurant, incapable de détourner les yeux. Son père adoré chevauchait le corps dénudé d’une femme aux cheveux noirs. Ses fesses nues s’élevaient et s’abaissaient au rythme de ses va-et-vient en elle. D’énormes larmes emplirent les yeux de Julie. Comment son père pouvait-il trahir ainsi sa mère ?
À trente-quatre ans, le tic-tac de son horloge biologique prenait un son impérieux, et si elle voulait se marier et avoir des enfants… Mais était-ce réellement ce qu’elle voulait ? Peut-être. À condition de trouver un homme auprès de qui elle pourrait s’imaginer vivre et vieillir, quelqu’un qu’elle aimerait avec une passion qu’elle n’avait jamais éprouvée jusqu’à présent. Était-ce trop demander ? Probablement. Les trois quarts des gens se contentaient de ce qu’ils pouvaient saisir au vol, quitte à lui donner le nom d’amour éternel.
À trente-neuf ans, elle se sentait prisonnière d’une existence qui ne ressemblait pas du tout à celle dont elle avait rêvé. Une grossesse alors qu’elle était encore adolescente et un mariage avec un véritable fumier l’avaient menée dans une impasse. Cela n’avait pas été facile d’élever seule ses deux filles après son divorce, ni de prendre soin de son père malade jusqu’à sa mort, deux ans plus tôt.
Julie était amoureuse de Max. Celui-ci, bien sûr, ne lui prêtait aucune attention. Pour lui, elle n’était qu’une gamine, ce qui n’était pas plus mal, étant donné que le jeune homme lui était interdit et le serait sans doute toujours. Pourtant, elle avait quatorze ans, à présent. Elle était presque une femme. Et Max avait seulement quatre ans de plus qu’elle