Lui aussi imaginait une vie dans les bois, dans une cabane près d’un lac, les étoiles au-dessus d’une sombre forêt, la cabane illuminée dans la nuit par ses fenêtres éclairées...
"Il sait probablement comment aimer", pensa-t-elle en songeant à Richard et à la manière dont il désirait suivre le monde, plutôt que le diriger ou le contrôler ou, pire que tout, le posséder. Il abandonnerait plus volontiers quelque chose qu'il ne l'emporterait.
Un pichet d’eau douce serait posé au centre de la table, ainsi qu’une coupe de fruits éclairés par le soleil, et autour du repas se rassemblaient les membres de tout âge d’une famille, du plus jeune au plus vieux.
Elle était passablement mécontente de la manière dont elle s’était comportée avec le visiteur, et elle mit un long moment à s’endormir. Elle resta allongée à écouter le ventilateur et à sentir le gâchis de son corps que personne n’aimait, que personne ne connaissait, comme la carte d’un territoire peu connu qu’aucun voyageur ou explorateur n’avait traversé depuis longtemps. Son corps – en ce moment, le temps de ces quelques brèves années – aussi réel et limité que ses rêves de pureté, de passion et d’éducation étaient abstraits et sans forme. Pourquoi, se demanda-t-elle, n’existe-t-il ni temps ni de lieu au monde pour les deux à la fois ?
[...] Ruth le soupçonnait, de rêves verticaux.
Comme Max Omo, ou n'importe lequel des millions d'hommes et de femmes qui avaient jamais foulé la surface de la terre - comme Clarissa elle-même -, il s'était abrité, s'était laissé à s'enterrer avant l'heure.
Cela ne rimait à rien pour Richard, mais il lui semblait plus que jamais – surtout depuis qu’il avait osé lire vraiment en Clarissa, et l’aimer malgré tout – que plus son regard savait se porter sous la surface plane du paysage, atteignant le spectacle invisible des couches repliées et dissimulées en dessous, plus il était capable, de la même manière, de décoder avec précision le cœur des hommes et des femmes qu’il rencontrait .