D'emblée, le roman accroche par son titre énigmatique mais ce n'est qu'après la lecture qu'on en mesure la profondeur. Car il faut une certaine persévérance pour vaincre cette sensation d'accablement ou d'indolence, et se laisser séduire par la vaste étendue désertique où règne une « chaleur à cuire les cerveaux » que
Rick Bass transforme en support à une rêverie intensément poétique et émouvante.
On est dans l'Ouest du Texas, au milieu des puits de pétrole et des mines de sel, un territoire où les colons espagnols comme les pionniers se sont cassé les dents. L'auteur américain fait défiler une étrange procession, des marginaux, des personnages pétrifiés dans leur solitude, des êtres meurtris, dont le mystère est destiné à faire irradier une mystique élémentaire de l'existence.
Pas besoin de noirceur appuyée, ce roman invite juste à s'arrêter sur la vie de ces gens ordinaires qui doivent composer avec le climat, le temps et l'espace étirables à souhait, ils vivent chacun comme des naufragés sur une île déserte avant de se voir réunis en une étonnante constellation.
C'est une oeuvre qui impressionne par sa force visuelle, l'Ouest du Texas et le Mexique étaient un écran de cinéma au creux de mes yeux fermés.
Rick Bass décrit à merveille un territoire qu'il semble connaître jusque dans ses cavités souterraines, déterrant des histoires de vestige et de poussière incroyables. Elles apparaissent comme des moments de beauté cristallisée de nature à susciter un sentiment d'éternité au milieu de paysages fragilisés par la main de l'homme.
C'est le genre de roman qui invite à un certain flottement, à dériver sur les rives du temps qui n'a plus la densité habituelle. Il faut accepter de perdre ses repères, se laisser happer par les séquences surréalistes de la Nature qui offrent une respiration bienvenue dans un texte peu dialogué parfois suffocant. Mais elles ont surtout le pouvoir d'exalter des expériences de vie désenchantées.