«
Que la Terre nous soit légère » renvoie à une croyance romaine selon laquelle la terre est légère pour les morts qui ont fait le bien de leur vivant.
Ce roman m'a été proposé à la lecture par la maison d'édition « Mélanzé » que je remercie très sincèrement pour son envoi. Ma plus grande crainte en ouvrant ce livre était de ne pas entrer dans l'histoire ou qu'il me déplaise. Mais mes craintes se sont vite envolées. En quelques chapitres, l'auteur a réussi à me transporter dans son univers.
Alors, que dire, si ce n'est que c'est un très beau roman, j'ai eu beaucoup de plaisir à le lire. Beaucoup d'émotions aussi, certains passages m'ont bouleversée, révoltée.
*
Antoine est un jeune homme candide et idéaliste qui aspire à un bonheur simple. Il accepte un poste de coordinateur de projet dans une petite ONG dont le but est de contribuer au développement agricole d'un village africain. Il quitte Genève, confiant et heureux de mener une expérience enrichissante et stimulante.
Cet étranger blanc va s'intégrer dans le village, sa sympathie, sa bonne humeur et sa bienveillance l'amènent à développer des amitiés sincères et profondes, à trouver la douceur de l'amour.
Le projet est une grande réussite, au-delà de ses espérances.
Mais ce succès est aussi fulgurant qu'éphémère, et la douceur de vivre va faire place à des moments plus sombres, violents, profondément traumatisants que je vous laisse découvrir.
*
De retour en France, il entame une carrière aux Nations-Unies et gravit les échelons de manière fulgurante. Il est intéressant de voir le cheminement intellectuel de ce jeune homme, qui loin du cocon douillet de sa vie en Europe, découvre la dureté de la vie et va développer une distance critique. A cela s'ajoute les difficultés à reprendre le contrôle de sa vie et à surmonter les séquelles psychologiques de cette expérience traumatisante.
Le récit d'Alioun, quant à lui, s'apparente à davantage une quête initiatique. Il va subir de nombreuses épreuves qui vont le faire mûrir.
*
Les courts chapitres s'enchaînent sans temps mort, alternant le récit d'Antoine et celui de son ami Alioun. Les deux histoires se croisent et s'entremêlent en « une seule étoffe », n'en faisant qu'un seul récit, beau, âpre, violent. La vie est si fragile, si dure, mais aussi si belle et si précieuse.
*
Dans ce gros pavé d'environ 600 pages, on ressent l'engagement de l'auteur pour la cause humanitaire et son expérience.
De nombreuses thématiques contemporaines sont abordées, portraits d'une époque en pleine crise : les migrations et l'enfer de la route des clandestins traversant la Syrie, les enfants abandonnés ou orphelins sous l'influence de marabouts, les enfants soldats, la violence faite aux femmes, la prostitution, les Nations-Unies dont les paroles creuses, éthérées et formatées par leur vision occidentale ne tiennent pas compte des spécificités locales, les aides internationales et la question de leur efficacité, les relations des pays développés avec leurs anciennes colonies, notre rôle dans les rapports de pouvoir, l'islamisation radicale.
*
Une écriture efficace, fluide et agréable à lire.
Joan Bastide entretient le mystère par cette alternance de chapitres courts et rythmés. le lecteur a envie de poursuivre sa lecture afin de connaître le devenir d'Antoine et d'Alioun, les deux personnages principaux pour qui on a indiscutablement de l'empathie.
*
Un premier roman ambitieux, engagé et percutant, où tristesse et espoir se fondent en une seule entité, où rage, culpabilité, haine, vengeance et résilience cimentent le destin des hommes. La voix d'Alioun résonne comme une ode pour un monde plus juste, plus fédérateur, plus bienveillant.
Une lecture que je vous conseille vivement, j'en ressors toute chamboulée. Un roman coup de poing à lire absolument. Je souhaite à
Joan Bastide et à son beau roman tout le succès qu'il mérite.
*
« le futur dépend de ce que nous faisons au présent. » Gandhi
*