L’expérience, assurément, me donne cette certitude : où que j’aille, quoi qu’il arrive, les allées des bouquinistes, les rues des librairies ou les boulevards des bibliothèques viendront couper le long fil de mon cheminement. C’est inévitable. » p 27 a 12
Pour m’apaiser, il suffit que naisse en moi l’image du contact avec un livre, il ne m’est pas même nécessaire d’en prendre un dans les mains, d’en tourner les pages. La simple vue d’un pan de mur barré de rayonnages à travers une fenêtre éclairée m’invite au calme : en plein cœur d’une nuit silencieuse, dans les ruelles d’une ville étrangère, un tel tableau suffit à nourrir l’idée que je passe à proximité d’une figure connue. Comme à maintenir la chaleur de mon corps. » p 27 a – 6
La bibliothèque est le no man’s land de tout passionné de livres, qu’il soit amoureux transi ou captif. Elle est l’autre topographie par laquelle nous nous ouvrons à l’infini dans un monde personnel limité – notre maison, notre ville, nos pays, nos géographies – lui-même enchâssé dans cet oppressant espace sans borne qu’est l’univers : et, là, notre puissance imaginative dessine une tout autre topographie. » p 30 a – 8
C’est ma disparition qui, paradoxalement, s’orchestre tout en prenant forme. J’en ai conscience : ici, la mortalité du lecteur que je suis supplantera celle de l’auteur ; lorsque j’aurai rendu mon dernier souffle, incapable alors de lire une phrase de plus, d’autres continueront encore un temps de faire courir leurs yeux le long des miennes. » p 40 a 3
D’un livre, il n’y a pas que le contenu qui parle ; il faut aussi entendre son langage corporel. » p 44 a – 8
Le déménagement par bateau des quatre-vingt mille ouvrages de la bibliothèque de l’Institut Warburg et de ses archives à Londres représente l’une des aventures des temps modernes les plus mythiques. Cette légende prend naissance avec la proposition que l’aîné de deux fils d’une riche famille de banquiers fait à son frère durant leur enfance : le grand frère cédera ses parts dans la banque familiale à son cadet Max à la condition que celui-ci lui achète, à vie, tous les livres qu’il souhaite. C’est à cet arrangement que nous devons cette collection sans pareille. » p 57 a 1
« Tu ne peux pas poser comme règle que le livre que tu recherches est toujours celui qui correspond le mieux à ton besoin, disait Warburg. Celui qui se tient juste à côté peut s’avérer plus approprié. » » p 57 a – 2