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Citations sur Le jeune enchanteur (39)

"tout était nuit, silence et solitude."
p28
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Pendant les fouilles faites en présence du roi de Naples, lors de la restauration de 1815, on trouva dans une des chambres de la maison d’Actéon une grande fresque d’une beauté très-particulière, qui représentait un groupe de nymphes dont les yeux étaient tournés vers la figure principale. Derrière celle-ci, un jeune Amour, penché galamment à son oreille, avait l’air de lui chuchoter quelque mystère. La grâce exquise des formes, le geste vif et empressé du petit chuchoteur, l’aimable tournure des nymphes, et même le singulier éclat des couleurs que dix-sept siècles au moins avaient respecté, attiraient les yeux de tous les artistes et de tous les connaisseurs.
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— Contemplez mon bonheur, incrédule ami, dit Sempronius en jetant un regard de passion indicible sur la beauté de sa femme qui tenait déjà un bel enfant entre ses bras.

Notre épicurien, touché, mais souriant toujours, murmurait tout bas l’hymne sentimental de l’excellent poète latin :

C’est l’heure favorable aux baisers ; la tempête,
Qui blasphème le ciel et fait trembler le faîte,
Invite les bons vins du fond de leur grenier
À descendre en cadence au conjugal foyer.
Car l’intime chaleur de l’âtre qui pétille
Sert à rendre meilleurs les pères de famille,
Et la foudre fera, complice de l’amour,
L’épouse au cœur tremblant docile jusqu’au jour.

— Le dénouement prouve en notre faveur, repartit décidément le jeune Grec, mais je vous dirai : Trouvez-moi une jeune cousine, que je haïsse d’abord, sans la connaître, aussi fortement que vous ; qui m’aime d’un amour romantique comme la belle Euphrosine vous a aimé, sans savoir si vous étiez même digne d’un soupir ; qui se sauve de son pays, qui se fasse passer pour morte, pour me donner toute liberté de jouer le fou selon ma fantaisie ; qu’elle devienne prêtresse, et qu’après m’avoir sauvé des griffes d’une vilaine confrérie de moines assassins, elle ouvre les portes de ma prison et me suive à travers les mers ; qu’elle sacrifie pour moi la dernière vanité d’une femme, c’est-à-dire sa beauté, et qu’elle se métamorphose en négresse et en sorcière pour me sauver ; qu’elle soit mille fois plus sorcière encore par le charme de ses regards, et qu’elle se jette dans mes bras, alors…

— Et alors, dit Sempronius avec un œil brillant de joie, alors vous épouserez, comme moi, l’idole de votre âme !

— Oui, dit Callias en riant, alors je serai peut-être votre homme, si je ne me suis pas d’abord pendu pour me punir d’être un tel fou que de vouloir me donner tant de peine, quand, pour jouir du même bonheur, je n’avais qu’à me laisser faire.

La jeune mère l’entendit, et, jetant un regard de tendresse sur son mari, elle dit avec une voix douce comme une musique :

— Chaque épreuve nouvelle n’est-elle pas une sanction de plus à l’amitié ? Souffrir les angoisses d’une heure, n’est-ce pas acheter à bon marché toute une vie d’amour ?
— Oui ! pour vous, ma belle Euphrosine, je voudrais être mort un millier de fois ! s’écria Sempronius avec l’éloquence naïve du cœur et en pressant cette noble beauté sur son sein.

— Oui, répétait Callias, en se pinçant la lèvre et avec un air de gravité comique ; à la bonne heure ! mais, au nom de l’Amour et de Vénus, encore une fois je vous le demande, pourquoi se donner tant de peine ?

1 Ce conte a paru pour la première fois en 1846, dans le feuilleton du journal l’Esprit public.
2 Éros et Antéros.
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Quand il rouvrit les yeux, la scène était changée ; un jardin verdoyant et fleuri étalait devant ses yeux son luxe de végétation orientale ; des fleurs et des fruits embaumaient l’air de leurs parfums exotiques. Le paysage s’anima de figures vivantes ; un groupe de nymphes se mit à danser au son des instruments qu’elles portaient dans leurs mains, et quand leur ronde s’ouvrit, elle laissa voir au milieu un trône fort simple qui n’était paré d’autres étoffes et pierreries que des mousses et des fleurs de cette délicieuse retraite. Sur le trône était une jeune reine en costume champêtre, son œil était baissé vers la terre, et un jeune Amour lui chuchotait ses enchantements à l’oreille ; la scène du banquet du proconsul apparaissait pour la seconde fois devant les yeux émerveillés de Sempronius.

Son émotion devint irrésistible, il s’élança vers la vision ; mais cette fois ce n’était pas une vision faite d’air et de fumée. Une femme, une vraie femme, soupirante, rougissante, belle, charmante, tomba dans ses bras, avec son trouble et ses larmes ! La prêtresse, le magicien, Euphrosine, n’étaient qu’une seule et même personne
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— Pour le coup, dit Callias à l’oreille de son compagnon, s’il nous fait voir ce qui s’est passé dans les catacombes, ce ne peut être que le vilain prêtre lui-même ou le prince des magiciens ; mais le prêtre ne jouera pas plus longtemps son rôle d’imposteur ; j’ai son affaire.

À ces mots, une ligne de lumière glissa à terre et fit voir un passage étroit, dans lequel nos deux spectateurs reconnurent tout d’abord la caverne où ils avaient failli laisser leurs os ; plus loin apparut une autre salle, une victime, un prêtre, et toute une troupe de gens dans un attirail mélancolique.

Sempronius poussa un grand cri, quand la victime, jeune, belle, séduisante, les yeux fixés sur le fatal couteau, tomba sur ses genoux pour demander grâce. Il s’efforça de s’élancer vers elle ; mais ses efforts furent vains, il se sentit pris d’une faiblesse et se laissa tomber dans les bras de son ami.
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Une musique riche et douce ondoya de nouveau sur les vagues de l’air. Une muraille de l’appartement sembla disparaître et s’ouvrir sur la mer, au soleil couchant. Ce n’était pas la mer languissante qui caresse les rives de la Campanie ; c’était la mer agitée et clapoteuse de la Grèce. Une longue rangée de constructions en marbre, surmontées de statues merveilleuses, s’élevait du sein des eaux. Callias s’écria : « Le Pirée ! » et montra du doigt, avec un geste d’étonnement, la trirème qui semblait fendre les flots et s’élever vers la pleine mer.

— Ses démons sont merveilleusement obéissants, murmura Callias. Mais où veut-il en venir ?

La trirème s’avançait dans les îles et fendait l’onde comme si elle avait eu des ailes. Elle aborda aux rives d’Ionie. Sempronius sentit battre son cœur, quand il revit les glorieux rayons de ce ciel d’Asie illuminant la terre bien connue de ses rêves. Le sortilège continuait victorieusement. Deux belles figures, un Grec et un Italien, parurent sous les ombrages de cyprès qui entourent le temple de Diane. Une troisième figure survint, les emmena, et toutes trois plongèrent dans les ténèbres.
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Sempronius entra dans la salle le premier. Tout était noir ; mais Callias apporta une petite lampe sous sa robe et murmura : « Ceci ressemble suffisamment à notre vieille affaire du labyrinthe ; mais j’éprouve une certaine curiosité de voir comment votre Éthiopien, ce maître en magie, manégera ses démons ». Comme il parlait, une petite flamme bleue pâle monta et s’arrêta au centre du plafond. Ils virent alors qu’ils étaient dans une vaste salle de forme circulaire. Des sons d’instruments d’un effet très-doux se faisaient entendre auprès d’eux, et semblaient sortir du fond de la terre, sous leurs pieds. Un brouillard s’éleva rapidement devant eux, flottant à droite et à gauche sur les parois de la chambre, et enfin s’arrêta au-dessus de leurs têtes. Une voix qui semblait partir du milieu de ce nuage leur demanda quel était l’objet qu’ils désiraient le plus voir.

— Au nom de tout l’Olympe, mon souper ! cria Callias avec un éclat de rire. Un sourd roulement de tonnerre témoigna qu’il avait fâché l’Esprit, et la lumière s’éteignit à l’instant.

La voix répéta la question. Sempronius prononça, en tremblant, le nom de « la prêtresse d’Éphèse ! »
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— Je tremble presque en sa présence de l’idée que je suis entre les mains d’un être supérieur à mes facultés mortelles.

— Ah ! vraiment, il se mêle de magie ! fit Callias avec le ton du dédain.

— Je n’ai point de secrets pour vous, Callias. Je l’ai prié de me montrer une fois encore la vision d’Éphèse, une fois avant de mourir !
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Sempronius sourit tristement et prit la main de son ami ; puis il lui dit d’une voix pleine d’émotion : — Callias, je crois que j’ai le cerveau aussi libre que qui que ce soit d’idées superstitieuses, mais il y a dans cet étrange médecin quelque chose au-dessus de l’homme. Quelque sauvages que soient les accents de sa voix, quelque repoussante que soit sa physionomie d’Éthiopien, il a le don de scruter la nature humaine avec un pouvoir despotique. Actuellement, il lit dans mes pensées. Il n’est pas moins maître des secrets de la nature.
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Sempronius était couché sur un lit orné d’ivoire et enrichi de perles ; les rideaux qui le garantissaient du soleil étaient en soie de Perse ; une statue de nymphe, en argent, tenant à la main des rênes de lapis-lazuli et traînée par des chevaux marins de béryl, laissait tomber un filet d’eau parfumée d’une urne de cristal d’Antiparos ; le pavé de la chambre était jonché de roses. Les murs étaient couverts des plus brillantes peintures de l’art grec. Tout respirait la puissante et délicate profusion de la vie patricienne. Mais tout cela était peines perdues. L’esprit du jeune homme était à Éphèse, dans le caveau où il avait vu cette forme d’exquise beauté près d’être anéantie sous le couteau du fanatisme et du crime.

Callias entra subitement dans cette délicieuse retraite et demanda, avec son ton ordinaire, comment le malade se trouvait des soins du nouvel empirique qui était venu pour le sauver de son obstination et de sa bonne volonté à mourir.
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