Citations sur On n'a rien vu venir (32)
Dans le garage, je retrouve mon père avec deux de ses copains musiciens, le guitariste du groupe et le chanteur. Ils sont dans la même position qu'avant, mais sans le son. Je reste devant la porte...La scène est pénible à observer, la répétition la plus triste du monde.
Mon père me voit et baisse les yeux. Il a honte, on dirait, honte d'an arriver à faire de la musique en silence.
Peur de ne pas m'être réveillé à l'heure.
Peur d'avoir mangé un truc non autorisé.
Peur de m'être trompé dans la couleur des uniformes.
Peur de trop, ou de ne pas assez respirer.
Peur de ne pas marcher droit...
J'ai envie de jouer au foot devant la maison. De manger une pizza dégoulinante de fromage...
Mon père était clown, avant les élections. Mais évidemment, dans la semaine qui a suivi, il s'est retrouvé au chômage. Supprimés, les cirques, fermés les théâtres, dissoutes, les compagnies et les troupes. Aujourd'hui, il faut être productif. Et produire du rire ou du plaisir, ça ne sert à rien.
Je réalise que je suis beaucoup plus en colère contre le Parti de la Liberté que contre lui. Car c'est le Parti, le vrai responsable de toute cette haine. C'est lui qui a fait croire à mes parents que les problèmes de notre pays venaient d'ailleurs.
e suis au milieu de tout ça, j’ai la tête qui tourne, je vois de la couleur partout, j’entends des gens qui rient et qui chantent. Quentin m’a rejoint, on marche ensemble.
- Au moins, a murmuré papa, si la situation dégénère encore plus, notre famille ne risque pas grand chose. Heureusement pour nous, on est français depuis belle lurette.
- Pardon? s' est écriée Léonie. "Heureusement pour nous"? Alors que Walid et Samia habitent juste à côté? Eux, "malheureusement", ça ne te dérangerait pas qu'ils soient menacés?
- Vous êtes des centaines de milliers [d'handicapés] concernés. Et, avant vous, plein de personnes d'origine étrangère, hop, renvoyées dans un pays où elles n'ont jamais mis les pieds. Sans compter les règlements ridicules auxquels nous devons nous soumettre...
(...)
- Et personne ne bouge ?
(...)
- Ca s'est mis en place petit à petit, on n' a rien vu venir. Tant qu'on n'est pas concernés, tant que ça se passe chez le voisin, on fait le dos rond, nous les premiers. (p.60)
C'est pas un truc qu'on fait, ça, à onze ans, de décider qu'on n'aime plus ses parents à cause de la politique. (p. 20)
Préface
Cette histoire commence le soir des élections.
Les habitants, qui ont choisi les hommes politiques qui vont les représenter, descendent dans la rue pour fêter la victoire.
Leur victoire croient-ils. Mais ils se trompent ...
Et la vie de tout le monde va changer, pas uniquement celle des adultes.
A partir du mois d'août, on a eu droit aux Grandes Listes des Libertés. La liste des musiques du Parti, des livres du Parti, des films du Parti. Tout ce qui n'est pas dans une liste est interdit.
Vive la liberté.