La vengeance

C’est idiot, n’est-ce pas, d’avoir le coup de foudre pour une personne que l’on ne connaît pas ? Mais bon ! Si l’on connaissait cette personne, cela ne s’appellerait pas un coup de foudre. Il n’en reste pas moins qu’on tombe amoureux d’un visage, et non d’une âme.

Elle semblait heureuse et amoureuse de Benoît. En même temps, elle dévorait Bertrand des yeux. On aurait dit que son cœur balançait entre les deux hommes, qu’elle ne savait pas lequel choisir. Oui, mais quel est le rapport avec le crime ? Aucun. Aimer deux hommes ne veut pas dire en tuer un. Au contraire, cela signifierait plutôt en prendre un pour amant. Et puis, apparemment, elle n’a pas tué Benoît pour reconquérir Bertrand, mais elle l’a tué parce qu’il la trompait. En fait, cela se tient. Elle a peut-être été déçue par Benoît. Elle était peut-être tellement aveuglée par son amour qu’elle n’a pas vu qu’il la trompait. Lui, de son côté, a dû tout faire pour cacher sa liaison. Sinon, il y aurait eu de la tension dans leur couple.

Ah ! se dit-il, que les femmes peuvent être comédiennes ! Il faut toujours se méfier des belles femmes ! Elles sont souvent rouées et malintentionnées. Mais nous, les hommes, tombons toujours bêtement sous leur charme, sans nous poser de questions. Qu’est-ce que nous sommes bêtes !

Elle se sent comme une bête de cirque que l’on est venu voir et elle est mal à l’aise. Elle se sent jetée en pâture. Elle va aiguiser la curiosité de tous et cela la rend honteuse. Elle a du mal à s’imaginer que c’est elle qu’on va juger, elle qui sera le centre de cette journée interminable. Pendant quelques instants, elle se demande quelle sera l’issue de ce procès. Elle a du mal à croire qu’elle ressortira libre du tribunal, après l’amas de preuves qui s’accumulent contre elle. Elle a l’impression d’être dans un mauvais rêve, sauf que c’est la réalité.

Un enterrement est toujours source de richesses pour l’enquête, se dit-il.
Dès lors, outre rendre hommage à l’homme si lâchement assassiné, il observe chaque visage, chaque geste des personnes présentes. Il repère très vite celles qu’il a interrogées, mais il y a les autres… Il y a ces personnes venues par curiosité et il y a celles qui connaissaient le médecin, en tant qu’amis ou en tant que malades. Mais rien n’échappe au commandant, qui se concentre plus sur les gens que sur la messe.