Bien, aujourd'hui un peu de poésie et une curiosité très difficile à trouver: un ouvrage autoédité de 1857! Son auteur est un certain
Fernand Belligéra, en vérité Ferdinand Tandoux, un libraire parisien qui investira ses maigres économies pour tenter de percer dans la littérature (comme bien des bohèmes de l'époque) grâce à ce livre. Malgré quelques retours critiques positifs, souvent de ses amis, il ne percera pas et se pendera à même pas trente ans.
On ne sait pas grand-chose d'autre de Belligéra, et son recueil de
poésies est aujourd'hui à peu près la seule chose tangible qui reste de lui. Alors que vaut-elle? Eh bien c'est de la poésie bohème, celle écrite au fin fond d'un cabaret borgne sur du mauvais papier dans un bruit tapageur. Pas d'alexandrins, ce sont des vers court, secs, parfois maladroits, aux rimes volontiers hasardeuses. L'auteur a placé son recueil sous le signe de deux amours : celui de Roméo, pur et plutôt spirituel, et celui de Falstaff, le débonnaire amoureux de la bonne chair (à table ou au lit !). Car Belligéra a dédié son recueil aux femmes qu'il présente comme des "larronnesses", ce qui donne bien la tonalité générale du recueil, haute en couleurs!
Ce n'est pas de la grande poésie mais on sent tout le caractère de la bohème de l'époque, ne serait-ce que dans cette préface où Charles Trapadoux, le "Géant vert" suivant son surnom de bohème, ami de tout le monde et notamment de
Baudelaire, écrit avec un humour iconoclaste que les vers de son ami l'ont endormi et déclare derechef: "cesse de m'assommer"! Voilà une préface qui à elle seule pose l'ambiance qui devait régner dans les cabarets du temps.
Un des poèmes intitulé Lettre de faire-part évoque une journée du poète passée entre "absinthe et potage" et se terminant au Prado (un célèbre bal mêlant étudiants et prostituées). Ben ce recueil est un peu la bouteille jetée à la mer d'un jeune homme sans le sou qui a noyé sa jeunesse dans ses rêves de gloire et les bas-fonds du vieux Paris. Il en ressort, à défaut d'une grande poésie, une authenticité saisissante et touchante, d'autant que Belligéra ne pleurniche pas sur son sort. Son recueil est optimiste, bravache, et derrière ses airs un peu rudes, plein de "
miettes d'amour", en particulier à l'égard des femmes pour lesquelles on sent qu'il était mi-Roméo mi-Falstaff.
Pas facile à trouver, je ne sais même pas s'il est disponible sur gallica, mais je posterai quelques
poésies en citations dans les jours à venir pour ceux qui veulent au moins entendre un peu la voix de
Fernand Belligéra.