Il est assez difficile de faire la part de l'imaginaire et de la réalité dans le récit du narrateur de
L'auberge des pauvres. Les deux sont étroitement mêlés, et la confusion est clairement revendiquée. Est-ce une volonté de brouiller les pistes de la part d'un universitaire – écrivain qui fuit sa vie, sa femme, son pays? Il est en quête de passion.
L'auberge des pauvres, à Naples, où il échoue, ne lui apporte que des histoires de vies brisées jusqu'à la folie.
L'auberge des pauvres est-t-il un roman autobiographique? En tous cas, elle existe, cette auberge, "construite via Fiori par Charles III pour servir d'asile à tous les pauvres du royaume.
Stendhal l'aurait visitée en 1817", confie l'auteur au journal L'Express. Il l'a lui-même visitée. Mais il dit encore : "L'autofiction est une idée de prétentieux ... Je ne suis pas assez complexe pour devenir le personnage de mes propres livres ". Donc le narrateur de
L'auberge des pauvres n'est pas
Tahar Ben Jelloun.
Certains passages, notamment sur ce qui motive l'écriture, s'inscrivent néanmoins forcément dans le vécu de l'auteur. Il interprète la réalité, la transforme, la fantasme, pour s'en éloigner ou pour la rendre plus acceptable. le texte n'en est pas moins sordide, morbide et très cru dans son ensemble. Il semble que l'écriture soit issue de la souffrance chez
Tahar Ben Jelloun. Son récit est particulièrement tourmenté. C'est pourtant le même
Tahar Ben Jelloun qui a conçu les vitraux pleins de couleurs joyeuses et tout en légèreté dans l'église du Thoureil, proche de chez moi. Il ne nous livre donc qu'une facette sombre de sa personnalité dans
L'auberge des pauvres. Il a capté ce qu'il y a de plus horrible à Naples et en a malheureusement occulté toute la beauté...