A l'origine, il y a
L'enfant de sable. Un récit polymorphe qui télescope les ressentis et les voix, où le sens se perd dans les contours ténébreux de la retranscription verbale, une grand-messe où s'affrontent les témoignages dans une joute dont seuls les protagonistes s'émeuvent.
Il y avait là sans doute un message, une étude de disproportions, un regard amusé sur le besoin humain de combler les vides par l'imaginaire pour garder contenance devant son auditoire. Mais pourquoi diable porter ce voile sur un destin qu'on voudrait connaitre ? Pourquoi prendre pour base le roman d'une vie mystérieuse, envoûtante, quand on veut nous la taire ?
Ben Jelloun nous a ouvert une porte pleine de promesses, et puis il l'a refermée, préférant nous pousser de force dans un couloir inutilement sombre et torturé. Tahar, tu t'es emmêlé dans ton ambition.
Et tu t'es repris. Voici donc l'histoire, la vraie, celle en tout cas que tu avais imaginée pour ton personnage central. Avant, après le premier tome, peu importe ; il existe maintenant une référence, un support sur lequel s'appuyer pour comparer. Et la comparaison est amère.
Devant les fabulations, les rêveries et les expériences narratives, la sobriété est plus forte. Il n'était pas besoin d'abuser, d'insister, de s'emporter dans le fantasme ou la folie. le destin d'Ahmed se suffit. Il a regagné sa féminité en allant par le monde. Des rencontres, douloureuses ou lumineuses, et il est redevenu elle.
Comment ? A vous de le trouver au fil des pages. Cette fois le conteur est agile, et ce qu'il narre nous touche. Sa langue est toujours aussi belle, mais elle est maintenant simplifiée, purifiée, et par là densifiée.
Peut-être aurait-il fallu lire celui-ci d'abord. C'est l'autre qui semble une dérivée, une variation sur le même thème, qui prend sa lumière de cette source. Sans
La nuit sacrée,
L'enfant de sable parait vain, stérile, injustifié, nombriliste. Mais avec, il devient comme le making-of sur un DVD : un supplément cadeau qui permet de poursuivre l'ambiance aimée plus avant.
On peut aussi se contenter du film.
3,5/5