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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je ne peux pas être objective en parlant de Tahar Ben Jelloun.
Quoi qu'il raconte, j'ai l'impression que la musique de ses mots parle directement à mon âme.
C'est par Tahar Ben Jelloun par exemple que j'ai découvert que la perception du temps est linéaire en Occident, et spiralée en Orient. Mais jamais il n'a utilisé de mots aussi basiques et creux pour me le faire comprendre.
Tout vient de ce grand bain d'impressions dans lequel vous attire Tahar Ben Jelloun. Vous vous approchez, naïf et objectif, vous vous croyiez rationnel. Vous ouvrez son livre, vous y trempez le bout d'un cil, et voilà. Vous êtes pris. Vous laissez monter la mer autour de vous, et peu de temps après, vous baignez dans son océan, vous respirez par son air, vous sentez les odeurs à sa façon, vous voyez les couleurs par ses yeux, vous ressentez le monde par le filtre de ses perceptions.
Chaque fois que je termine un livre de Tahar Ben jelloun, j'ai l'impression d'avoir gagné en humanité, parce que je me suis laissée entraîner par la sienne.

La Nuit Sacré ne fait pas exception à la règle. Je l'ai lu, je l'ai laissé m'envahir. J'ai été cette femme dont la vie d'enfant a été volée par son père qui voulait un fils. J'ai été son père, qui désirait tellement un fils, et qui a fini par libérer la vie de son enfant en laissant partir la sienne. J'ai été tous ceux que cette femme a croisé dans cette quête d'elle même, suite à cette re-naissance.
Et puis, j'ai repris pied dans ma vie. J'y ai posé un regard neuf, j'ai souri, et j'ai choisi ce que je voulais vivre. La joie avec la douleur, la liberté avec la solitude. Et au milieu, Moi.
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La nuit sacrée est la suite de l'enfant des sables.
Ici, le narrateur est l'enfant né fille mais élevé comme un garçon, et qui reprend sa propre vie après la mort de son père.
Nous avons donc l'occasion de connaître l'histoire de cette femme à travers son regard.
Reste une part de mystère, de mysticisme, de poésie orientale...
Souvenirs, affabulations, histoire améliorée ou rêvée ?
Tahar Ben Jelloun nous emmène encore dans un conte d'orient, et ce, pour notre plus grand plaisir...
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« Ni un corps de femme plein et avide, ni un corps d'homme serein et fort ; j'étais entre les deux, c'est-à-dire en enfer. »

Une rencontre.

Celle d'un homme, le « consul dans une ville imaginaire d'un pays fantôme » et d'une femme qui naît à la vie, un « de ces êtres exceptionnels issus d'une solitude absolue. »

Celle des mots de Tahar Ben Jelloun qui sait les doter de pouvoirs mystérieux, suspendant l'espoir dans un embrasement du temps où le soleil dévore la vie. L'humidité noire de la terre dont les odeurs assaillent la nuit dans ces lieux de morts alternait avec la vision de cet éclat aride de l'astre du jour qui pousse tout autant à l'anéantissement des êtres espérant une ultime résurrection ...enfin radieuse. « Enfin, vous voilà ! »

J'ai un peu honte. J'essaie de mettre des mots sur des odeurs, des couleurs que j'ai ressenties et vues tout au long de ma lecture et ne suis pas certaine qu'ils soient compréhensibles.

« J'avais peur de briser quelque chose de fragile et que je ne pouvais ni nommer ni oublier. »

La concision des chapitres me fit l'effet d'éclairs, de visions fulgurantes au détour d'une phrase, des impressions physiques très fortes « il avait parfois une douceur inquiète, quelque chose qui viendrait d'une animalité pure. » Ces sensations, ces émotions restent indélébiles. C'est assez étrange car je ne suis pas certaine de garder la trame en mémoire, elle s'efface déjà. Mon esprit est comme choqué ; je ne garde trace que de pensées, parfois violentes et profondes, dans une écriture somptueuse. Comme ces points sombres qui restent devant les yeux pour avoir trop regarder le soleil. J'avoue avoir été percutée de plein fouet par des réflexions douloureuses, belles et tragiques. Mais peut-être est-ce l'un des effets escomptés par l'auteur ? Je le lis et « je me fie uniquement à mon intuition et à mes émotions ». L'émotion était au rendez-vous, « il m'arrive parfois de vivre par procuration. »
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"Ce fut au cours de cette nuit sacrée,la vingt-septième du mois de ramadan,nuit de la "descente" du 'Livre' de la communauté musulmane,où les destins des êtres sont scellés,que mon père alors mourant,me convoqua à son chevet et me libéra".
La nuit sacrée, prix Goncourt 1987,extraordinairement bien écrit, conte la suite des L'enfant des sables,Ahmed, cette fille considérée fils dés sa naissance, bafouée dans son identité, toujours en danseuse sur le fil du rasoir de la vie.
Le père est mort. Entre rage silencieuse,honte amère pour son géniteur et pitié pour la mère complice qui sombre dans la folie, elle se considère comme un monstre, vue la haine qui l'assaille, et se débarasse de tout les objets de son passé dans la tombe fraiche.
"Adieu gloire factice,à nous deux la vie,l'âme nue,blanche,vierge,le corps neuf même si la parole est ancienne".
Acte symbolique pour un nouveau départ.
Mais peut-on se débarrasser complètement du passé lorsque l'on a vécu le joug de la domination?
La soumission ne s'inscrit-elle pas sur le front des esclaves comme une marque indélébile?
Ce sont ces errances là que nous conte Tahar Ben Jelloun, écrivain marocain de langue française, philosophe, dont les romans et essais traduits en plusieurs langues,expriment le déracinement des émigrés.
Nouveau départ pour d'autres gouffres incommensurables, ceux d'un viol consenti au détour d'une ruelle par un homme sans visage qui marmonne des prières,ceux d'une étrange maison transformée en enfer par l'Assise possessive et incestueuse à l'égard de son frère, Consul infantile et sadique dont elle fait les quatre volonté.
Inventer des histoires,écouter les confidences,faire la lecture,le ménage et tout le reste. C'est facile lorsque l'on "a négocié sa liberté avec la nuit et les fantômes", mais c'est douloureux aussi parfois et peut mener aux portes de la prison,de l'enfermement ou de la folie.
Liberté, libre arbitre?Mysticisme,spiritualité?Quels chemins emprunter pour trouver sa véritable identité? La loi du plus fort est-elle toujours la meilleure?
Tahar Ben Jelloun, conteur impénitent s'est surpassé pour enfanter un chef d'oeuvre!
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Prix Goncourt 1987 amplement mérité pour ce livre de Tahar Ben Jelloun.
Première rencontre avec cet auteur et j'ai été enivré par cette plume. Même si "la nuit sacré" est la suite de "l'enfant des sables", le fait de ne pas l'avoir lu ne gêne aucunement la compréhension de l'histoire.
L'auteur nous perd entre songes, rêves, réalité, délires. Un conte qui nous emmène aux confins du Maghreb avec toute la poésie de la langue de Tahar Ben Jelloun.
Des personnages ordinaires et pourtant hors du commun à l'image de l'Assise, femme autoritaire, débordante de haine mais néanmoins attendrissante.
Beaucoup de haine, en effet, de choses noires dans lesquelles se débattent les personnages mais on trouve également de l'amour qui subsiste.
Dépaysement garanti dans un univers très riche et particulier.
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Ahmed n'est pas un garçon, il est né avec le sexe féminin, mais son père, après n'avoir reçu que des filles décida que quoi qu'il arrive, cet enfant serait un garçon.
Ahmed fut élevé comme un mâle, à l'écart de ses soeurs, méprisants envers le sexe féminin.
Son père meurt et Ahmed se retrouvé isolé, seul, abandonné et il ose se dévoiler, donne sa version, raconte sa vie…. ou une vie.
Une belle lecture, envoutante.
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N°746 – Mai 2014.
LA NUIT SACREETahar Ben Jelloun – le Seuil
Prix Goncourt 1987

Je n'ai pas l'habitude de me transformer en thuriféraire d'un roman pour la seule raison qu'il a été couronné par le prix Goncourt. J'ai déjà dit dans cette chronique que même s'il s'agit d'un prix prestigieux, son attribution a bien souvent été galvaudée, accordé qu'il a été parfois à des écrivains qui ne le méritaient pas. Tel n'est pas le cas de ce roman dont ma lecture a été différée sans raison valable depuis de nombreuses années, constamment remise à plus tard. Il est comme cela des livres qu'on regarde de loin pendant longtemps avant de les lire.

Ce roman est la suite de « L'enfant de sable » publié en 1985 qui mettait en scène Ahmed qui en réalité est une fille mais que son père, irrité et même déshonoré d'avoir eu sept filles auparavant voulait que la huitième fût élevée comme un garçon avec tous les privilèges du mâle et ce pendant vingt ans. Elle a grandi et prend ici la parole (elle est la narratrice de ce récit) alors que son père va mourir au cours de la 27° nuit du Ramadan. C'est la nuit du Destin, la nuit sacrée des musulmans qui, si elle enlève la vie à son père la libère de celle que cet homme lui imposait. Il souhaite qu'elle entende sa confession, l'affranchit, la nomme Zahra et l'engage à voyager, à vivre comme une femme, à découvrir sa véritable identité, à être libre, à sortir de ce carcan qu'il lui avait imposé. Après les obsèques du père, elle enterre symboliquement avec lui tous les signes extérieurs de cette période marquée à la fois par le secret, l'hypocrisie et qui avait fait d'elle un être à part dans cette famille d'où elle était rejetée et où le poids des femmes était insupportable pour lui. Il y aura tout au long de ce roman une sorte de rappel de cette identité masculine antérieure, comme une peau dont elle aurait du mal à se débarrasser (Port de burnous d'homme, faux certificat de mariage avec Fatima et surtout, en prison, l'obligation qui lui est faite de revêtir un uniforme de fonctionnaire de part ses fonctions) ; c'est une lutte constante pour affirmer sa féminité. Les funérailles terminées elle part effectivement avec Cheick, un homme bleu du désert, un prince qui l'enlève et lui révèle les « 7 secrets », en réalité un véritable conte oriental qui malheureusement est interrompu et elle doit fuir. Ce récit onirique cesse donc mais dans sa fuite éperdue la mène à Agadir, elle est abordée par un homme qui la viole. Cet homme est sans visage et ce viol qui est aussi une défloration n'a cependant rien de brutal, c'est un peu comme un passage initiatique à l'état de femme, un peu comme si elle était par cet acte barbare reconnue comme telle.

Dans cette ville elle rencontre par hasard « l'Assise », une femme qui tient le Hammam, la prend en pitié et l'invite chez elle pour tenir compagnie à son frère aveugle. Au début sa présence dans cette maison est un peu celle d'une domestique, mais elle ne tarde pas à s'apercevoir que les relations du frère et de la soeur sont fantasmatiques et de nature quasi incestueuse. Il existe entre eux une sorte de jeu étrange au terme duquel cette femme nomme son frère « le Consul » puisqu'elle fait mine de penser qu'il est le diplomate imaginaire d'un pays fantôme. En réalité il enseigne dans une école coranique et tombe évidemment amoureux de Zahra. Leurs relations sont faites de nuances, de peur de se perdre mutuellement, de violences contenues, de folie aussi mais cet homme semble, grâce à elle revenir à la vie. Pour autant Zahra ne veut pas être sous sa dépendance comme elle était auparavant sous celle de son père. « Le Consul » n'est pas son maître, elle n'est pas son esclave. Il en résulte une fragile cohabitation mais il y a entre les deux femmes une lutte sans merci qui révélera le versant mauvais de « l'Assise », plus vieille et plus laide qu'elle et qui ne rêve que de l'éliminer. Elle maintenait son frère dans un état de dépendance quasi semblable à celui que Zahra subissait de la part de son propre père. La jeune femme est en quelque sorte la moteur de la libération de cet homme qui semble arbitrer ce conflit interne qui révèle une véritable complicité entre elle et lui et choisit celle qu'il appelle « L'Invitée » au détriment de sa soeur. Cette dernière découvre une partie du passé de Zahra, sa fuite et retrouve un oncle qui menace cette fragile stabilité ainsi établie dans ce nouveau foyer. Pour conjurer les menaces qu'il profère contre elle, les accusations mensongères de vol de l'héritage familial, elle le tue autant pour ne pas être forcée de partir avec lui que pour effacer symboliquement l'injustice faite aux femmes dans la société marocaine. Pour cela est condamnée à quinze années de la prison. Pourtant, à aucun moment elle ne témoigne de regret pour le meurtre qu'elle a commis.

Une fois incarcérée, « le Consul » vient lui faire des visites régulières et elle se claquemure dans les ténèbres, vit volontairement avec un bandeau sur les yeux pour être en communion avec lui, une manière d'être à ses côtés malgré les murs et la séparation. Elle s'évade dans des rêveries qui font d'elle une princesse mais lors d'une scène particulièrement violente dont on se demande si elle est réelle ou imaginée, le lecteur assiste à une infibulation perpétrée contre elle par ses soeurs avec la complicité d'une gardienne, comme une vengeance. Là aussi acte symbolique puisqu'il la prive de relations sexuelles normales avec un homme, une manière de lui dénier sa véritable nature féminine qui était d'avoir de enfants, une sorte de rappel de son ancien état de « garçon » au sein de son ancienne famille. Rejetée d'abord au sein de ce milieu carcéral, elle sait se rendre indispensable, devient l'écrivain public de la geôle et la confidente des autres prisonnières au point que, bizarrement, elle est intégrée, malgré son statut de détenue, au personnel de la prison ce qui se traduit par la port obligatoire de l'uniforme qui est une vêture d'homme, comme un rappel de son ancien statut au sein de la famille de son père. « Le Consul » finira par partir, délaissant à la fois sa soeur et sa maîtresse en incarnant une libération à peu près semblable à celle que Zahra avait matérialisé par la fuite de sa famille. Elle le retrouvera à la fin, comme sanctifié par cet acte d'affranchissement avec, en contre-point l'image de la mer véritable symbole de liberté. Dès lors tout est possible entre ces deux êtres qui s'aiment, qui s'attendaient et qui, maintenant peuvent vivre pleinement l'un avec l'autre, débarrassés définitivement d'un passé trop pesant.

Il y a dans ce roman quelque chose de transitoire, de fuyant un peu à l'image du regard des aveugles qui ne se pose nulle part et qui fouille constamment leur obscurité. Il y a aussi une idée très ancrée de la faute avec deux versants, celle du père qui a imposé à sa fille une vie qui n'était pas la sienne et implore son pardon, celle de n'avoir pas observé les préceptes du Coran et d'avoir méprisé sa famille et une certitude d'absence de faute de la part de Zahra quand elle tue son oncle, comme pour se libérer à la fois de cette famille maléfique et de la condition de femme dans ce pays.

J'ai lu ce roman comme un conte oriental plein d'images et de poésie, un récit onirique où le lecteur se perd mais retrouve toujours cette trame magique. Reste l'histoire distillée à travers un texte somptueusement écrit, une quête identitaire, un témoignage exceptionnel.


©Hervé GAUTIER – Mai 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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récit entre onirisme et dure réalité. Deux êtres déshérités dans leur société surpassent les épreuves par leur force de caractère . Roman contre tout intégrisme, les martyrs anonymes sont évoqués.
Le conteur reste le principal passeur de mémoire, et ce roman m'a remémoré celui d'un europeen, Joseph Kessel : "Au grand Socco".
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Un livre , un écrin.

Un bijou enfermant la souffrance , le joyau d'une âme meurtrie et sans identité , la beauté des lignes pures et oniriques , des chapitres oppressants et délicats , une écriture à couper le souffle de peur de perdre le conteur.

Une histoire qui nous montre l'hypocrisie d'une societé abritant des âmes barbares et ignorantes , des esprits qui ne sont pas des hommes.
Puis vient cette voix ,cette femme , celle d'une identité perdue ,d' une grandeur d'âme , celle qui ne rêve que de liberté du corps et de l'esprit , celle qui tente d'oublier un passé , qui découvre la vie dans un nouveau corps qui lui a si longtemps été interdit , l'oxygène suffisant pour lui permettre de se sentir vivante.
Une rencontre humaine , philosophique , éloge de la solitude.
Mais oublie-t-on jamais..
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Découverte de Tahar Ben Jelloun et aussitôt terminé La Nuit Sacrée, de suite envie de découvrir d'autres romans de ce grand écrivain. L'histoire est époustouflante, captivante, saisissante dans tous les registres des sentiments. Je suis tellement contente du hasard qui m'a menée à lire La Nuit Sacrée.
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