Citations sur Porca miseria (151)
Or on leur réserve déjà le même avenir. Clara esthéticienne ? Pas question, dit Cesare, ce sera le cours Pigier. Anna, des études ? Trop cher, ce sera le cours Pigier. Comment ? Yoland a obtenu son certificat ? Cours Pigier !
Il est frappant d’observer à quel point les membres de chacune de ces deux familles se ressemblent ; tous les Benacquista sont faits du même bois, les Polsinelli de la même étoffe. Il m’est difficile d’imaginer la fusion des deux et pourtant mes sœurs et moi en sommes les fruits. Il y a de quoi s’interroger sur l’idée de gènes.
J’ai laissé la sidération m’envahit, il a senti la peur monter en moi, comme son maître a senti d’instinct qu’il aurait le dessus sur mon père, il l’a lu dans ses yeux.
Faute de réparer, écrire c’est rétablir. C’est rendre dicible ce que l’on pense, ce que l’on ressent ce que l’on est.
Un graffiti sur un mur du réfectoire me rappelle chaque jour que si je ne m’occupe pas de politique, la politique s’occupe de moi. Autant d’injonctions produisent sur moi l’effet opposé : une méfiance à vie pour toute pensée dogmatique.
J’entends dire que la télévision a pour vocation d’informer, d’instruire et de divertir. J’en vois une autre bien plus précieuse : le soir elle crée un bruit de fond qui couvre les ressassements comme elle offre un point de mire qui nous évite de croiser les regards à table. Elle vit, s’exprime, donne à voir. Elle est la quatrième présence.
Aujourd’hui encore, sur l’idée de culture, j’envie ceux qui savent si bien séparer le bon grain de l’ivraie. J’en suis toujours incapable.
En proie aux plaisir risqué de la réminiscence, je peux rester des heures dans cet immense labyrinthe sans savoir où il va me conduire. J’y éprouve le sentiment illusoire mais plaisant de n’avoir rien oublié de la multitude d’interactions humaines qui me constituent comme une mosaïque. C’est dans cet aéropage que je puise pour créer les personnages de fiction, volant à celui-ci un détail physique, à celle-là un trait de caractère, que j’agrège selon mes besoins et mes envies.
Je revois mon père à table, lancé dans une litanie haineuse contre la terre entière, pendant que nous ses enfants, attendons qu’il boive son dernier verre. Parce qu’il l’a rempli à ras bord, il procède sans la main, et le voilà penché, les lèvres posées sur le rebord du verre pour en espérer la première gorgée, puis il le vide d’un trait. Il entreprend alors un périlleux parcours vers son lit, seul. ou soutenu par ma mère les soirs ou il a forcé la dose.
Faute de réparer, écrire c’est rétablir. C’est rendre dicible ce que l’on pense, ce que l’on ressent, ce que l’on est.
Soudain, un regain d’orgueil me fait revenir à la charge. Ne suis-je pas de taille à affronter cette infinité de lignes dans cette infinité de pages ? Or à peine suis-je retourné à l’incipit que ma détermination bat en retraite. Mon imagination entre en résistance. Le solennel a viré à l’inhibition. Les livres sont sans doute des pavés ayant servi à ériger les civilisations mais celui-ci est bien lourd pour mes petites mains.