Citations sur Otages Intimes (259)
On ne plaint pas une femme qui se tient droite. Etre plainte c'est déjà courber la tête.
Il y a parfois dans les ciels tumultueux de printemps, au bord de l’océan une clarté brusque qui aveugle contre l’ardoise miroitante des nuages. Dans une déchirure du ciel, inattendu, un bleu, irisé de lumière et de pluie, lavé, incroyable. Un bleu de miracle. C’est là que se tient la mère. Juste sa peau contre les nuages.
Une bourrasque et elle pourrait disparaître.
L’indécision de la lumière alors, c’est sa vérité.
Marcher, marcher encore. Ne plus penser à rien, laisser la mécanique des jambes le porter; les branches dans les arbres dans la lumière qui dessinent les entrelacs compliqués et lui. Se perdre dans les motifs, les verts intense, presque bleu foncés des frondaisons.
Il regarde au soleil l'enveloppe. L'écriture, il la connaît si bien. Elle glissait des mots d'amoureuse dans son sac, dans ses poches, et les toucher, seulement les toucher du bout du doigt, au milieu du chaos, c'était retrouver un fragment de nuit avec elle, son odeur. L'envie furieuse de rentrer. Pourquoi aller se jeter dans ces lieux dévastés du monde. Dans son dernier voyage, il lui est arrivé de chercher du bout des doigts, machinalement, un petit papier au fond d'une poche. mais rien. L'histoire était finie. (p.83)
Dans les guerres et les atrocités il n'y a pas de raison.
Il lève la tête vers la forêt. Pour ne rien perdre de l'odeur des arbres, il ferme les yeux, laisse le fracas de l'eau engourdir son ouïe. Alors l'odeur vient. Il respire la forêt. Des bouffées fraîches et épicées à la fois. Les grands arbres sont là. Il sent leur présence muette autour de lui. S'en remettre à leur force. Rien ici n'a changé. Et rien n'a besoin de lui pour être. Il peut être inutile. C'est ça le repos.
Ecouter sans frémir. Ne pas se laisser submerger par la barbarie. Ecouter les mots rares, terribles. Ne pas couper les silences. Laisser venir par fragments le récit de l’horreur. Sa conviction totale, que si un être humain peut entendre, alors celle qui parle a une chance de reprendre place dans un monde qui a dévasté et la chair et l’esprit. Parce qu’elle est bien là, la différence entre corps et chair. Les corps peuvent bien retourner à la liberté. La chair, elle, qui la délivre ? Il n’y a que la parole pour ça. P 52
Sauver la vie, c'est quoi? Est-ce que la sienne est sauvée?
Il ne faut pas qu'il laisse sa tête partir de ce côté-là. La vie, c'est respirer c'est tout. Il est vivant. Rescapé. Il rentre. C'est miraculeux...
Ceux qui l'ont enlevé...
Des hommes qui n'avaient plus rien à perdre, et le pire, c'est qu'il les comprenait. Il savait qu'ils n'avaient plus d'autre façon de se faire entendre? Ça aurait dû le rendre plus prudent.
Enzo ne parlait pas beaucoup, jamais longtemps. Mais les mots, c'était dans la force de ses bras, au creux de ses mains qu'il les sentait. Ils étaient là, silencieux, dans ses mouvements quand il travaillait, seul...
C'était de la rêverie qui entrait dans les veines du bois. Sa rêverie à lui. Lente. Puissante dans le seul bruit de l'atelier.
Le viol comme arme de guerre. On atteint l'adversaire par le corps de ses femmes. Dans d'autres pays aussi ça a lieu. Partout sur la terre des hommes font ça à des femmes. Des êtres humains. Depuis quand. Depuis toujours.