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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cet essai biographique possède un double intérêt: très bien documenté et solidement construit, il est remarquablement écrit.
Ses qualités littéraires le rendent digne du monument qu'est l'oeuvre de Proust, car l'auteur ne craint pas de commenter dans un style parfait les scènes les plus célèbres de la Recherche, à travers le regard de Jeanne, la mère de Marcel Proust.
Ce personnage, considérable dans la vie et la destinée littéraire de Proust, fut d'abord une jeune fille extrêmement instruite, qui ne fut pas simplement "engraissée comme une oie en vue du mariage".
Parlant couramment l'anglais et l'allemand, elle savait le latin et jouait , ainsi que sa propre mère, extrèmement bien du piano. Fille respectueuse et aimante d'un patriarche juif, elle accepta l'union , proposée par celui-ci, à un non-juif, sans fortune, mais sommité médicale de l'époque, et capable de lui ouvrir les portes de la haute société, la mettant ainsi à l'abri des infortunes, des vicissitudes d'une époque troublée, et enfin de l'ostracisme encore manifesté vis à vis des juifs.
Bien qu'appartenant à la grande bourgeoisie juive , Jeanne Weil ne pouvait en effet prétendre fréquenter la plus haute société sans être introduite par une célébrité du monde des gentils, qu'elle soit scientifique, artistique, ou politique. Le couple Weil-Proust était un "ticket gagnant": l'un possèdant le prestige moral et honorifique, l'autre la fortune lui permettant de mener un train de vie élévé et de recevoir les plus hauts personnages de l'époque.
Jeanne Proust eut deux garçons, dont l'aîné Marcel, né juste après le siège de 70 et la répression de la Commune, lui inspira dès la naissance les plus fortes inquiétudes, de par sa fragilité et son émotivité. Aussi lui consacra-t-elle sûrement beaucoup plus de son attention qu'au jeune Robert, qui dut se développer à l'inverse, en manifestant tôt une nature forte et sûre d'elle-même. Ainsi juste avant un retour de vacances, séparé d'un agneau qui lui tenait lieu de compagnon, le jeune Robert cite d'abord un auteur classique (à 5 ans!) puis éclate en une colère clastique, cassant ses jouets et déchirant ses vêtements, tout en défiant son père qui, tout de même, lui a administré deux gifles pour mettre fin à cette scène ! On a là un autre caractère et les deux garçons, s'ils s'entendirent toujours bien, n'étaient certes pas semblables. L'auteur insiste beaucoup sur la relation fusionnelle entre Marcel et Jeanne, et rappelle que Jeanne et sa propre mère furent aussi dans une très grande proximité affective toute leur vie.
Les conséquences de ces liens très forts sont finement analysés, parfois à travers un lapsus de Proust écrivant à sa mère, parfois à travers le récit qui est fait d'une même scène dans Jean Santeuil, Les plaisirs et les jours, ou la Recherche.
Par contraste, la figure d'Adrien Proust est en retrait, ou plutôt extérieure au drame qui se constitue quand il s'avère que Marcel est doublement malade: malade nerveusement, d'où son apparente incapacité, enfant, à se séparer de sa mère, et malade de ses "étouffements", soit de son athsme dont la première crise se déclenche après une longue promenade sous les marronniers en fleurs.
La célèbre scène du coucher où Adrien Proust renonce à guider son fils vers le chemin de l'autonomie, en suggérant à sa femme de dormir dans la chambre de Marcel, est commentée par lla biographe en rapprochant à juste titre cet épisode du thème de François le Champi.
Ce livre que Jeanne lira ce soir-là à son fils est l'histoire d'une relation incestueuse entre un garçon et sa mère adoptive.
Pour Proust, le plus grand malheur qu'il puisse imaginer était d'être séparé de sa mère.
Le portrait tout en finesse fait par Evelyne Bloch-Dano nous montre à l'évidence que dans la vie comme en littérature, ces deux êtres furent et demeurent inséparables.
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Une biographie de Jeanne Weil-Proust, la maman de Marcel. En arrière plan, au début de l'essai, l'émancipation des Juifs français à la Révolution au décret Crémieux ( Adolphe Crémieux appartient à la famille de Jeanne), leur intégration à la société remise en cause de temps à autres par l'antisémitisme, véritable idéologie fin XIXème siècle, par l'Affaire Dreyfus.
Peinture de la haute bourgeoisie du XIXème siècle, de la place des femmes, de l'éducation, du milieu politique et intellectuel, des mondanités, des quartiers de Paris, des bains de mer de la haute société.
Jeanne Weil, femme juive très cultivée et riche, épouse le Dr Proust, catholique qui fera une brillante carrière. Elle sera une parfaite maîtresse de maison sans aucun esprit de sacrifice. Elle aura deux enfants dont Marcel avec qui elle entretiendra un rapport fusionnel et une correspondance en grande partie perdue. Sa santé fragile, sa vie déréglée ( homosexualité, horaires décalés, frivolité, incapacité à avoir une vie professionnelle stable) l'inquiètent mais n'altère en rien son amour.
A la fin de sa vie, elle aide Marcel Proust à traduire Ruskin.
Une biographie-essai passionnants autant pour le portrait d'une femme exceptionnelle mais discrète que par la peinture d'une époque et d'une société que décrira Marcel Proust. Sa mère ne verra jamais le succès littéraire de son fils.
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« Être séparé de maman » fut la réponse de Marcel Proust à l'une des questions du célèbre questionnaire devenu mythique.

Avec ce livre, Évelyne Bloch-Dano nous fait pénétrer dans l'intimité de Marcel Proust et dans celle de sa mère, Jeanne Proust.

Une enfant, une jeune fille, une femme, une épouse, une mère : les années se parcourent en une étude précise, sociologique et passionnante et aident à comprendre ce qui la construisit.

Des lieux, des maisons, des quartiers, un monde bourgeois, l'assimilation des juifs alsaciens émigrés à Paris, la religion dont on s'éloigne, des traditions qui demeurent, un milieu où l'intellectualisme domine.

Puis cette relation entre une mère et un fils souffrant, à part.
Une relation qui forme l'esprit, veut le meilleur, aide sans relâche et dans le quotidien et dans l'ambition littéraire.

Un père souvent absent, déléguant l'éducation à l'épouse, un frère tellement différent mais aimé, des rencontres, des mondanités, des cures où l'esprit de la conversation nourrit les heures creuses.

Un amour qui se dit quotidiennement.
Jeanne Proust, intelligente, volontaire, cultivée, consciente de ses tâches et d'épouse, et de maîtresse de maison, et de mère, a continuellement été présente auprès de Marcel, n'ignorant pas les chemins qu'il empruntait.
Elle ne vit pas l'oeuvre grandiose de son fils mais elle sut, perçut, ressentit toute la fragilité, l'extrême sensibilité qui en faisait un être hors du commun des mortels.
Des moments de bonheur lors de la traduction de l'oeuvre de Ruskin et la mise en page par Marcel, un travail en duo, du bonheur… et de l'intransigeance chez le fils.

Le livre est riche de sentiments, de découvertes sur une société, ses moeurs et ses codes.
Cet essai retrace l'époque, les avancements (le Docteur Proust et l'hygiène), les amitiés d'un milieu (les Faure…), les luttes (L'Affaire Dreyfus), la place du juif dans la société française (différence entre juif et israélite).
Des lieux qui se mélangent (Illiers, Auteuil…), des êtres qui fusionnent… le tout se retrouvant dans la Recherche et particulièrement dans Jean Santeuil, roman inachevé.

Richesse époustouflante de cet essai accompagné d'arbres généalogiques et d'une bibliographie dans laquelle l'amateur proustien peut puiser pour continuer sa … recherche.
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