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Critiques filtrées sur 4 étoiles  

« Ma vie a désormais perdu son seul but, sa seule douceur, son seul amour, sa seule consolation » écrivit Marcel. La descente aux enfers durât deux ans avec des rémissions, des rechutes, des crises. Maman en mourant a emporté le petit Marcel, confia-t-il aussi.

Le petit Marcel était bien mort mais il avait donné naissance à l'écrivain. Un Marcel Proust qui passerait le reste de ses jours à élaborer une oeuvre dont sa mère aurait été fière. le plus beau témoignage de sa reconnaissance en est peut-être, tout simplement, la première phrase : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. »

Oui, Maman aurait aimé cette phrase.

C'est sur cet épilogue que je referme ce livre les larmes aux yeux. Evelyne Bloch-Dano a écrit un très beau récit sur Jeanne Weil-Proust qui peut être lu par tout un chacun tant c'est fluide, vivant, intéressant, nul besoin de s'être penché sur La Recherche. Elle est présidente du jury du Cercle littéraire proustien de Cabourg-Balbec , c'est dire à quel point, elle est imprégné de son sujet qu'elle sait si bien nous illustrer.

Jeanne est issue d'une famille juive très aisée et parfaitement assimilée, d'origine alsacienne, pénétrée du Siècle des Lumières. Elle a vingt et un ans lorsqu'elle rencontre Adrien Proust de quinze ans son ainé. La famille Proust est originaire d'Illiers en Eure-et-Loir. Madame Virginie Proust tient l'épicerie du centre bourg. Famille modeste, de religion catholique et très pieuse, le grand-père d'Adrien fournissait même les cierges de la paroisse, peut-on imaginer une Weil épouser un descendant d'un marchand de cierges ? Adrien est bel homme. A 36 ans, il est chef de clinique et agrégé de médecine. Il est considéré comme l'un des espoirs français de la médecine et il est libre-penseur. Jeanne sait qu'elle restera fidèle à ses origines, jamais elle ne se convertira. La jeune fille juive et le fils d'épicier s'unissent au seuil d'une bourgeoisie laïque que la Troisième République va porter au pinacle. le mariage a lieu le samedi 3 septembre 1870, le lendemain de la défaite de Sedan. La famille Weil est au grand complet mais aucun des Proust ne sera présent ?

Marcel nait le 10 juillet 1871, après la semaine sanglante, et Robert le 24 mai 1873. On imagine aisément la grossesse de Jeanne pour Marcel étant donné la période. Peu d'écart entre les deux frères dont l'éducation incombera à Jeanne. Comme dans toute fratrie, une certaine rivalité se faufilera dans les rapports entre les deux frères mais leur amour fraternel ne sera jamais altéré.

Les Weil sont très unis, solidaires et fusionnels, il y a énormément d'amour qui circule entre les membres de cette famille comme une abondante correspondance en fait foi. Adrien va s'y intégrer très facilement. L'auteure fait revivre les beaux jours d'Auteuil sous nos yeux. C'est l'oncle Louis qui achète la maison d'Auteuil. La maison bruisse des éclats de voix, du bonheur des retrouvailles, le souvenir des cousins qui courent partout, ça pleure, ça rit. Et c'est ainsi en pénétrant l'intimité de cette famille, rendue si concrète sous la plume d'Evelyne Bloch-Dano, que l'on discerne page après page, l'impact qu'a eu cette parentèle sur l'imaginaire de Marcel dans La Recherche. C'est une très belle promenade que cette biographie. le style de l'auteure suggère aisément les scènes qui se déroulent sous nos yeux notamment les bains de mer de Jeanne, ses séjours en cure où ses garçons vont l'accompagner.

Marcel n'est pas un enfant comme les autres. Doté d'une hyper sensibilité, d'un tempérament anxieux, il ne peut courir, sauter, sans le risque de déclencher une crise d'asthme. Cette maladie lui rend la vie difficile sans parler de la méconnaissance de cette maladie qui ne fait qu'alimenter les angoisses existantes de ses parents. Jeanne a peur, elle ne cesse de prodiguer soins et recommandations à son enfant. Un cercle vertueux qui devient un cercle vicieux, les liens se resserrent, l'angoisse de la séparation se fait plus douloureuse.

Un proverbe touareg dit que la mère préfère le petit tant qu'il n'a pas grandi, l'enfant malade tant qu'il n'a pas guéri et celui qui voyage tant qu'il n'est pas revenu « j'avais toujours quatre ans pour elle » dira Marcel.

Evelyne Bloch-Dano nous éclaire sur cette relation fusionnelle entre Marcel et Jeanne, elle dépeint avec force l'intensité de leur attachement. Mais Jeanne est aussi une femme cultivée, active, que j'ai beaucoup aimé accompagner jusqu'à son décès. Cette biographie est aussi une très jolie carte postale d'une époque disparue malgré les conflits qui ont jalonné cette période. Marcel est présent, on peut le suivre en Normandie, à Cabourg, au Grand Hôtel, à Trouville-sur-Mer, au Père-Lachaise. Lire des passages de ses lettres suscite beaucoup d'émoi comme la présence de ces photographies qui sont annexées au livre. Toute cette jolie construction donne un sentiment d'intimité avec Jeanne et sa famille et contribue à une très belle lecture qui nous les rend tellement proche ; quant à moi, l'émotion ne m'a pas quittée.

L'exposition du musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme consacrée à « Proust du côté de sa mère » m'a incitée à faire connaissance avec Jeanne mais c'est une biographie que j'avais noté depuis un moment à la suite du commentaire de Patricia @palamède que je remercie.

« Toute notre vie n'avait été qu'un entraînement, elle à me passer d'elle pour le jour où elle me quitterait, et cela depuis mon enfance quand elle refusait de revenir dix fois me dire bonsoir avant d'aller en soirée, quand je voyais le train l'emporter, quand elle allait à la campagne, quand plus tard à Fontainebleau et cet été même, je lui téléphonais à chaque heure. Ces anxiétés qui finissaient par quelques mots dits au téléphone ou sa visite à Paris, ou un baiser, avec quelle force je les éprouve maintenant que je sais que rien ne pourra plus les calmer. Et moi de mon côté, je lui persuadais que je pouvais très bien vivre sans elle. »

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En 1870, le mariage de la jeune Jeanne Weil avec le chef de clinique agrégé et catholique de 36 ans, Adrien Proust, est dicté par la raison, parce qu'Adrien apporte un passeport pour la bonne société à Jeanne issue de la bourgeoisie juive, et que la fortune et l'éducation de celle-ci sont idéales pour un médecin ambitieux.

Dès la naissance de Marcel, à Paris en pleine débâcle de la Commune, Jeanne est absorbée par cet enfant fragile et nerveux. Et si par la suite elle ne néglige ni son mari ni son second fils Robert, il se noue avec Marcel des liens indéfectibles, une relation exclusive qui durera toute leur vie.

Femme du monde attachée à sa famille, et maîtresse de maison parfaite, Jeanne est aussi un esprit éclairé. Elle lit beaucoup, pratique plusieurs langues et le piano, plus tard s'implique dans la vie intellectuelle de Marcel, notamment en travaillant avec lui sur la traduction de la Bible d'Amiens de John Ruskin.

Jeanne ne se livrait pas et même si elle écrivait il n'en reste que peu de choses. L'auteure s'est donc souvent appuyée sur les œuvres de Marcel, la Recherche et Jean Santeuil, pour tracer un portrait nuancé et précis d'une femme qui jusqu'à son dernier souffle aimera avec passion et soutiendra son fils, fils qui n'aura de cesse de lui rendre hommage dans une oeuvre exceptionnelle.
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J'ai finalement été très intéressée par ce livre qu'une abonnée de la bibliothèque m'avait chaudement recommandé et que j'avais commencé un peu à reculons, poussée par son enthousiasme. Je ne suis pas une lectrice assidue de Proust, mais j'ai trouvé certains aspects de la biographie que nous livre Evelyne Bloch-Dano très éclairants. L'autrice divise son ouvrage en trois parties correspondant chacune à une époque particulière de la vie de Madame Proust. La biographie commence comme un roman en prêtant des pensées au personnage de Jeanne Weil à propos du médecin déjà très connu qu'elle s'apprête à épouser : Adrien Proust, de 15 ans son aîné. Suivent des considérations sur les motifs de ce mariage « mixte » très révélatrices des mentalités de l'époque. Adrien est un médecin reconnu et respecté, voire célèbre, mais fils d'épicier. Pour sa part, la famille de Jeanne est riche, mais juive. Ce mariage de raison avantage l'un et l'autre des partis. Les deux arbres généalogiques des ascendants paternels (les Weil) et maternels (les Berncastel) de Jeanne se révèlent indispensables pour ne pas se perdre dans les liens familiaux. Un autre arbre explicite la lointaine parenté de Proust avec Karl Marx. On comprend vite que Jeanne Weil est une femme remarquable. Son niveau d'instruction dépasse de loin celui de la plupart des femmes de l'époque (et de beaucoup d'hommes !) : elle parle couramment plusieurs langues, joue du piano avec talent, possède une solide culture littéraire et s'ouvre volontiers aux nouveautés. Bien sûr, la biographie s'attachera particulièrement aux relations de Jeanne avec son fils aîné Marcel et le soutien sans faille qu'elle lui apporte, mais l'autrice développe aussi plusieurs autres personnages de la famille dont l'influence dans l'oeuvre de Proust s'avère évidente. Je me bornerai à citer Adèle, la mère de Jeanne, la grand-mère de Marcel. Les fréquents séjours à Illiers et à Auteuil inspireront Combray, et on les retrouve dans La Recherche et dans Jean Santeuil. Pour Jeanne, la vie quotidienne à Illiers n'est pas une partie de plaisir. Elle s'y sent isolée et s'estime tenue de fréquenter l'église… Plus tard, l'éducation de Marcel, son asthme et ses pratiques particulières causeront beaucoup d'inquiétude au docteur Proust qui tentera d'y remédier par les moyens en vogue à l'époque, sans beaucoup de succès. Les nombreuses anecdotes qui renvoient à l'oeuvre de Proust permettent un éclairage totalement nouveau pour moi, et la relation fusionnelle entre Jeanne et Marcel revient comme un motif qui prend tout son sens dans les détails de la biographie tout en éclairant l'oeuvre.
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Madame Proust, née Jeanne Weil, est sans aucun doute la personne qui aura le plus compté dans la vie de Marcel Proust. le livre que lui consacre Evelyne Bloch-Dano (également biographe de George Sand et de Mme Zola) est remarquable par les éclairages qu'il apporte sur la famille de Proust mais aussi sur l'enfance de l'écrivain, sa formation morale, artistique, intellectuelle à laquelle sa maman a amplement participé, et sur le milieu dans lequel évoluait cette famille, haute bourgeoisie côtoyant aussi bien l'aristocratie que les cercles politiques républicains (Zola, Faure, Crémieux, ...) ou les élites artistiques (les Bizet, Daudet, George Sand, Mallarmé ...), tout cela fournissant les modèles des personnages de la Recherche.

Evelyne Bloch-Dano s'emploie longuement au début de l'ouvrage (mais très utilement à mon avis) à nous décrire les familles des deux parents de Marcel. Celle de Jeanne est une famille juive originaire d'Alsace et au delà de l'Allemagne (j'ai appris ainsi que Proust et Karl Marx sont cousins au 5ème degré) qui a bénéficié du décret promulgué par la Révolution française en 1791 accordant aux juifs de France la citoyenneté française et qui a peu à peu gagné pignon sur rue, notamment dans la fabrication de la porcelaine. A la génération de Jeanne, les Weil sont devenus des bourgeois très aisés mais ils ne sont pas encore acceptés dans les salons les plus huppés de la monarchie de Juillet ou du IIIe empire.

Adrien Proust, le père de Marcel et de son frère cadet Robert, est lui issu d'une famille catholique très modeste, installée dans la petite ville d'Illiers qui deviendra "Combray" dans la Recherche. Brillant élève, boursier, Adrien devient médecin et professeur à la chaire d'hygiène à la faculté de médecine de Paris. Il devient vite une des sommités de son art, publie des ouvrages très réputés, est reçu par d'éminents personnages dans de nombreux pays.

Le mariage de Jeanne et d'Adrien, en associant la notoriété du Dr Proust et la fortune ainsi que l'art des relations mondaines que possède sa femme, éprise de littérature, de musique et de beaux-arts, propulsera le couple parmi la haute société de l'époque. Mais, pour autant, tout ne fut pas simple pour le couple, et en premier lieu la naissance de Marcel, juste après la "semaine sanglante" de la Commune de Paris (Marcel a bien failli ne pas venir au monde), puis l'enfance souffreteuse de Marcel et son hypersensibilité.

Outre l'intérêt sociologique évident, par l'éclairage qu'apporte le livre à certains passages de la Recherche (le salon des Verdurin, le personnage de la "cocotte" Odette de Crécy, ...), c'est avant tout ce qui concerne le rapport entre Jeanne et Marcel (duo auquel il faut aussi adjoindre le jeune frère Robert) qui rend le livre vraiment passionnant. Evelyne Bloch-Dano nous conduit patiemment à travers l'écheveau de fils qui s'est noué entre la mère et son fils, mêlant amour, maladie, soins, éducation, autorité, chantage, émancipation, sexualité, déviance, fidélité, excès, tempérance... Et tout cela se joue, se dénoue, se rejoue, s'amplifie à travers la correspondance qu'ils s'échangent quotidiennement dès qu'ils sont éloignés géographiquement l'un de l'autre. Car, en pensée, ils ne seront jamais séparés, si ce n'est par le sommeil, et l'on sait à quel point le moment du coucher est une torture, aussi bien pour Marcel que pour le narrateur de "Du côté de chez Swann". C'est donc sans étonnement que l'on apprend que la correspondance entre Mme de Sévigné et sa fille, la comtesse de Grignan est l'oeuvre littéraire de prédilection de Jeanne.

Mille autres choses sont à lire dans cet ouvrage d'une grande finesse, très agréable à lire et qui peut intéresser aussi bien les familiers de l'oeuvre proustienne que ceux qui espèrent en découvrir un jour tous les charmes.
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Pour qui veut entrer dans l'oeuvre de Marcel Proust, ce livre constitue une introduction parfaite.
Comment comprendre cet homme sans connaitre ses relations fusionnelles avec cette mère.

C'est avec talent, précision et finesse qu'Evelyne Bloch-Dano nous retrace l'existence de cette Madame Proust, la seule.
De ses ancêtres à son décès, l'ouvrage retrace la vie de cette femme cultivée, intelligente et aimante. A travers elle, c'est aussi la découverte de cette haute bourgeoisie juive française issue de l'immigration des pays de l'Est et qui, à force de travail, s'est hissée aux plus hautes fonctions de la finance, de la politique, des affaires. le cas de Jeanne Proust est aussi intéressant puisque juive, elle est mariée à un français, rompant la traditionnelle endogamie.

On perçoit la difficulté et l'intelligence de son rôle de mère dans l'éducation délicate du jeune Marcel, sa compréhension de sa « différence », si ce n'est de son génie et l'accompagnement de ses débuts maladroits d'écrivain. Instinctivement, elle protège et défend le plus faible de ses deux fils non sans tenter de lutter contre ses « déviances ».
Adrien Proust, le père, s'efface naturellement devant des fonctions dévolues aux femmes.
Un livre fort bien écrit, d'une très belle intelligence psychologique si ce n'est psychanalytique et qui fut justement récompensé.
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Des personnages se détachent de la Recherche.
Comme dans un jeu des sept familles je demande la mère, bonne pioche pour moi d'avoir lu le livre d'Evelyne Bloch-Dano.
Il était sur mon Ipad depuis quelques semaines mais je ne sentais aucune urgence, à écouter Antoine Compagnon et son été avec Proust c'est devenu une envie forte.

C'est une biographie de la mère de l'écrivain qui se lit pftt comme un roman.
Jeanne Weil nait en 1849 dans une famille juive de a haute bourgeoisie parisienne mais cette biographie nous fait découvrir une foule de personnages qui vont graviter autour d'elle.
Une famille tenant le haut du pavé parmi les familles de la grande bourgeoisie juive, un père décoré de la Légion d'honneur, un oncle ministre.
Dans la famille c'est la première à se marier hors de la communauté, son père voyait là l'occasion de renforcer leur intégration à la bonne société de l'époque, Adrien Proust était déjà un médecin respecté et tenait une place enviable dans le système de santé de l'époque.
Epouser un catholique c'était franchir un échelon de plus vers l'assimilation sans jamais renier ses origines et par exemple sans jamais se convertir.
C'est un portrait très attachant que brode Evelyne Bloch-Dano, Jeanne Proust est une bourgeoise cultivée, soucieuse en permanence d'être une épouse irréprochable qui sert les intérêts de son mari. Elle reçoit le tout Paris à la fois artistique et scientifique.
Voilà pour l'aspect mondain de Jeanne Proust, maintenant l'autre facette c'est cette relation unique avec un de ses fils qui ne prendra fin qu'à son décès.
Jeanne Proust fut une mère très attentive à la grande émotivité de Marcel, elle tâcha à la fois de le réconforter et de l'aguerrir mais en vain. Plus tard elle admis ses penchants sans jamais pourtant être capable d'en parler avec lui, le carcan moral est encore bien présent.

Cette amour fusionnel est largement décrit et commenté par Evelyne Bloch-Dano et elle ne cache rien des heurts qui parfois découlèrent de cette relation, heurts avec le père ou le frère.

Ardente dreyfusarde Jeanne eut là le courage de tenir tête à son époux qui par ailleurs ne dédaignait pas les petites demoiselles de l'Opéra.
Les débuts littéraires de Marcel lui doivent beaucoup. C'est une femme cultivée qui lit énormément, qui admire et sans doute se retrouve dans Mme de Sévigné. Elle a également un passion pour la musique. Sa connaissance de l'anglais lui permit d'assurer avec son fils la traduction de Ruskin qui le fit connaître dans le monde littéraire.
L'auteur ajoute un cahier photographique pour compléter cette biographie de la Maman du petit Marcel …….
Elle ne vit jamais la revanche éclatante que son fils pris et ne connut jamais l'hommage magnifique que son fils lui rendit à travers son oeuvre.
Les passages dans la Recherche du Temps Perdu concernant la mère sont parmi les plus mémorables du roman.

Une belle biographie qui obtint le Prix Renaudot de l'essai et que j'invite les amateurs de Proust à mettre dans leur bibliothèque


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Qui était Jeanne Weil, la mère de Proust ? Évelyne Bloch-Toledano essaie de répondre à cette question en dépeignant le contexte familial de Jeanne, en s'attachant à la destinée de la famille Weil-Berncastel et, plus largement, à l'intégration des Juifs dans la France de la seconde moitié du 19e siècle. J'ai trouvé toute cette partie passionnante, car elle explique comment Jeanne Weil, fille richement dotée de Nathan Weil, a pu épouser le docteur Adrien Proust, figure montante de la médecine hygiéniste, mais de condition modeste. Une jeune femme éduquée, musicienne, parfaitement rompue aux usages du milieu bourgeois, accepte de se lier à un homme qui a quinze ans de plus qu'elle, voyage beaucoup et fait une carrière publique, mais possède une culture somme toute assez limitée en dehors de son terrain d'élection, la médecine.
le livre d'Évelyne Bloch-Toledano s'attache également à éclairer les rapports qui se nouent très étroitement entre la mère et son aîné, Marcel, dès la prime enfance. Bien avant ses crises d'asthme, Marcel est atteint de « nervosisme ». Il ne faut pas oublier que Jeanne a mené sa grossesse pendant l'épisode tragique du siège de Paris par les Prussiens, puis de la Commune. Dans la relation très forte qui unit Jeanne à son fils se mêlent un souci de protection, mais aussi une volonté de pousser l'enfant à s'aguerrir, à dominer ses angoisses. Si la vie de Jeanne est très tôt marquée par le souci que lui cause Marcel, elle ne se résume pas seulement à Marcel. Adrien Proust, pourtant souvent absent, conserve la place centrale qu'occupe l'époux dans le foyer bourgeois, et qui n'est pas contradictoire avec celle du père et patriarche dans la tradition juive. Par ailleurs, le cadet de Jeanne, Robert, vigoureux et plein d'énergie, ne se laisse pas oublier malgré l'attention obligée que requièrent les problèmes de santé de Marcel.
Certainement l'homosexualité que va révéler Marcel à son adolescence a été un sujet très douloureux pour Jeanne Proust, au-delà de l'opprobre qu'elle faisait peser sur la population des « invertis ». Dans un premier temps, Jeanne a tout fait pour corriger Marcel et lui éviter des relations qu'elle jugeait dangereuses pour lui. Mais, quand il ne lui a plus été possible de s'illusionner sur la nature de ses rapports avec les hommes, elle a non pas accepté son homosexualité, mais s'en est accommodé avec d'autant plus de facilité qu'elle était la seule qui pouvait comprendre la souffrance de son fils.
Les dernières années de Jeanne sont assez tristes. Elle perd sa mère adorée, son cher oncle Louis Weil, son père, puis son mari. le fait de vivre avec Marcel ne comble sans doute pas le vide laissé par toutes ses disparitions car Jeanne existe dans sa famille quels que soient les liens qui l'unissent à Marcel. Les crises d'urémie qui ont emporté sa mère Adèle auront aussi raison d'elle. Elle affronte la mort avec le courage qu'elle a mis dans sa vie.
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Si , comme moi , vous êtes lecteur de la « Recherche » et admirateur de Marcel Proust , je vous conseille cette lecture. Elle éclaire le rôle fondamental de Mme Proust dans la genèse du caractère et de l'oeuvre de l'écrivain. J'ai découvert une femme de son temps , impliquée dans le siècle , aux idées relativement avancées et dotée d'un humour remarquable. Enfin au détour de ce livre très documenté et agréable à lire on reconnait quelques épisodes qui avec la transposition romanesque de rigueur se sont trouvés inclus dans l'oeuvre majeure de l'écrivain.
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Livre très bien documenté sur la vie de la mère de Marcel Proust. L'auteur s'efface devant les archives aussi il m'a été très difficile de trouver une citation. Ce livre m'a permis une approche de Proust, auteur que je redoutais par la longueur de ses écrits. C'est aussi un témoignage de la vie des femmes de la bourgeoisie au xIX° siècle.
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Ouvrage intéressant sur la mère d'un des plus grands écrivains, d'autant plus important quand on sait l'attachement du petit Marcel à sa mère, sur la Belle époque, et sur l'originalité de cette bourgeoisie israélite éclairée. Bien que documentaire, le style est plutôt agréable, sans être non plus très captivant (certains essais y arrivent). L'auteure opère des allers-retours pertinents entre l'essai et les textes proustiens, pour une entrée dans cet univers merveilleux.
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