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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
N°769 – Juillet 2014.

UN SINGE EN HIVER – Antoine Blondin- Adaptation cinématographique d'Henri Verneuil (1962).

A quoi ça tient les serments d'ivrogne ! Albert Quentin, patron d'un hôtel-restaurant, ancien fusilier-marin en Chine pendant son service militaire a promis, pendant le bombardement de 1944 de Tigreville, une petite station balnéaire de la côte normande, de ne plus boire s'il en réchappait. C'était l'époque ou le service militaire était une période incontournable, un rituel initiatique. Si on ne l'avait pas fait on n'était pas un homme, c'est à tout le moins ce qu'on disait ! Quentin en a la nostalgie parce que ces années se confondaient avec l'alcool. Quentin est un homme de parole et il mène une vie tranquille aux côtés de Suzanne, sa femme, c'est à dire un quotidien dédié au régime sec, et ce pendant quinze ans. Il déserte même le café de son voisin. Mais voilà qu'un jeune publicitaire, Gabriel Fouquet, débarque un beau jour et s'installe dans l'hôtel de Quentin. Lui, il boit pour oublier l'échec de sa vie sentimentale avec Claire et l'alcool le transporte en Espagne où vit son amie, chacun son voyage ! Et d'ailleurs il vient à Tigreville voir sa fille, pensionnaire dans une institution. L'Espagne, il en rêve au point de parler aux incrédules clients du café de son soleil, de son flamenco, de ses taureaux et, joignant le geste à la parole va jusqu'à interrompre la circulation de cette petite ville en transformant la rue principale en arène. Sauf que, pour lui, les voitures sont autant de taureaux, ce qui déplaît à la maréchaussée. Pour Quentin, c'est le signal qu'il attendait depuis longtemps, il reconnaît en Fouquet un compagnon qui comme lui n'a « ni le vin petit ni la cuite mesquine », le délivre de la perspective d'une nuit passée en cellule de dégrisement et nos deux compères s'en vont arroser cela dans un bar un peu louche qui surplombe la ville « Les gastronomes disent que c'est une maison de passe et les vicelards un restaurant chinois. », indique-t-il en guide averti. Ils connaîtront ensemble deux jours d'ivresse conclus par un mémorable feux d'artifice improvisé sur la plage pour lequel Landru, un commerçant local, s'associe à eux pour lui aussi s'offrir son quart d'heure colonial.

Après cette « nuit d'ivresse » qu'ils illustrent en chantant la fameuse chanson « Nuit de Chine », ils reprendront chacun leur vie d'avant, Quentin en rentrant à l'hôtel et en allant, comme chaque année visiter la tombe de son père, Fouquet en emmenant avec lui sa fille. Dans le train qui les emmène vers leur destination respective, la petite demande à Quentin de lui raconter une histoire avant de prendre sa correspondance. Un peu tristement il conclut « En Chine, quand les grands froids arrivent, dans toutes les rues des villes, on trouve des tas de petits singes égarés sans père ni mère. On sait pas s'ils sont venus là par curiosité ou bien par peur de l'hiver, mais comme tous les gens là-bas croient que même les singes ont une âme, ils donnent tout ce qu'ils ont pour qu'on les ramène dans leur forêt, pour qu'ils trouvent leurs habitudes, leurs amis. C'est pour ça qu'on trouve des trains pleins de petits singes qui remontent vers la jungle ».

Je revois toujours ce film avec plaisir et émotion à cause du jeu des acteurs mais aussi des somptueux dialogues de Michel Audiard.

©Hervé GAUTIER – Juillet 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Un de mes livres favoris avec sa verve, se langage truculent et savoureux qui appartient maintenant au passé, proche oui, mais au passé. Quel dommage ! L'insulte et le propos de comptoir aviné élevé au rang de la poésie.
Je pense à se livre car Jean Paul Belmondo vient de basculer dans l'autre dimension, cet homme qui fait parti de ceux qui m'ont donner l'envie d'aller au cinéma, qui jamais ne m'a ennuyé, qui incarne si bien Gabriel. Chapeau bas monsieur, quoiqu'en disent certains intello coincé de je ne dirai pas quoi. Je ne vois pas qui d'autre aurait pu mieux incarné ce père qui se meurt de ne pas voir sa fille et qui n'ose pas.
Et chapeau bas monsieur Blondin, les échos de vos écrits n'ont pas fini de raisonner, l'accent du faubourg nous manque. "Paris se meurt rendez-lui Arletty" (Mano Negra")
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Mon roman culte d'ivrogne convaincu. Depuis toujours. Il y a 40 ans je m'identifiais plutôt à Fouquet, Belmondo dans le film, ses délires, ses envolées, son panache. Maintenant c'est plutôt Monsieur Quentin, un des plus beaux rôles de Gabin, le retraité de la biture qui n'attend qu'un déclic pour s'y remettre. Et qui s'emmerde pendant ce temps là.
Film et roman incontournables.
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Sans aucun doute le roman le plus connu d'Antoine Blondin. Mais est-ce vraiment le cas ? Car lorsqu'on évoque "Un singe en hiver", les gens pensent d'abord au film d'Henri Verneuil avec Gabin et Belmondo (et la fameuse scène de la cuite en fin de film).
Albert Quentin ne voyage plus que dans ses rêves, la journée il s'occupe de son hôtel avec son épouse, dans un morne train-train et une certaine mélancolie. L'homme a voyagé mais surtout il a bu, beaucoup bu. Depuis 10 ans déjà, Quentin tient la promesse qu'il a faite à sa femme, plus une goutte d'alcool.
Mais depuis quelques jours, un client trouble l'ordinaire. Dans cette petite ville normande, il est rare d'avoir un client durant tout le mois d'octobre, or cela fait 3 semaines que Gabriel Fouquet a loué sa chambre et le jeune homme ne semble pas spécialement décidé à repartir sur Paris. de plus, et cela Quentin l'a bien compris, l'homme aime bien lever le coude et rentre parfois tard le soir avec quelques verres dans le nez. Les deux hommes exprimeront leurs envies pour le voyage (la Chine pour Quentin, l'Espagne pour Fouquet) mais surtout naîtra une amitié de deux hommes qui peinent à vivre leur morne quotidien et s'évadent par l'alcool.
Car l'alcool est bien le sujet principal du livre et Antoine Blondin avait en la matière une expérience incontestable ! Mais cette année-là aussi, son épouse avait envoyé leur fille dans un internat en Normandie pour l'éloigner d'une atmosphère qu'elle jugeait malsaine, tout comme dans le roman. Et il faut reconnaître que Blondin ressemble de près à Fouquet, même âge, un métier de plume avec des travaux alimentaires, et ce besoin d'alcool qui au final le vaincra.
Ici, si l'humour est présent, tout comme le style inimitable de Blondin, règne une certaine mélancolie, pour ne pas dire une tristesse certaine. le décor, un vieil hôtel dans une ville balnéaire en plein hiver, y contribue pleinement. Et puis surtout le refus de ces deux hommes qui refusent de rentrer dans les normes, dans une société de médiocres.
Antoine Blondin signe ici sans doute son roman le plus sombre, celui d'un vieil homme qui s'est éloigné des plaisirs de la vie, trop dangereux pour son abstinence, et celui d'un homme plus jeune qui entre ses fulgurances éthyliques gère difficilement sa vie familiale et professionnelle.
Son roman le plus connu donc mais surtout le plus abouti.
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Bien sûr, il y aura toujours – au moins tant que vivront des cinéphiles – le film d'Henri Verneuil, avec l'immortel duo Gabin-Belmondo, brûlant de mille feux éclatants de tendresse. Il y aura toujours, évidemment, les dialogues d'Audiard, ciselés avec ses mains d'orfèvre des mots. Et, ayant traîné la nuit, hors-saison, à Villerville – alias Tigreville –, où j'étais venu visiter plus un décor qu'une station balnéaire normande, je ne renierai jamais ce que je considère comme l'un des plus grands films du cinéma français.

Une fois que l'on a dit ça, il n'en reste pas moins évident que le roman d'Antoine Blondin – dont j'ai appréhendé si longtemps la lecture, de peur d'être déçu ou, pire, qu'il détrône « mon » film – est une oeuvre magistrale qui possède son âme propre. Car âme il y a dans certains oeuvres, quelle que soit leur support.

Le roman de Blondin pose avec brio cette question perturbante : doit-on économiser sa vie ou la vivre pleinement, quitte à la consumer trop vite et prendre le risque de tout renverser sur son passage ? Albert Quentin y a répondu en renonçant aux mirages de l'alcool et choisissant de mener une vie d'horloge régulière. Gabriel Fouquet, plus jeune, évolue quant à lui dans les brumes de l'illusion éthylique, pour étouffer son mal-être. « Fouquet s'engourdissait dans une manière de soulagement ; quand on en était là, tout pouvait arriver, on avait touché le fond… », dit le texte.

Ces deux-là se rencontrent l'espace d'un court instant – un mois – et, avant de suivre chacun son chemin, ils vont se jauger mutuellement et progressivement se rapprocher jusqu'à l'apothéose d'une virée exubérante, pleine de panache, comme pour dire au monde qu'ils sont de la même trempe. Car Albert et Gabriel ont ce secret en commun : « Ce va-et-vient aux abîmes est un trajet solitaire. Ceux qui remontent de ces gouffres se sont cherchés sans se rejoindre. Seule, la cruauté du jour rassemble leur troupeau errant. Ils renaissent douloureusement et se retournent : la nuit a effacé la trace de leurs pas. Les ivresses, si contagieuses, sont incommunicables. »

Un singe en hiver est un roman miroir, déformant à l'occasion : Gabriel est celui d'Albert et inversement. Gabriel réveille aussi le passé d'Albert, après « dix années parcimonieuses, retranchées derrière des barricades et un serment ».

Serment de ne plus boire, quitte à s'abreuver d'ennui. Cet ennui que vient justement chambouler Gabriel : « Depuis qu'il est ici, il a rouvert des portes que nous croyions fermées. Il n'y est pour rien. On aurait presque pensé que nous l'attendions », confie la femme d'Albert – Suzanne – à son mari. C'est un couple sans enfants qui se parle alors, songeant à ce jeune homme qu'ils aimeraient tout de même bien voir rester dans leur hôtel pour le choyer, tel un lot de consolation de n'avoir pas eu de progéniture. Tandis que Gabriel a une fille et c'est la raison de sa présence à Tigreville où elle réside, dans un pensionnat.

La dernière phrase lue, on se rend encore compte qu'Un singe en hiver est une implacable histoire désespérée, qui fait crier à Albert, sur un quai, à l'attention de Gabriel : « Tu reviendras, dis, tu reviendras !... », faisant écho au « Tu viendras à la maison ? » de la petite Marie à l'attention de son père, une fois tous deux revenus à Paris. Rien n'est sûr, tout est fragile comme la vie, qui s'en va inexorablement vers l'hiver…







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Avoir entre les mains la superbe édition illustrée avec des images du film éponyme d'Henri Verneuil (1962) était assurément un plus. Je recommande l'édition collector paru aux éditions La Table Ronde, à l'occasion du centenaire de la naissance d'Antoine Blondin (1922-1991), elle est superbe.
Une dizaine d'année après la seconde guerre mondiale, dans le petit village de Tigreville en Normandie, Albert Quentin tient avec sa femme Suzanne un petit hôtel propret, il est encore très marqué par ses années comme fusilier marin en Extrême Orient. Quentin a renoncé à la boisson le jour du débarquement où sa femme et lui on eut la vit sauve malgré les bombes. Ils voient arriver un beau jour Gabriel Fouquet qui prend pension dans le but inavoué de renouer avec sa fille Marie. Rapidement il reconnaît chez Fouquet le démon de l'alcool que lui même tente toujours d'éloigner à coups de bonbons.
Un récit touchant car l'on s'attache aux personnages, à leur histoire, aux états d'âmes qui sont en fait le miroir de tout à chacun. Deux générations s'entrechoquent entre la flamboyance de Quentin, râleur et provocateur et celle de Fouquet qui apparaît comme désenchanté et malheureux. Puis à l'occasion d'une cuite mémorable, le récit s'enhardit avec l'ivresse des deux hommes pour les faire voyager l'un en Chine l'autre en Espagne.
Un livre qui nous parle d'une autre époque, qui forcément date un peu mais en ce qui me concerne , cela lui donne tout son charme. Une plume qui révèle les blessures des uns et des autres avec une sensibilité et une clairvoyance douloureuse. En fait je n'ai pas retrouver la même ambiance dans le livre que celle du film qui est plus festive avec son feu d'artifice final. Pour autant je suis ravie d'avoir pu découvrir cet auteur qui sait être drôle autant que profond. Bonne lecture.
Lien : http://latelierdelitote.cana..
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Un livre un peu mystérieux dont l'écriture subtile et précise nous emporte dans une ville près de l'océan à la rencontre de deux âmes, deux hommes qui vont se reconnaître durant quelques jours intenses de leur vie. Lorsque nous connaissons l'adaptation au cinéma nous mettons des visages aux deux anti-héros et la lecture en devient autre. Les pérégrinations dans la ville, les descriptions des magasins et des articles vendus nous emmènent en des temps maintenant peut-être révolus, celui de la parole donnée, de la grande amitié et de l'enfance retrouvée, celles enfouies de Quentin et de Fouquet.
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Blondin, c'est une plume.
L'assurance de l'émerveillement, une lecture qui laisse baba tant les bons mots, les phrases qu'on pourraient qualifier de punchline se multiplient. Mais ce serait réducteur tant tout fait sens, tant le style ne se limite justement pas à étirer les mirettes, ne se contente pas de faire sourire. le phrasé est toujours accompagné d'une image, il renvoie, il signifie.
Ce style justement, inimitable sert un ton, si particulier, un soupçon tragi-comique, une lecture qui touche énormément.

Ps: le film est tout autant à conseiller que le roman.
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Pourquoi lit-on un roman dont on a vu au moins trois fois l'adaptation d'Henri Verneuil au cinéma ? Les personnages ont forcément la tête des acteurs, Gabin, Belmondo, y compris Noël Roquevert, le marchand de fusée et Suzanne, c'est bien Suzanne Flon, et on les retrouve avec sympathie, parce qu'on les aime bien ces gens de Tigreville (Villerville de fait). Et puis la curiosité, comment Blondin a-t-il développé son histoire, est-ce le film qui porte le livre ? Aurait-on apprécié le roman sans le film ? Il est certain que certains passages du livre ne sont pas formulés au cinéma.

On ne répondra pas formellement à tout cela, mais quoi qu'il en soit, il arrive que le livre et le film nous aillent comme un gant.
Lien : https://christianwery.blogsp..
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Un livre que j'affectionne tout particulièrement, oeuvre d'un écrivain que je vénère absolument. Une histoire portée à l'écran avec le talent que l'on sait, mais qu'il est bon de lire et de relire tant la plume de Blondin est humaine, chaleureuse, aérienne et abyssale à tour de rôle.
Antoine Blondin, c'était un écrivain de talent, qui maniait le beau langage aussi bien que l'argot. Un journaliste sportif qui a fait du Tour de France une saga mémorable dans les colonnes de l'Équipe.
Et un ivrogne.
Tout ça mélangé, ça donne des histoires de coin de bar, des histoires de gens, de braves types et de pauvres mecs, des histoires d'amitiés improbables et de blessures secrètes.
La vie, la vraie. Celle de Fouquet qui vient rechercher sa petite fille en Normandie, celle de Quentin qui porte le deuil de l'Asie, celle des femmes qui essaient de se frayer une route à travers tout ça.
Et cette vie survit à tout. Aux années, aux crises, à la morne réalité de nos jours modernes.
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