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Critique de clesbibliofeel


Quand j'ai entrepris de tenir ce blog littéraire, je savais que j'allais parler à un moment ou un autre de Christian Bobin. J'ai relu « La lumière du monde », un livre que j'apprécie particulièrement pour son magnifique titre – contrastant avec l'obscurité qui semble gagner du terrain actuellement – et pour ce qu'il dit de ce poète et ce grand écrivain. Loin d'être un auteur mièvre, reproche qui lui est adressé parfois, il m'apparaît être parvenu au fil des ans au sommet de la littérature.

Il s'agit de paroles recueillies par Lydie Dattas. Les questions ont été effacées, il ne reste que des textes superbes sur son enfance, ses croyances, ses lectures, les artistes qui l'ont construits ou qu'il a appris à rejeter, son amour de la nature, de la vie. Il nous présente ici la beauté du monde et une méthode pour savoir la découvrir. J'y ai vu la plupart du temps de magnifiques poèmes en prose dévoilant le génie singulier de l'auteur.

Il est beaucoup question de littérature et l'auteur ne se gêne pas pour donner ses préférences :
Dans ces braconniers qui traquent le réel pour le lecteur, littérature qu'il affectionne, il place André Dhôtel, Arthur Rimbaud, Fiodor Dostoïevski, Emil Cioran.
Marcel Proust, avec son oeuvre « A la recherche du temps perdu », fait partie de la deuxième catégorie – des auteurs fabriquant leur statue – ainsi que Louis-Ferdinand Céline et son célèbre « Voyage au bout de la nuit », même si ce livre l'a « un peu épaté ». Gustave Flaubert n'est pas épargné... Si c'est cela un auteur mièvre... On peut ne pas partager ses opinions mais l'angle de réflexion est intéressant et aide à penser.

Je dois à la lecture de ce livre d'avoir découvert André Dhôtel, qu'il cite abondamment, devenu un de mes auteurs essentiels que j'aime retrouver régulièrement.

Ce qu'il cherche par l'écriture c'est approcher l'humain : « Un vrai livre, c'est toujours quelqu'un qui entre dans notre solitude ». Approcher et rapprocher comme la religion qu'il prône, assez personnelle, illuminée de lumière, Dieu et Christ semblant une allégorie de l'amour, de la beauté de la nature, recherchés chaque jour et martyrisés trop souvent. La divinité catholique, dans les mots de Bobin, n'est guère plus, ou est un absolu bienfaisant comme les elfes, les esprits présents dans d'autres cultures et censés veiller sur le monde. A chacun sa foi ou son type d'athéisme, ce n'est surtout pas un auteur prosélyte.

Il s'agit aussi d'un petit essai philosophique, proche dans la forme, des Pensées de Pascal. Même si l'auteur se défend de vouloir expliquer le monde, il le fait à sa manière de poète. La pensée qui se déploie est attachante, les valeurs fortes et tout à fait actuelles, notamment par rapport à la place de l'homme vis-à-vis des autres, dans le respect des différences, et vis à vis de la nature. Il est question aussi de la quête du bonheur et de la place au monde, dans la filiation pour moi du chef d'oeuvre d'André Gide : « Les nourritures terrestres ».

Christian Bobin assume et cultive sa différence : « Les autres enfants s'accommodaient de la surface des choses avec une gaieté brutale. Moi, les groupes m'attristaient : je les ai toujours redoutés. » Il y a dans ces textes, dans cette passion d'écrire, un formidable besoin d'être aimé : « aimer quelqu'un c'est le lire »…

La nature est le moteur alimentant la phrase du poète qui continue à la voir à hauteur d'enfant. La musique a également une place essentielle dans cette oeuvre et participe à sa sérénité. La musique des mots s'accorde parfaitement à la musique tout court. Celle de Bach trône en toute première place. C'est beau quand les mots peuvent jouer du Bach, ce qu'il parvient à réaliser bien souvent : « Bach, c'est le sommet de l'attention qu'on peut porte aux choses, c'est une musique attentive à tout. » « Elle tourne autour d'un centre qu'on atteindra jamais. »

Cela fait du bien d'entrer dans l'univers et la solitude de Christian Bobin, paradoxalement c'est une présence au monde augmentée, une présence aux autres renouvelée. Ce livre contient de multiples pépites de mots et de phrases admirables. J'approuve totalement quand il affirme que le malheur est une chose littéraire très bien portée et que certaines oeuvres soi-disant rebelles ajouter au chaos du monde et n'aident personne.

L'oeuvre de l'auteur compte déjà quelques soixante-cinq titres. Et si la véritable religion, le sacerdoce de Christian Bobin était l'écriture ?
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A retrouver sur mon blog Bibliofeel avec une illustration sonore et deux photos personnelles. A bientôt !
Lien : https://clesbibliofeel.blog
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