Citations sur Griots célestes, tome 2 : Le Dragon aux plumes de sang (20)
"Et je crois déceler dans les propos de mes confrères cette tentation permanente de proclamer la supériorité de l'être humain sur toutes les autres formes de vie. Le problème de l'homme, problème qui ne se pose pas souvent chez les autres espèces, est qu'il marque une tendance presque systématique, j'allais dire hystérique, à s'ériger en tant que modèle, à se choisir comme sa propre référence, à se considérer comme le centre de la création.
Cet "humano-centrisme" a de nombreuses conséquences : il donne aux hommes le droit de regarder les autres espèces comme des formes de vie inférieures, de conquérir leurs territoires, de les asservir, de les détruire au besoin, mais plus encore, il entraîne les hommes à s'entre-tuer les uns les autres, parce que , finalement, chaque homme, chaque femme est une entité étrangère aux yeux de ses semblables. Il s'agit donc d'un égocentrisme dans le sens littéral du terme, d'une identification au monde extérieur par le biais d'une perception individuelle, isolée. a ce titre, nous pouvons dire que la religion, censée "relier" selon son étymologie, crée en réalité de nouvelles divisions en imposant au grand nombre un modèle de vision subjective. Souvent d'ailleurs, il est intéressant de constater que cette vision partielle n'est pas le fait du fondateur, du prophète, de l'homme dont la parole libère et relie, mais de l'interprète, du disciple, de celui qui, ne ressentant pas, éprouve le besoin névrotique d'imposer, de convertir, de soumetttre. La moindre étude sérieuse sur le phénomène religieux aboutirait au même résultat : une religion dont l'essence est perdue - et son essence est perdue à partir du moment où le jugement partiel, le pouvoir supplantent l'expérience, la libération, l'extase, à partir du moment où les docteurs de la loi, les prêtres, les exégètes et tous les autres oiseaux de proie se disputent la dépouille religieuse - aboutit à tout coup à une séparation dont les expressions les plus navrantes sont la guerre, la torture, l'emprisonnement et l'exil. La revendication du territoire sacré, l'émanation et l'omnipotence d'un clergé, le sentiment d'appartenance à une élite, le rejet de l'autre, l'exploitation d'une partie de la populatiion- ce sont souvent les plus faibles physiquement qui subissent les plus grandes violences -, le fanatisme sont les conséquences inéluctables de toute religion instituée. Il semble que les hommes aient un peu de mal à considérer qu'il y ait d'autres formes de vie et de pensée à l'intérieur de leur espèce. Alors quand il s'agit d'une autre espèce..."
Le dragon apparaît à chaque fois que nous établissons une distance entre l'être et le possible, entre le réel et l'idéal. Il nous traquera jusqu'à ce que nous nous regardions avec les yeux de l'amour.
(chap. XXVI)
Les mythes, autant que les lois, sont les indispensables fondements des sociétés humaines.
(chap. XI)
Le désir est un tyran exigeant : il te tourmente jusqu'à ce que tu lui donnes son dû, et jamais il n'est satisfait.
(chap. I)
Seke écouta quelques instants la forme du vieil homme.
Quand les hommes auront cessé de se croire perchés au sommet de la hiérarchie, quand ils auront recouvré leur humilité, quand ils auront appris à ne pas se fier qu'à leurs sens, quand ils auront perçu la nature vibratoire de la Création, alors ils cesseront de commettre des erreurs tragiques pour l'équilibre de leurs mondes, plus encore, j'en suis fermement convaincue, pour l'équilibre de l’univers.
Depuis qu'il vivait en compagnie des hommes, le bruit et le malheur le poursuivaient comme une maladie, comme une souillure.
Il n'était qu'un griot, une ombre, il glissait sur la matière sans jamais l’imprégner, dans la solitude infinie des errants.
Il semble que les hommes aient un peu de mal à considérer qu'il y ait d'autres formes de vie et de pensée à l’intérieur de leur espèce. Alors, quand il s'agit d'une autre espèce...
- Nous n’existons que par le chant, répondit Marmat d’une voix douce. Le reste n’a aucune importance, ni ce que vous croyez, ni ce que vous dîtes.