Au croisement de la littérature feel good et de la littérature cozy, nous faisons la connaissance de Marthe, vieille dame obèse qui se demande, un peu tard, comment passer à la postérité.
Attachante autant que grincheuse, drôle autant que cynique Marthe nous réjouit par son regard caustique et ses expressions décalées. Elle est entourée d'une belle brochette de compagnons bienveillants comme le concierge qui photographie des mains, le libraire fan de littérature nippone qui s'est rebaptisé Ahmed-san, sa femme de ménage aux mystérieuses expression bretonnes ou le chat Sakap, le seul de cette bande à partager son appétit illimité pour les douceurs.
Cozy parce qu'on se sent en sécurité à chaque instant du roman, l'univers de Marthe est bien balisé, ses angoisses existentielles se déploient dans un contexte totalement sécurisé. Feel good, pour les mêmes raisons plus ce petit soupçon de bienveillance du destin qui provoque les bonnes rencontres.
L'humour et le second degré sont omniprésents, et chaque page nous réserve son lot de petites perles comiques sous forme d'expressions détournées, de petites mesquineries lancées avec désinvolture, de répliques douces amères.
C'est donc une petite sucrerie que ce roman, et telle Marthe au salon de thé, le lecteur tourne les pages comme si on lui servait une bonne brioche, un Paris-Brest, un cake débordant de fruits confits, une crème fouettée.
Pas de meurtre sordide, pas de fantasmes plus pervers que de se resservir un gâteau avec une petite pensée coupable pour les réprimandes inévitables du médecin traitant, pas de suspense plus insoutenable que de savoir quel livre le chat va renverser en courant dans la librairie. Tout l'art est de maintenir l'équilibre au long des pages sur le fil ténu du je-ne-sais-quoi et du presque-rien comme le dirait
Jankélevitch.
Une belle histoire qui nous rappelle qu'heureusement nos vies ressemblent plus souvent à une sortie au salon de thé qu'à un polar, que nous ne savons pas reconnaitre l'amour dont nous sommes entourés et que même au coeur du quotidien, la question du sens, et de la reconnaissance se pose avec acuité.