Je n'ai pas attendu aujourd'hui pour lire La quête d'Ewilan. J'avais déjà lu la saga il y a plus de dix ans et j'avais le souvenir d'avoir bien aimé, sans pouvoir me remémorer un quelconque passage.
Pierre Bottero est également un auteur dont j'ai lu de nombreuses oeuvres, que j'ai toutes appréciées différemment. Je dirais même qu'il s'agit d'un des auteurs incontournables de la littérature jeunesse. Depuis plusieurs années, j'avais eu envie de racheter la trilogie pour pouvoir la voir dans ma bibliothèque mais ce n'est que lorsque j'ai connu la nouvelle édition de Rageot et que j'ai vu leurs sublimes couvertures, je me suis lancée dans l'achat. Ce qui me plaît dans ces couvertures est, outre le style graphique, le fait que les deux mondes sont bien présentés, l'un à droite et l'autre à gauche dans l'arrière-plan. Ewilan, la jeune fille sur la couverture, est fidèle à sa description dans le roman et un brin de mystère émane de la pierre qu'elle tient dans sa main.
Le début du roman peut déstabiliser car un début plus in medias res que celui-ci n'est pas possible. Il n'y a pas de situation initiale, ou alors elle fait à peine quelques lignes. Dès la première page, l'élément perturbateur de l'histoire a lieu et Camille se retrouve dans un deuxième monde. Ainsi, nous nous retrouvons plongés dans un nouvel univers dont nous ne connaissons rien, à l'instar de la protagoniste, mais contrairement à elle, nous n'avons pas non plus beaucoup d'informations à propos d'elle. Cela provoque un sentiment d'incompréhension (à prendre dans le bon sens car nous ressentons alors très bien les émotions de Camille) de la part du lecteur. Les péripéties s'enchaînent ensuite à toute vitesse, nous rencontrons plusieurs personnages comme le chevalier, la Ts'lish, Salim puis Edwin. Les événements vont vite et sont très peu développés. Par exemple, encore au début lorsque Camille est à l'école et qu'elle dessine par la pensée sur le tableau de l'instructrice, cet événement plus qu'insolite est vite balayé pour passer à autre chose. C'est ce manque de développement général que je déplore dans ce roman, qui fait à peine 300 pages alors qu'il aurait pu facilement faire cent de plus avec davantage de description.
Dès le début, ou dès le moment où Camille apprend qu'elle doit retrouver son frère, je me suis doutée de la fin. le titre de la saga étant La quête d'Ewilan et non La quête du frère d'Ewilan, il est très facile d'imaginer comment cette quête du frère biologique disparu va se terminer. Et c'est vraiment dommage car j'ai eu l'impression de lire un tome d'introduction, voire pire un tome poubelle qui ne servira à rien pour la suite de la trilogie. J'ai également eu l'impression que le monde est très petit car comme par hasard, les protagonistes rencontrent certains personnages plusieurs fois à plusieurs endroits différents et ces derniers acceptent volontiers la quête de Camille sans savoir dans quoi ils s'engagent et sans avoir autre chose à faire de leurs journées. Je ne dis pas que ça a créé des incohérences, mais c'est vraiment dommage de ne pas avoir mis en scène plus de personnages peu importants pour avoir plus d'occasion de développer l'univers.
De façon générale, il n'y a aucune difficulté pour les protagonistes dans toute l'intrigue. Tout leur réussit, même à Camille qui connaît à peine le monde dans lequel elle vient d'entrer et les créatures qui le peuplent et qui, du haut de ses 12 ans et sans entraînement, surpasse les meilleurs dessinateurs de l'autre monde. Si Camille est si puissante, j'ai du mal à comprendre pourquoi il faut trois tomes pour déjouer les plans du peuple ennemi. Camille n'a eu aucune difficulté durant tout le roman. À chaque péripétie, elle s'en sortait très facilement et n'a fait face à aucun dilemme ou sacrifice. Elle a une intuition hors du commun qui lui permet de se sortir des traquenards ou des attaques surprises. Pour un très jeune lectorat, je conçois que ce ne soit pas gênant mais au delà, je pense que le lecteur peut avoir beaucoup de mal à accrocher à l'histoire.
Comme dans toute low fantasy, deux mondes sont introduits, l'un après l'autre. le premier est réaliste et correspond à notre monde à nous et le deuxième à un monde où la magie existe. Ainsi, pour le monde banal où Camille et Salim ont vécu toute leur vie, celui-ci s'inscrit dans les années 2000, dans une ville française. Tout est normal, il y a des quartiers riches et des quartiers pauvres, un collège… Les inégalités sociales et le racisme sont évoqués sans pour autant être importants. La ville de Paris est également le lieu de quelques péripéties, mais comme dans tout le roman, il manque cruellement de descriptions des lieux.
Ce manque d'informations est aussi présent lorsque les personnages sont dans le monde parallèle, à Gwendalavir. La petite troupe de cinq personnages (et deux supplémentaires mais qui n'ont aucune utilité) traverse le pays et nous avons juste mention d'une forêt, d'un champ et d'un lac. Alors que le monde normal est celui de notre époque contemporaine, le monde magique s'inscrit dans un univers médiéval. Je trouve que ce choix montre que l'auteur ne s'est pas foulé dans l'imagination d'un nouveau monde. Il n'y a aucune raison particulière pour que les deux univers parallèles ne se soient pas développés à la même vitesse et j'ai personnellement trouvé que ça manquait de logique.
En revanche, la magie utilisée dans l'univers de la quête d'Ewilan est une magie que je trouve très originale et intéressante à développer. Elle se traduit par la création d'objets ou de situations qui ont pour origine l'imagination du créateur. Ces objets ou situations se réalisent ensuite dans la réalité, selon le talent psychique de dessinateur du créateur. Peu de personnages ont les capacités de dessiner et je pense que cette magie est une des meilleures idées apportées par cette saga. Son fonctionnement est même expliqué, ainsi que la raison pour laquelle tout le monde ne peut pas l'utiliser : il faut avoir des capacités développées dans trois domaines, la volonté, l'imagination et le pouvoir, et suffisamment équilibré pour réussir à exploiter son dessin.
Les protagonistes, faisant partie de la petite compagnie d'Ewilan et relativement pensé à la communauté de l'anneau dans
le Seigneur des Anneaux de J. R. R.
Tolkien, sont au nombre de six : la dessinatrice Ewilan Gil'Sayan (ou Camille pour les humains), son ami humain Salim Condo, un mentor légendaire et surdoué dans son domaine Edwin Til'Illan, un deuxième mentor mais cette fois-ci spécialisé dans le domaine de la magie Duom Nil'Erg, un chevalier tout en muscle Bjorn Wil'Wayard, et enfin une femme solitaire Ellana Caldin. Chacun de ces personnages peuvent être caractérisés par un mot ou une fonction qui détermine son évolution dans le roman. Ils sont tous très stéréotypés et rendent le récit prévisible. Ils n'ont pas de volonté propre et ça se ressent trop dans le roman. Par exemple, Bjorn est un chevalier qui gagne sa vie grâce à ses exploits au combat et sans avoir de réelles raisons, il va suivre Camille, une enfant de douze ans qui prétend qu'elle va devoir sauver le monde. Les personnages n'ont qu'une fonction et dès qu'ils ont rempli leur mission (comme Duom qui a appris à Camille comment fonctionnait la magie du dessin), ils deviennent inutiles et leur présence lourde.
En ce qui concerne les relations entre les personnages, celles-ci sont toutes neutres (excepté entre Camille et Salim puisqu'ils sont amis d'école depuis longtemps). Peu d'émotions s'échangent entre eux et mettent encore plus en valeur la seule fonction des personnages. Heureusement que la romance possible entre Salim et Camille n'est pas poussée au point de devenir une intrigue secondaire, car étant donné que les deux personnages se connaissent depuis plusieurs années, ça n'aurait aucun sens qu'ils se rendent soudainement compte qu'ils sont attirés l'un l'autre lorsqu'ils arrivent dans un autre monde.
Ce que je regrette personnellement est qu'Ellana n'est pas un personnage présenté de façon importante dans le roman. Elle n'arrive qu'à la fin et n'a le droit qu'à quelques scènes où elle n'est pas mise en valeur. C'est pour cette raison que je trouve étonnant qu'elle ait sa place dans la compagnie (bien que ses compétences soient particulièrement intéressantes !). de la même manière, les antagonistes sont mis à l'arrière-plan. Les protagonistes font face à des mercenaires mais jamais aux antagonistes directs du récit, qui n'ont pas d'identités claires. Ils sont seulement évoqués mais pas développés. J'espère que ce seront deux points (Ellana et les antagonistes) qui seront enrichis dans la suite de la saga.
J'ai lu beaucoup de romans de
Pierre Bottero et j'en gardais un souvenir positif, avec des traces d'humour de temps en temps et une certaine fluidité. Cependant, mes lectures remontaient d'une dizaine d'années et lorsque j'ai lu ce premier tome de la quête d'Ewilan, j'ai été particulièrement déçue car je m'attendais à une écriture plus travaillée. Dans ce roman, le style est plus que simple, très banal, et il ne met pas en valeur les points positifs du récit, ce qui est dommage.
Aussi, de manière générale, je m'attendais également à une lecture bien plus intéressante vu les souvenirs que j'en avais et les nombreuses critiques qui ont été faites sur l'écriture de
Pierre Bottero et sur ses oeuvres en général. J'avais une image de cet auteur élogieuse, mais pendant ma lecture, je me suis surprise à me demander pourquoi cette saga avait fonctionné. le public jeunesse est évident mais malgré tout, je ne parviens pas à en dégager du charme.
Un glossaire est présent à la fin du livre, et je suis surprise de ne pas en avoir eu besoin. Je comprends que pour un lectorat plus jeune, il peut être nécessaire de rappeler les noms compliqués des personnages mais ce glossaire donne davantage l'impression de vouloir développer un univers avec des lieux et des personnages et de donner de l'importance à des détails qui n'en valent pas la peine. Si le lecteur croise un personnage nommé, aussi secondaire soit-il, il le retrouvera dans le glossaire, comme s'il avait une importance dans le récit alors qu'il n'est qu'un figurant.
Points positifs :
– magie originale et intéressante
– univers avec du potentiel
Points négatifs :
– personnages très stéréotypés
– intrigue bien trop simpliste
Lien :
https://comptoir-des-connais..