PROLOGUE
Que tout se concentre, s'unisse,
Que tout se répercute en toi ;
Que tout à ton être aboutisse,
Poète, en extase, en émoi ;
Qu'il n'y ait pas un seul atome
Qui ne se trouve réfléchi
Par ton âme ; pas un seul baume
Dont les champs ne t'aient rafraîchi.
Que le grand essor de la brise
Au ciel, ou sa mort sur le pré,
Tantôt de sa force te brise
Et tantôt te laisse enivré.
Que toutes les ondes des roses
Passent, repassent dans ton coeur.
Sois l'abri des métempsycoses,
Du grain, du bois et de la fleur...
Par tous tes sens touche le monde,
Surprends ses lois et leur secret.
Chaque jour, sois l'urne profonde
Où tout se transforme et renaît.
Poète, alors tu seras digne
D'entendre la langue des Dieux,
D'obéir à leur moindre signe,
De capter leurs mots radieux ;
D'être la lyre dont Éole
Tire les chants les plus divers ;
De saisir sous leur grand symbole
Les beaux aspects de l'Univers ;
De monter, en foulant sans trêve
L'espace d'un agile orteil,
Et d'atteindre à l'assaut le rêve
Par des échelons de soleil.