L'Arrache-mots

J'ai découvert ce livre dans le cadre d'un projet de lecture avec des élèves où ils ont la chance (enfin…) de découvrir des livres récemment sortis et d'élire celui qu'ils ont préféré.

Dans la sélection de 4, j'ai directement mis celui-ci de côté, le gardant pour la fin, pour finir en beauté. Et j'ai été terriblement déçue...

Le plaisir impatient de lire ce livre, nourri par le titre, par le résumé, par la couverture à l'illustration colorée et intrigante, par les motifs de décoration de page rappelant des enluminures… a vite été douché par le texte, par l'histoire, par le style.

C'est l'histoire d'une fille qui a un don merveilleux : celui de faire vivre les mots, les histoires qu'elle lit ! Qui n'a jamais rêvé de cela ? Elle reçoit une demande en mariage anonyme d'un homme dont elle ne sait qu'une seule chose : il est membre de la famille royale. Elle va se rendre à la capitale pour en savoir plus, pour le rencontrer, pour décider de si elle l'épouse ou pas… et découvre des complots, des manigances et des mystères.

Ça vend du rêve !

Premier reproche : l'impression qu'elle a pompé dans d'autres romans de jeunesse. Entre les tables de banquet qui sont chargées de victuailles par "magie", elles « devaient être servies par les commis à l'étage inférieur et remontées » ensuite, comme dans Harry Potter ; le personnage principal qui serait la seule dont on ne parvient pas à lire les pensées, ce qui intrigue et attire le personnage principal masculin, comme dans Twilight ; et la description du personnage principal (rousse myope maladroite), son voyage à la capitale pour un mariage arrangé (et le nom du lieu…), la description de son promis (grand mince, menaçant, sombre, presque laid, cicatrice au visage, rôle clef dans l'administration, peu apprécié des gens) comme dans La Passe-Miroir… m'a tout de suite mise dans de mauvaises dispositions.

Deuxième reproche : l'étalage inutile de connaissances dans les notes de bas de page. Chaque fois que le personnage principal lit un livre, compulse un ouvrage – et c'est souvent (bibliophage qu'elle est) – l'auteur sent le besoin de nous mettre une note de bas de page dans laquelle elle nous précise TOUT ! le nom de l'auteur, ses dates de naissance et de mort, la date de parution de l'ouvrage, le mouvement littéraire dans lequel il était… sans nous préciser les éléments importants comme, par exemple, ce dont parle le livre, quand ce serait l'information pertinente attendue ; ou au contraire en le répétant alors qu'elle le dit dans le texte-même.

Troisième reproche : il y a du merveilleux… trop de merveilleux. Tout est merveilleux. Les personnages ont tous des pouvoirs, les robes sont magiques les lieux sont magiques, le décor est magique, la vaisselle est magique, les robes sont magiques, les bouquets de fleurs sont magiques aussi… bref, à mettre de la magie partout, rien en ressort et tout semble trop.

Quatrième reproche : la cohérence. le personnage principal aime les livres, adore les livres. Elle reproche à un autre d'en avoir arraché une page… et quelques pages plus loin, elle fait la même chose… et l'histoire se conclut avec elle, jetant un livre à la mer !
Alors oui, la symbolique est belle : se libérer de l'emprise que les livres avaient sur elle et se tourner vers les autres, vers la vie… mais quand même ! Elle est bibliothécaire ! Elle aurait pu faire quantité d'autres choses avec ce pauvre livre !
Certains passages sonnent absurdes. Elle entre silencieusement dans une maison blottie au coeur de la forêt, en n'entend rien, les lucioles tamisent de leurs délicates lueurs le mystère des lieux, elle entre dans la maison… et « hurle » le nom de celui qu'elle cherche. Hurle ?
Arrivée à la cour, elle n'en connait pas les usages, elle a peur de faire un impair. « Je suis entrée dans un univers dont je ne maîtrise par les codes. J'essaie comme je peux de donner le change et je commets un nombre incalculable de bourdes. Hier, par exemple, lors d'une partie de croquet dans les jardins suspendus, j'ai lancé un coup de maillet dans le tibia de mon coéquipier » (p.83) … heuuu… mais ça c'est une bourde partout ! Partout !
Elle est à la cour depuis quelques temps, veut préparer au calme une lecture (ok), décide de la faire dans un jardin public peu visité (ok…), s'y met à l'aise (d'accord…) retire ce qui maintient sa coiffure en place (ça se tient), ses chaussures (d'accord), sa robe (heuuuu…) et reste en chemise (…). du coup, SURPRISE (ou pas), le choc quand elle est découverte par un étranger (…).
Et c'est sans compter ses réactions qui sont parfois vraiment bêtes.

Cinquième reproche : les noms et la quantité de personnages. le personnage principal s'appelle Iliade LIVRANI. Livre-ani ? L'ex désagréable s'appelle Hélinant de VRAINCOEUR (vain coeur).
C'est de l'ordre du détail, mais l'état d'esprit dans lequel la lecture m'a mise rendait ce genre de détail crispants…

Donc voilà… une découverte décevante.

C'est l'histoire d'une jeune fille qui donne vie au livre qu'elle lit à voix haute. Non, il ne s'agit pas de "Coeur d'encre" de Cornelia Funke, car il n'y a aucun inconvénient à ce pouvoir qui ne crée que des illusions temporaires. Cette jeune fille modeste et intelligente a l'occasion de faire un mariage qui permettra d'assurer l'avenir de ses soeurs. Mais son prétendant est un homme austère et hautain et la jeune fille se refuse à l'épouser. Non il ne s'agit pas d'"Orgueil et préjugés" de Jane Austen. L'homme est aussi défiguré et incompris alors qu'il travaille pour le bien du peuple (et ce n'est qu'un des aspects qui rappelle "La Passe-Miroir" de Christelle Dabos).
Au fil des rares rencontres avec cet homme riche et titré, l'héroïne en tombe amoureuse et par sa bonté brise la carapace de ce beau ténébreux (ce qui est la trame de très nombreux romans d'amour...)
Pour compléter le tout, le fiancé possède un pouvoir qui ne fonctionne pas sur la jeune fille ("Twilight" de Stephanie Meyer…).
Donc, beaucoup de clichés qui ne sont pas sauvés par les nombreuses références littéraires. Au contraire, ces dernières passent mal car comment Hugo, Racine ou Baudelaire peuvent-ils être connus dans un monde imaginaire où les cerfs ont des ailes ?
Grosse déception avec cette lecture. Un jeune public (12-13 ans) qui aura moins de références littéraires ou qui interprétera les similitudes comme des hommages (les cuisines sont en dessous de la salle de réception pour faciliter l'apparition de la nourriture sur les tables… comme dans Harry Potter) appréciera sans doute plus ce roman.

J'ai lu ce livre par curiosité parce que je suis fan de la passe-miroir et que j'avais envie de retrouver un peu de la saga de Christelle Dabos. Mais je suis restée sur ma faim. Il y a effectivement des parallèles mais on n'est pas du tout sur le même niveau de profondeur, de complexité, d'intrigue, de développement des personnages ou de l'histoire d'amour. Ici tout est simple, superficiel, rapide. Alors oui c'est joli, c'est poétique, il y a beaucoup de références à la littérature classique: c'est de la pédagogie à ce stade: une bonne chose et une mauvaise chose à la fois. Alors je me dit que je ne suis peut-être pas le public cible de ce roman, qui s'adresse peut-être à des pré-adolescents...

Ce livre avait été chaudement recommandé par beaucoup de booktubers donc je me suis laissée tenter... les personnages et le décor font fortement penser à la passe-miroir cependant on entr'aperçoit un volet un peu plus politique et une réflexion sur la monarchie. C'était à mon avis le pont interessant à développer. Mais finalement on se retrouve avec une romance plutôt fade et sans surprise. Pour moi une grosse déception. Ce n'est pas du roman adulte, ni du young adulte. Au mieux un roman jeunesse...