Ce premier roman est original, complètement déjanté. On tutoie l'absurde. C'est une très jolie façon de parler de la maladie mentale. Les héros ne prennent rien au sérieux et préfèrent ne pas voir.
Comment concilier la vie normale, la scolarité, la rencontre avec l'institutrice, l'apprentissage, car la société a des règles qu'il faut respecter, comme ouvrir son courrier, payer ses impôts, travailler… alors, parfois, notre petite famille fuit dans son « château en Espagne »…
On est dans la fête, la légèreté mais la tristesse n'est pas si loin, personne n'est dupe et ce qui était joie de vivre, plaisir va sombrer peu à peu dans la noirceur, au rythme de la voix magnifique de
Nina Simone qui mêle aussi un rythme léger et des accents plus sombres. "Maman me racontait souvent l'histoire de Mister Bojangles. Son histoire était comme sa musique : belle, dansante et mélancolique. C'est pour ça que mes parents aimaient les slows avec Monsieur Bojangles, c'était une musique pour les sentiments". P 24
Cela m'a rappelé des souvenirs, la découverte de
Boris Vian avec «
L'écume des jours » il y a très longtemps, où les deux héros valsaient aussi avec leur amour fou et la mystérieuse maladie de Chloé avec ce nénuphar qui envahissait ses poumons comme la folie envahit le mental ici.…
Au fur et à mesure que l'on progresse dans la lecture, le besoin d'écouter la chanson se fait de plus en plus présent, et l'intensité monte. ♫ ♪ ♫♪
J'ai bien aimé la construction du récit qui se fait à deux voix lui-aussi : Georges qui raconte dans son carnet tous les évènements avec lucidité et l'enfant qui raconte ses souvenirs avec ses mots d'enfant, décrit très bien le côté labile de la maladie quand elle passe du rire aux larmes, de l'agitation à la mélancolie. "Le problème, c'est qu'elle perdait complètement la tête. Bien-sûr, la partie visible restait sur ses épaules, mais le reste, on ne savait pas où il allait. La voix de mon père n'était plus un calmant suffisant". P 67
Ce couple est surprenant, fusionnel. le père est conscient des problèmes, assez lucide, alors que l'enfant pense qu'elle joue un rôle. Parfois, on a l'impression que ces deux récits qui s'entrecroisent épousent le même rythme que les troubles bipolaires eux-mêmes. Même si on rit, même si on danse avec eux, on se demande jusqu'où peut mener un amour aussi fou.
J'ai aimé ce lent basculement vers la folie décrit avec pudeur, cette fuite vers l'inexorable, le dramatique. Mais il y a un bémol : je n'aime pas la fin que je ne dévoilerai pas car elle m'a heurtée, j'ai trouvé que cela allait trop loin et une question se pose: quelle est la place de l'enfant dans ce couple fusionnel ?
Donc, une belle histoire, déjantée à souhait, mais dérangeante (à souhait également), car on passe du rire aux larmes, et l'atmosphère s'alourdit. C'est une façon particulière d'aborder la maladie mentale et comme avec
Boris Vian, cela se veut léger mais ne l'est pas tant que cela. Pour un premier roman, c'est réussi et on attend le suivant...
Note : 8/10
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