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EAN : 9782908652871
304 pages
Michel Lafon (01/01/1993)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Le huit juillet 1973, à quatre heures du matin, les trois frères Bourequat, hommes d'affaires de nationalité française mais proches de Hassan II, sont kidnappés à leur domicile de Rabat par les services secrets marocains. On ne les reverra pas pendant dix-huit ans...
Dix-huit ans de solitude. D'abord les tortures d'un raffinement moyenâgeux, puis le transfert au sinistre bagne de Tazmamart, où ils quittent le monde des vivants. Là, dans le noir absolu d'une c... >Voir plus
Que lire après Dix-huit ans de solitude : TazmamartVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je viens de terminer la lecture de ce dramatique témoignage et j'en ressors totalement émue et chamboulée.
D'ailleurs, je tiens à m'excuser pour la longueur de cette chronique, mais il y a tellement de choses à dire sur ce livre !

Cela faisait un petit moment qu'il était dans ma bibliothèque, mais je le redoutais un peu à cause de son thème douloureux.
Ali-Auguste Bourequat nous raconte les dures années de détention qu'il a vécu avec ses deux frères.
Il faut raviver la plaie, comme il dit, et extirper les images qu'il aimerait pourtant enfouir au plus profond de lui-même. Mais il a eu le courage de témoigner, pour que le monde sache et que rien ne sombre dans l'oubli.
Tout à commencé par un enlèvement à leur domicile de Rabat par une brigade spéciale. Ils sont emmenés pour une destination inconnue.
N'ayant jamais été condamnés et ne sachant pas pourquoi, ces citoyens français vont devoir vivre dix-huit années d'horreur, de 1973 à 1991.

Ali commence son histoire par une fin heureuse, quand il retrouve sa liberté avec ses frères.
Mais il fait très vite un retour en arrière où il parle tout d'abord de sa détention au PF3, où ils resteront un peu plus de deux ans. C'est une prison secrète de Hassan II à Rabat située en plein quartier résidentiel, au milieu d'ambassades. Une villa annexe sert aux interrogatoires et de lieu pour les séances de torture.
Il sera ensuite transféré dans le camp Choukhmane, un camp de gendarmerie royale.

Mais le pire reste à venir...
Quand Ali pense qu'il a vécu le plus dur, il n'imagine pas ce qui l'attend.
Cet enfer porte le nom de Tazmamart, où il sera transféré avec ses frères pour y rester encore plus longtemps.

« Nous avons passé dix ans, six mois, vingt-trois jours et douze heures à Tazmamart, ce cimetière pour morts-vivants, [...] »

Tazmamart, la prison secrète de Hassan II. Ce bagne où il y avait pour détenus 61 militaires dont 30 ont péri après d'atroces souffrances. Il s'y trouvait également des civils. Parmi ces derniers, les trois frères Bourequat.
À Tazmamart, la chronologie des faits est impossible à raconter pour Ali.
Les jours se répètent et se succèdent. Il ne voit le jour qu'à travers les quatorze petits trous percés à deux mètres de hauteur dans le mur de sa cellule individuelle. Il vit au milieu de ses déjections, au milieu des cafards, des scorpions et parfois même des serpents. Il a dû supporter les douleurs de son pauvre corps. Greloter l'hiver et suffoquer l'été au milieu des odeurs nauséabondes qui faisaient fuir au plus vite les gardes qui leur apportait « à manger » pour éviter qu'ils vomissent.
Un détenu était même dévoré vivant par des vers!
C'est sa vie pendant dix longues années.
L'obscurité et la solitude le rongent chaque jour. Il va pourtant trouver la force grâce à sa foi inébranlable et grâce à ses compagnons de survie, avec qui il parvient à communiquer, mais dont il ne verra jamais les visages (mis à part quelques uns plus tard).
Pour rester en vie, il inventera aussi des poèmes (en pensant à Paris, sa ville adorée) qu'il récitera dans sa tête jusqu'à les connaître par coeur. (On peut les trouver à la fin du livre).

Pour tenter de comprendre cet effroyable sort, je pense qu'il est important de préciser que les Bourequat ont contribué avant et après l'indépendance à la renaissance du Maroc.
Le père d'Ali, était organisateur des services secrets marocains. Ali, secrétaire de son père a servi un monarque, Mohammed V, prédécesseur et père de Hassan II.
Ils en savaient probablement trop...
Et le gouvernement marocain ne connaissait soit disant pas ces trois ressortissants français lors des appels à l'aide.

« [...] rayés pendant dix-huit ans et demi du monde des vivants, morts ressuscités après six mille sept cent cinquante jours de non-existence [...] »

Ali parle toujours de cette impression d'être enterré vivant. On ressent sa douleur à travers ses mots.
Par contre, certains passages où il raconte la vie et les anecdotes sur certaines de ses rencontres m'ont un peu ennuyés à cause des nombreux détails sur des faits politiques. D'ailleurs, une grande partie de l'ouvrage avant Tazmamart, est ainsi relatée.

L'annexe de ce livre est très intéressant, puisqu'on y trouve le plan du PF3 et le plan de Tazmamart, reconstitués d'après leurs estimations personnelles, avec des mesures prises avec leurs mains et bras comme repères. Ainsi, le lecteur peut mieux visualiser.

J'ai adoré l'épilogue, « L'éternel jugera », où Ali, une fois libéré, adresse une lettre à Hassan, ce tyran qui l'a tant fait souffrir. Ses mots sont tranchants et percutants.
Il mène avec détermination son combat pour que le monde sache, pour que le régime de ce roi soit renversé pour avoir déshonoré la dynastie alaouite.
Jusqu'au bout, Ali garde sa dignité d'homme malgré le calvaire et les abominations qu'il aura subi.

Un témoignage bouleversant, touchant et très courageux, où l'on ne peut être qu'admiratif face à ces survivants.
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Secret de Polichinelle... On dit (ou sait?) que deux cent mille plaques de haschisch inondent chaque année l’Europe, transportées en partie par des hommes de main marocains voyageant avec des passeports diplomatiques, ou entassées dans les avions militaires qui gagnent régulièrement la France pour être révisés dans des bases françaises où ils ne subissent aucun contrôle... Que deux cent mille plaques, convoyées dans des avions-taxis et destinées à l’Amérique du Nord, transitent par la France d’où on les expédie vers les bases américaines d’Italie et d’Allemagne. Là, on les cache dans les long-courriers qui s’envolent pour les États-Unis.
Enfin, deux cent mille plaques seraient réservées à l’Arabie Saoudite d’où part un réseau de distribution alimentant les autres pays arabes. Certains prétendent qu’elles sont transportées par l’avion spécial qui, chaque année, emmène le harem du roi en pèlerinage à La Mecque.
Même si nombre de gens ne mettent pas Hassan en cause, personne n’ignore que les chefs de ce trafic sont des hommes haut placés. Ceux qui cherchent à s’alimenter en dehors de la filière ou à la contourner pour travailler à leur compte ne font pas long feu. On les arrête et on confisque leur marchandise, officiellement vouée aux flammes.
La Régie des tabacs est chargée de ce travail. A dates fixes, ses délégués assistent à la « destruction » des quantités saisies par les autorités, en présence du procureur du roi, du chef de la police et du chef de la gendarmerie. En fait, on brûle du henné. Tous les témoins de cette mascarade le savent. Ils savent aussi que la drogue est remise en douce aux dirigeants de la filière « autorisée ».
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Un jour, dans la cour, l’un d’eux [un garde], le plus peureux de tous, dont j’ai oublié le surnom, me dit :
- Éclaire-moi. Toi qui connais les choses de la religion et qui as lu le Coran, dis-moi : si un homme enterre un autre être humain, commet-il un péché grave?
Je réponds :
- Au contraire. Accompagner un homme jusqu’à sa dernière demeure, selon les rites, est une bonne action...
Le garde se dandine, triture sa djellaba. Il sourit gauchement et murmure :
- Justement...
- Justement quoi?
- Que se passe-t-il s’il s’agit d’un enterrement un peu spécial?
- Je ne comprends pas.
J’ai très bien compris. Mais le garde s’enferre, cherche ses mots. Je décide de le laisser m’avouer lui-même ce qui le tourmente.
[...]
Voilà ce qui perturbe le garde. Il fait ce qu’on lui dit de faire : il torture si on le lui demande, il frappe, il creuse les fosses. Il empoche sa prime. Ceci, croit-il, compense cela. Mais il n’en est pas tout à fait sûr. Je lui dis :
- Enterrer un homme, qu’il soit musulman, chrétien ou juif, est bien vu de Dieu. C’est le dernier hommage qu’on puisse rendre à l’un de Ses enfants...
- Bien sûr... Mais là, c’est un peu spécial.
- Qu’y a-t-il de spécial? Les gens meurent, on les ensevelit au cimetière et voilà.
- Justement... Ce n’était pas tout à fait au cimetière. Et puis l’homme n’était pas mort de...
- Il n’était pas mort de quoi?
- De... de mort naturelle, paisible.
- De quoi était-il mort, cet homme?
- Eh bien, de mort accidentelle, de quelque chose comme ça...
Il me terrifiait, mais il me faisait en même temps pitié.
J’ajoutai :
- Bref, tu essaies de me dire qu’il s’agit d’un type que tu as frappé un peu trop fort, qui t’a claqué dans les doigts et que tu as enterré à la va-vite, non loin d’ici...
Il incline la tête et murmure :
- C’est un peu ça...
- Dans ce cas, Dieu ne te pardonnera jamais.
- Même si je vais à La Mecque?
- Même si tu passes par le paradis. Les funérailles, c’est sacré. Le Coran l’a dit.
- Ah...
L’homme parut consterné, comme l’étaient parfois tous les gardes. Leur travail les troublait. Ils le faisaient sous la menace, et pour toucher les primes. Mais au fond d’eux-mêmes, une conscience, même très vague, les taraudait.
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TOHU-BOHU

Toutes les mômes du monde frétillent
tortillent leur joli cul cul pour tohu-bohu
Du chahut, du raffut, c'est le tohu-bohu
Allons tous ensemble, frétillons, tortillons le tohu-bohu
Faut du chahut, faut du raffut, pour tohu-bohu

La meilleure des choses
Pour rester belle comme au printemps la rose
Sans façon j'ose et la propose
Apanage de tous les âges
Jeune et fraîche, pour toujours c'est l'amour

Les filles de Paris sont vraiment mignonnes
À la maison elles ronchonnent
Dans la rue elles fredonnent
Au boulot elles marmonnent
Dans l'métro elles bougonnent
Quand elles se chiffonnent elles ronronnent
En vacances elles étonnent
Même en colère elles pardonnent
Et quand elles se donnent
Elles sont polissonnes
Heureuses, elles sourient
Car Paris, c'est la vie

Le tohu-bohu
C'est la grande cohue
Des mômes bien foutues
Elles ont de beaux culs
Elles boivent des légumes en jus
Dans le plumard toujours nues
On les croquerait toutes crues
Elles font les maris cocus
C’est le principe de la vertu.


Ali-Auguste BOUREQUAT
(Poème élaboré dans « la caisse à béton » de Tazmamart, 23 mars 1981 - 15 septembre 1991).
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PARIS LIBERTÉ

Paris clodos
C'est le casse-dalle au calendo
Paris bistrots
C'est le Flore et les Deux-Magots
Paris prolo
C'est l'métro, boulot, dodo
Paris rupin
C'est la vie de château
Dans une chambre de bonne au Trocadéro
Paris badin
Paris rétro
Paris catin
Paris porno
Paris putain
Paris gigolo
Paris y'a rien de plus beau
Paris c'est des milliers de toits
C'est un mirage que l'on touche du doigt
C'est le berceau où naquit la loi
Paris guillotine le roi
Pour le bonheur du peuple d'être heureux chez soi
Paris c'est l'amour, c'est l'amitié
C'est la joie, c'est la gaieté
La gastronomie, la frugalité
C'est la vertu, c'est la volupté
Paris pour la France, c'est la fierté
Et pour le monde entier, Paris c'est la liberté


Ali-Auguste BOUREQUAT
(Poème élaboré dans « la caisse à béton » de Tazmamart, 23 mars 1981 - 15 septembre 1991).
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L’EUROPE IDÉALE

De l'Atlantique à l'Oural
C'est l'Europe idéale
Avec Paris pour capitale
Berceau de la civilisation
Communauté des passions
Automations, revendications
Contributions, manifestations
C'est l'Europe de la Révolution
De l'Atlantique à l'Oural
C'est l’Europe idéale
Avec Paris pour capitale
Creuset de la liberté
Des droits de l'homme, de la fraternité
Pour le bien-être de l'humanité
Faut abolir l'individualité
C'est l'Europe de l'égalité
De l’Atlantique à l'Oural
C'est l'Europe idéale
Avec Paris pour capitale
De Londres à Moscou
On est de gauche ou de droite, on s'en fout
On apprécie la poésie, la littérature
Les belles choses de la vie
De Rome à Varsovie
On y chante, on y rit
De Lisbonne à Paris
C’est l'Europe de l'esprit
De l'Atlantique à l'Oural
C’est l’Europe idéale
Avec Paris pour capitale
Pays de la contredanse
De la courtoisie sans révérence
De la gastronomie et de l’abondance
De la beauté, du chic et de la prestance
Avec la mode des chiffons de France
C’est l’Europe idéale
Avec Paris pour capitale


Ali-Auguste BOUREQUAT
(Poème élaboré dans « la caisse à béton » de Tazmamart, 23 mars 1981 - 15 septembre 1991).
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