Citations sur June (29)
À d’autres moments, elle sait que les hommes ne lui donneront jamais ce supplément d’âme, ce plaisir d’être avec une semblable, comme avec elle-même, lorsqu’elle s’est masturbée pour la première fois dans sa chambre de jeune fille, et qu’un orgasme l’a submergée, un sursaut de vie venu de ce petit bouton qui ne paie pas de mine mais qui contient l’énergie de l’univers, celle des commencements, des planètes, des tremblements de terre.
Pour lui, elle veut toujours rester la garçonne fière et envoûtante du dancing. Il la soulève de terre et lui dit qu’il l’aime comme elle est. Après le déluge, ils cheminent en direction de son immeuble et June retrouve sa gaieté. Elle lui raconte les spectacles du théâtre en plein air d’Ulmer Park auxquels elle assistait enfant. À l’époque, Henry n’habitait pas loin. Lui aussi avait été émerveillé par les trapézistes, les magiciens et les acrobates.
Elle aime jongler avec les mots, se perdre pour mieux rebondir, avec ce plaisir enfantin de broder des histoires à dormir debout. De sa voix basse, elle raconte celle d’une somnambule qui chante en traversant la rue, d’un chat à trois pattes ou d’une petite fille retrouvée au fin fond de la Russie, parmi une meute de loups, puis elle parle d’alligators, de chaloupes, de la Grande Ourse, de miracles, de nuits blanches, d’icebergs, de crèmes et de vernis, et plus elle parle, plus Henry paraît magnétisé par cette conteuse extravagante.
Frances n’a jamais été tendre. June se souvient qu’enfant, elle la repoussait lorsqu’elle se fourrait dans ses jupes. Jamais un baiser ou un compliment, plutôt des leçons de morale. Après la naissance du petit dernier, sa mère s’était laissée aller. De plus en plus épaisse, les joues couperosées, portée sur la boisson, cette femme d’origine hongroise, élevée à la dure, avait envié l’affection que son mari portait à sa fille, et n’avait cessé de le rabrouer.
Dieu sait si ses mensonges ont été ses alliés, ses sauveurs, elle qui se les fabriquait sans scrupule, pour survivre, telle une enfant qui a besoin de protéger son monde imaginaire. Dieu sait si Henry a tenté de percer son mystère, jonglant avec le vrai et le faux. June, son obsession, son fantasme, un personnage de roman. Une vie pleine de blancs à remplir ou à laisser intacts, qu’importe, l’écrivain est un mystificateur.
Nous tenons chacun une extrémité et nous débattons quelques secondes pour stabiliser le tableau et l’équilibrer. Ensuite, Pierre se recule pour observer le résultat. Je me demande quelle parade je vais pouvoir trouver pour échapper à cette plongée au cœur du désespoir. « Parfait. »
Nous ne voulions jamais le contrarier. Nous nous pliions à la moindre de ses exigences. Il a fini par croire qu’il pouvait se servir librement, nous prendre des bouts de nos vies, partir et revenir quand ça lui chantait. Jean m’a appris à vivre seule. C’est une chance. Je me contente de continuer.
C’est drôle comme il suffit de quelques jours – tout juste deux – pour que notre ancienne vie, celle qu’on vient tout juste de quitter, nous paraisse si lointaine.Penser à mon studio, à Marseille et à Jean me donne l’impression de ressasser de très vieux souvenirs.
L’ectoplasme n’a pas réellement forme humaine. Il n’a pas de visage, ni yeux, ni bouche, ni aucun trait visible. Pourtant, quelque chose dans sa lumière exprime un désespoir lancinant. Une souffrance sans limite. J’en ai le cœur qui palpite.
Elle boude le réalisme, ne respecte pas toujours les proportions. Ses coups de pinceau sont vifs et acérés. Ses personnages ont des contours pointus, ou simplement trop carrés, comme s’ils souffraient en permanence. Un mélange de romantisme noir et de modernité. Un style à part.