Années 70. En Alsace. Juliette est adolescente. Fille d'un industriel et d'une mère au foyer, cagote et dévouée, elle évolue au sein d'une bourgeoisie aisée dans laquelle la respectabilité et la bonne éducation sont de mise. Pas de vague. On entre dans le moule. L'époque sera néanmoins celle des grands changements. Juliette, guidée par sa cousine Camille, dévergondée et bien dans ses baskets, va progressivement s'émanciper. Ses sentiments pour Patrice, jeune lycéen écorché par la vie - que Camille lui fait rencontrer - vont la porter dans son cheminement.
Ce roman- véritable leçon d'histoire - réaliste au point que l'on ressent les singularités de l'époque : encens, pates d'Eph, boum et solex, quête de liberté et d'absolu, tiraillements entre respect des traditions et liberté des moeurs, nous invite dans les souvenirs d'un autre temps. Il y a déjà ce difficile premier amour, vecteur de l'affranchissement social, dont les réminiscences demeurent, profondément ancrées.
« A l'époque j'étais dans l'insouciance, dans l'éclaircie de la vie ; j'ignorais que l'amour naît des souvenirs, qu'il s'en nourrit, qu'il en meurt aussi. Peut-être pressentais-je déjà qu'ils me réconforteraient un jour, papillons à peine épinglés, prêts à s'envoler vers lesquels je reviens sans cesse, cherchant inlassablement à retrouver le tintement des bracelets indiens derrière le rideau de Jouy ou le bruit de nos pas sur le gravier au clair de lune. »
Juliette se rebelle, se découvre. Son corps, ses envies, ses besoins. Camille pour modèle, elle est tout feu, tout flamme dans une époque où tout se permet. Elle veut être ELLE – pour elle-même, par elle-même – surtout ne pas ressembler à sa mère. Elle écrit. Se confie.
« Ce dont je suis sûre, c'est que malgré un naturel qui me portait vers le bonheur, l'emprise de ma mère, ses éternels reproches, ses frayeurs et ses principes finirent par me donner mauvaise conscience, par m'isoler. Seule Camille pouvait m'extraire de l'introspection dans laquelle je me complaisais. »
Elle s'affirme. Réfléchit.
« Les psychologues disent que les jeunes ont d'abord besoin de s'opposer à leurs parents pour adhérer à leurs idées. Ils se trompent. Bien que j'aie encore beaucoup de choses à apprendre, les imiter serait me soumettre, renoncer à ma soif de justice, à mon désir de me libérer du carcan qui m'enserre. »
Et, intelligente et intuitive, évolue.
« Il faudrait que je me méfie des jugements trop catégoriques que je porte sur les gens, que je cesse de critiquer mes parents, leur mode de vie, leur argent. Avoir de la personnalité ne veut pas dire qu'il faille imposer ses convictions, mais dépasser les apparences. »
Très bien écrit, ce roman est passionnant. Instructif. Emouvant et nostalgique – nostalgie d'une époque et de l'adolescence. Un parcours initiatique qu'on savoure page à page.
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