Minivip et Supervip sont frères et descendent d'une longue lignée de super-héros. Tout les oppose ! Si l'un est fort, peut voler et ressemble à un mannequin, l'autre est son contraire. Malgré tout, ils défendent les faibles contre les oppresseurs. Cette fois, il semblerait que la menace vienne d'une autre planète et que le plan d'invasion remonte à des centaines d'années.
Ce livre de près de 300 pages est à déguster en plusieurs couches. En effet, il cache des trésors. La collection Métamorphose s'attache toujours à une réflexion philosophique, voire à un rêve. A première vue, Ce mystère du va-et-vient est hors-sujet. En fait, le scénario de
Bruno Bozzetto montre à quel point notre planète est mal utilisée. La pollution, les publicités qui n'en finissent pas à la télévision, la surconsommation. Pourtant, jamais il n'adopte un ton moralisateur. Il propose une comédie de situation qui fera réfléchir le lecteur.
UN SCENARISTE INCONNU ?
Si le nom de
Bruno Bozzetto ne semble pas très connu en bande dessinée, il en est autrement en Italie et dans le monde de l'animation, en général. C'est l'un des pionniers de l'animation italienne. Avec quelques 300 films à son actif, il est surnommé le
Walt Disney italien, excusez du peu ! Son héros le plus connu est sans nul doute Monsieur Rossi, un héros comme tout le monde. Mais Bruno Bozzeto a touché à la parodie, au film de science-fiction, la vulgarisation scientifique, etc. Son credo ? Nous amuser pour mieux dénoncer ! Avec le mystère du va-et-vient, il reprend le scénario d'un long-métrage jamais réalisé pour en faire une bande dessinée. Une première pour ce jeune homme de 80 ans ! On y trouve tout ce qui fait le succès d'une comédie : Des personnages hilarants, des situations incongrues, des dialogues percutants. Ce mélange est bien travaillé et donne des scènes hilarantes. Nous aurons droit à un
match de catch, une déclamation faite par un singe géant, l'essai à répétition du va-et-vient ou les discours attendus de Sa Fertilité. Les personnages secondaires sont travaillés de telle manière qu'on s'y attache. du géant Sterminator qui n'a comme cerveau que ses muscles, au gentil Willy aimant danser, sans oublier un réalisateur de cinéma tyrannique... Qui ne va jamais au cinéma ! C'est plein d'entrain, on ne perd pas le tempo. le scénario suit les règles d'or de la comédie italienne, un genre cinématographique qui a régné des années 60 aux années 80. Tout en riant, on dénonce. Simple et efficace. Pas seulement, ce scénario est brillant d'inventivité.
UN DUO CELEBRE DEPUIS 50 ANS
Minivip et Supervip ne sont pas des inconnus. Ils sont nés en 1968 dans le premier long-métrage de Bruno Bozetto Vip, mon frère Superman. Déjà, l'animateur dénonçait le consumériste. Supervip est une parodie de super-héros. Son uniforme rappelle Superargo ou les 3 Supermen, des productions de l'époque où le cinéma bis était projeté en salles. Quant à Minivip, tout rappelle
Woody Allen. le faciès, les lunettes, la psychologie. Pour l'anecdote, le doubleur italien de Minivip sur le film de 1968 était le doubleur attitré de
Woody Allen. A la suite du succès, des strips de bande dessinée seront proposés, ainsi que deux suites tardives, mais la renommée des Vip est éternelle ! Les lecteurs auront plaisir à (re) découvrir ce duo. Tantôt drôles, tantôt tragiques, ils sont les reflets de notre société. Quant au troisième personnage, il est question de Nervustrella, la fiancée de Minivip. Malgré la pollution, les situations incongrues ou dangereuses, elle reste positive. On finit par se demander si elle n'est pas quelque peu naïve...
BANDE DESSINEE OU CINEMA ?
Pour illustrer ce scénario,
Gregory Panaccione utilise tout son talent ! Que ce soit pour découvrir les personnages, montrer la pollution environnante, souligner une situation, il faut voir son ingéniosité dans les cadrages. Tout respire le cinéma : gros plan, travelling, etc. nous sommes projetés dans cet univers ! Son trait rond et expressif permet de saisir les visages, les émotions, tout en les tournant à la caricature. Il reprend les personnages de
Bruno Bozzetto, se les approprie tout en gardant leur spécificité. Il n'a pas son pareil pour remplir ou vider une case. Absence de cases, bulles, pleines pages, c'est un déferlement de techniques qui permettent une lisibilité totale dans cet univers aussi délirant que graphique. Quant aux couleurs, on soulignera ce côté "passé" qui donne une vision très 60's. On se trouve à mi-chemin du cinéma d'animation et de la bande dessinée !
La collection Métamorphose continue de nous embarquer dans des univers fascinants ! Tandis que le lecteur lambda sera amusé des prouesses de nos héros et des péripéties pour dominer la Terre, les plus curieux découvriront un artiste. C'est le seul point négatif qu'on pourrait donner à ce beau-livre. Un dossier de présentation sur
Bruno Bozzetto aurait été le bienvenu.
Bruno Bozzetto montre l'étendue de son talent et
Gregory Panaccione réussit à le mettre en images, comme si nous allions au cinéma. Un tour de force impressionnant ou scénario, graphisme et couleurs sont au service des lecteurs. Un magnifique objet qui rend hommage au cinéma populaire italien, aux films d'animations mais qui permet aussi de prendre conscience de la beauté autour de nous et des dangers dont nous sommes responsables.
MINIVIP&SUPERVIP : LE MYSTERE DU VA-ET-VIENT
SCENARISTE :
BRUNO BOZZETTO
DESSINATEUR :
GREGORY PANACCIONE
COLLECTION : METAMORPHOSE
EDITIONS : SOLEIL
Pour ceux qui l'auraient remarqué, la musique de la bande-annonce reprend le thème original du film de 1968.