On écrit comme on tue : ça monte depuis le ventre, et puis d'un coup ça jaillit, là, dans la gorge. Comme un cri de désespoir.
J'étais l'adolescente sans but, torturée. Elle vivait dans la lumière. Je me laissais mourir dans l'ombre.
Tout cela, c'était elle qui le voulait, c'était ses caprices. Elle était réjouie parce que je faisais tout ce qu'elle me demandait, jusqu'à me tourner en ridicule, même si ça n'amusait qu'elle.
Désormais, papa est le seul, avec mon frère, à venir encore me voir de temps à autre à la prison; je vois son visage bouffi par la vieillesse à travers la vitre de la salle des visites, et à chaque fois j'ai l'impression que nous devenons lui et moi de moins en moins étrangers l'un à l'autre.
Le silence est notre thérapie. C'est lui qui nous apprend à regarder le passé, à affronter nos actes, à combattre les erreurs. C'est lui qui nous fait réfléchir, et nous pousse à la remise en question, lui aussi qui nous guide, apaise nos angoisses ou les fait ressurgir, nous sort de l'incertitude ou nous plonge dans la folie. C'est lui qui apprivoise ce que nous sommes, assassine le poids des heures, lutte contre les parts de nous-mêmes que nous voudrions oublier.
J'ai laissé la douleur prendre le dessus. J'ai senti le souffle de la mort se battre contre le souffle de la vie, puis gagner chaque partie de mon être. Je voyais cette mort, elle vivait en moi. Ma dernière pensée a été que j'avais gagné. (p55)
Car pire que le mépris, il y a l'indifférence. La sensation de ne plus exister.(p51)
On n'échappe pas à sa propre folie en s'efforçant d'agir comme les gens normaux. La folie est la plus forte : tôt ou tard elle finit par refaire surface.
Il m'offrait la chaleur d'un amour que jusqu'alors personne n'avait jamais daigné m'apporter.
J'étais redevenue l'ombre de moi-même. Un mur me séparait des autres. Et j'aurais préféré qu'ils me crachent au visage plutôt qu'ils me laissent dans un tel abandon. Car pire que le mépris, il y a l'indifférence. La sensation de ne plus exister.