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sur 687 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Anna Brontë décrit la condition peu enviable de bien des femmes qui ne peuvent être que gouvernantes, situation sentimentale d'une sécheresse triste. La modestie, les bonnes manières, l'éducation sont mises en avant comme étant des valeurs fort protestantes. Enfin, l'innocence enfantine est ici bien vite réfutée : impossible d'y croire après.
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Anne est la moins connue des trois soeurs Brontë. Elle était la plus jeune, il s'en fallut de quelque mois qu'elle ne soit aussi la première à mourir. Elle ne connut guère sa mère, morte quand elle avait un an, ni ses deux soeurs ainées Maria et Elizabeth, morte quand elle en avait cinq. Elle ne connut pas non plus les internats où faillirent succomber les deux autres. Mais la tuberculose finit par faire son oeuvre également sur elle, alors qu'elle n'avait encore écrit que deux romans.

Agnès Grey' est le premier des deux. Très autobiographique, il raconte ses douloureuses expériences de (très) jeune gouvernante dans diverses familles de la bonne société anglaise. La fin heureuse en revanche, relève hélas de la fiction…

D'emblée, on constate que son style littéraire n'a strictement rien à envier à celui de ses deux soeurs. Elles sont passées par le même creuset. Des esprits fins, subtiles, délicats, brillants. Et, dans le cas de la pauvre Anne, ou Agnès comme elle a préféré se désigner, condamnée par la pauvreté à évoluer dans un milieu rustre et grossier. Malgré leur fortune, ses employeurs sont des brutes à peine patinées d'un verni de courtoisie. Tout le monde la tient pour quantité négligeable, y comprit les domestiques – qu'elle est pourtant la seule à considérer comme des êtres humains et pas des machines à servir.

Quand aux enfants dont elle s'occupe, on pourra constater qu'hier comme aujourd'hui l'absence d'éducation produit les mêmes résultats. Seul changement notable, les petites brutes modernes ne sont Dieu merci plus assez dégourdies pour dénicher les oisillons. S'ils l'étaient, ils leur arracheraient sans doute les ailes avec autant de plaisir.

S'y ajoute, bien sûr, une solide morale victorienne. Anne Brontë se fait visiblement une haute idée du métier d'éducateur, mais guère si différente d'aujourd'hui. Certaines leçons morales ont changées (une fille ne doit pas trainer avec les palefreniers et les piqueurs) d'autres sont toujours valables (ne pas épouser un homme uniquement pour son argent). La religion est son principale refuge et soutien moral – ce qu'on peut comprendre, pour quelqu'un qui a grandi au milieu des deuils.

On reconnait bien le talent des soeurs Brontë quand bien même le récit, plus autobiographique, voir cathartique, n'a pas la fulgurance des ‘Hauts de Hurlevent' ou la puissance de ‘Jane Eyre'.
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La famille Grey se compose du père, curé (anglican), de la mère, et de deux filles dont Agnès, la cadette. le père fait de mauvaises affaires et se retrouve ruiné. L'aînée des filles se marie. Pour aider ses parents et ne pas leur être à charge, Agnès décide de se trouver une place de gouvernante, c'est-à-dire de préceptrice, alors qu'elle n'a aucune expérience et est encore elle-même très jeune. Par relations familiales, elle parvient à trouver cet emploi dans une famille de la riche bourgeoisie commerçante, mais il n'est pas certain qu'elle s'y épanouisse… ● On retrouve dans ce roman le beau style des soeurs d'Anne ou de Jane Austen, c'est très agréable à lire. Voici un exemple de bonheur d'écriture, qu'on trouve à foison : « j'aurais été assez à mon aise, si elle n'avait pris tant de peine pour m'y mettre. » ● C'est une dénonciation des moeurs des riches Anglais du XIXe siècle, de leur égoïsme, de leur fatuité, de leur goût des apparences, et même de leur méchanceté, voire de leur sadisme. ● La pauvre gouvernante a fort à faire avec les enfants : « si un homme civilisé était condamné à passer une douzaine d'années au milieu d'une race d'intraitables sauvages, à moins qu'il n'ait le pouvoir de les civiliser, je ne serais pas étonnée qu'à la fin de cette période il ne fut devenu quelque peu barbare lui-même. Ne pouvant donc rendre mes jeunes compagnons meilleurs, je redoutais fort qu'ils ne me rendissent pire, qu'ils n'amenassent peu à peu mes sentiments, mes habitudes, mes capacités, au niveau des leurs, sans me donner leur insouciance et leur joyeuse vivacité. » ● Mais elle a aussi beaucoup de mal avec les parents, qui la méprisent, la tiennent pour quantité négligeable, lui reprochent des défauts qu'ils inventent avec une mauvaise foi déconcertante, souhaitent qu'elle éduque leurs enfants sans lui donner aucun moyen de le faire, bien au contraire, puisqu'ils prennent toujours le parti des enfants contre celui de la gouvernante. ● On trouve de beaux portraits à charge, comme : « c'était l'oncle Robson, le frère de mistress Bloomfield ; un grand garçon plein de suffisance, aux cheveux noirs et au teint jaune comme sa soeur, avec un nez qui avait l'air de mépriser la terre, et de petits yeux gris fréquemment demi-fermés, avec un mélange de stupidité réelle et de dédain affecté pour tout ce qui l'environnait. » ● le roman a bien sûr des côtés moralisateurs et est dépourvu d'humour (contrairement à ceux de Jane Austen), et la narratrice, Agnès Grey elle-même, semble n'avoir aucun défaut. Les maximes raisonnables parsèment le récit : « on n'apprend rien sans travail et sans peine. » « Hélas ! combien l'espoir de posséder l'emporte quelquefois sur le plaisir de la possession ! » ● La richesse paraît être le plus sûr moyen de corruption de l'âme ; Agnès Grey est une véritable adepte des préceptes évangéliques tandis que tous ceux qui l'entourent, sauf sa famille, sont pénétrés d'un pharisaïsme odieux. ● L'intrigue est assez simple et linéaire, et même si on voit paraître la fin bien avant d'y être, elle n'est pas dépourvue de tension narrative faisant tourner les pages à bonne allure, mais le livre vaut surtout par son style, par son témoignage historique et, du moins à l'époque, par son contenu moral. ● J'ai trouvé fort intéressant de lire le premier roman de la moins connue des soeurs Brontë et je le recommande, d'autant qu'on peut le trouver en Kindle gratuit.
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Mes lectures d'autrices du XIXème siècle se suivent et ne se ressemblent pas... Après Jane Austen, me voici chez Anne Brontë, oui vous savez la benjamine de la fameuse fratrie.
L'univers littéraire des seules soeurs Brontë que je connaissais jusqu'à présent, - Charlotte et Emily, m'ont entrainé dans des territoires romanesques où se côtoient le sombre, le gothique, le morbide...
Anne Brontë est sans doute moins connue que ses deux autres soeurs, elle partage cependant deux points communs avec ses aînées : elle fut à son tour une femme de lettres et elle connut un destin tragique, la mort la fauchant elle aussi à la fleur de l'âge.
Agnès Grey est son premier roman. Il est pour une large part autobiographique, le roman étant fondé sur la propre expérience de l'autrice comme gouvernante et préceptrice.
Ici on est très éloigné de la dramaturgie noire qu'on peut rencontrer dans Jane Eyre ou encore dans Les Hauts de Hurlevent.
J'ai abordé ce roman avec l'attention qu'on porte lorsqu'on est autorisé à ouvrir un journal intime.
Agnes Grey est la fille du pasteur d'un village du nord de l'Angleterre, entouré de landes à perte de vue. Ses parents ayant subi un revers de fortune, Agnes Grey décide de les aider financièrement. Elle quitte le presbytère familial pour confier ses services à une riche famille aristocratique, les Bloomfield.
Elle va occuper l'un des rares emplois permis aux femmes respectables au début de l'ère victorienne : gouvernante d'enfants de riches. Dès les premiers jours, elle doit faire face non seulement à l'indiscipline d'enfants gâtés plus passionnés à chaparder les nids, à étrangler les oiseaux dans leurs si douces mains qu'à apprendre leurs leçons, mais aussi aux humiliations des parents qui prennent systématiquement la défense de leurs « adorables » petits chérubins.
Ah ! Ces sales gosses ! À sa place, moi je les aurais... Pardon, je m'emballe... Mais qui voudra encore croire après cela à l'innocence éperdue de l'enfance...
L'écriture, simple, fluide, certes très académique, est d'une très belle tenue.
Le roman vaut surtout pour la peinture, brossée par petites touches mais sans concession, de cette riche bourgeoisie terrienne de l'ère victorienne qui écrase la condition de femmes modestes, société dont les principes fondés sur le rang et l'argent se heurtent à toutes valeurs sociales et morales.
Ce roman avait tout pour égayer mes pensées, j'avais posé mes pas dans la douceur de la narratrice, dans la beauté de ses joues qui rosissent de confusion, son esprit oscillant entre volontarisme et résignation, mais le récit très conventionnel offre finalement peu de nuances d'Agnes Grey, de sorte que l'ennui est venu rapidement au gré de ma lecture.
Dieu aussi est venu s'en mêler, le bougre. Un des personnages a beau rétorquer à notre héroïne que « Dieu est amour », la belle affaire ! je vous avoue que j'ai une autre opinion de ce sentiment exalté...
J'étais pourtant tout émoustillé lorsque j'ai lu cette citation de la narratrice qui commençait pourtant bien :
« J'ai commencé ce livre avec l'intention de ne rien cacher, afin que ceux qui le voudraient pussent lire dans le coeur d'une de leurs semblables ; mais nous avons des pensées que nous ne voudrions laisser voir qu'aux anges du ciel, et non à nos frères les hommes, pas même aux meilleurs et aux plus bienveillants d'entre eux. »
Alors je l'ai laissée folâtrer vers les anges du ciel et de la terre.
J'ai poursuivi ma lecture avec ce bel ennui traversant ce ciel pâle d'automne au-dessus de la campagne anglaise. J'ai tenté d'effleurer les pages, cherchant à éveiller la sensation mutine d'un battement d'ailes, mais leur mélancolie délicieusement désuète ne concédait rien.
Il n'en demeure pas moins un roman de qualité, méconnu tout comme son autrice, méritant d'être déplacé vers la lumière parce qu'il a des choses à nous dire sur les vicissitudes de la condition féminine, bien davantage que sur les états d'âme et les sentiments de sa narratrice.
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Agnès Grey menait une vie heureuse mais simple chez ses parents aimants en compagnie de sa soeur aînée. Mais un revers de fortune et des problèmes de santé du père poussèrent la jeune fille à devenir gouvernante.
Chez les Bloomfield, la tâche est rude auprès d'enfants cruels qui ne lui obéissent pas et la méprisent et des parents tout aussi méprisants et détestables. Agnès n'a aucun pouvoir sur les enfants et se contente de subir. le petit garçon étant de loin le plus terrible ayant pour passion de torturer les oiseaux. Après quelques mois de calvaires où elle se sent rabaissée, humiliée, elle est remerciée. Elle s'engage ensuite chez les Murray où les enfants sont plus grands. La famille n'est guère mieux, égoïste, méprisante, stupide. Toutefois, la rencontre avec Mr Weston un pasteur adoucira ses jours.
Si l'écriture est belle, je n'ai pas été passionnée par l'histoire. J'ai connu un passage à vide au chapitre 11 où je me suis vraiment ennuyée, l'héroïne très bigote, s'interrogeait sur sa foi, était en proie aux doutes.
j'aurais aimé une héroïne passionnée alors qu'Agnès semble subir et passe son temps à se plaindre. La romance est également longue à se mettre en place.
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Anne, la plus jeune des soeurs Brontë, écrit ce premier roman à 27 ans.
S'il n'a pas la passion tragique et l'exaltation des sentiments de Jane Eyre ou encore des Hauts de Hurlevent, ce roman mérite qu'on s'y intéresse de près.

A travers la narration d'Agnès Grey, l'héroïne de ce roman, c'est sa propre histoire et son propre ressenti qu'Anne dévoile à ses lecteurs. Dans la préface, Isabelle Viéville Degeorges présente Agnès comme l'alter ego de sa créatrice. Comme elle, elle devint gouvernante au service, tour à tour, de deux familles riches et peu respectueuses des valeurs éducatives.

Sa narration simple et transparente ne peut rendre indifférent. Comme je comprends le désarroi qu'Agnès / Anne a pu ressentir face à ces enfants égoïstes et turbulents, face à ces jeunes filles coquettes dont le seul souci était de plaire à la gente masculine sans se soucier des sentiments d'autrui.

Ce roman est à la fois moderne et universel. Même si les méthodes éducatives ont évolué , bien heureusement, il n'en reste pas moins un plaidoyer pour une éducation basée sur l'honnêteté, la bienveillance, le respect de la nature et des animaux , et surtout la nécessité d'un cadre bien défini.

Bien sûr, le côté biblique du discours de l'héroïne peut paraître un brin moralisateur mais il convient de ne pas oublier qu'Anne Brontë était elle même fille de pasteur.

Ce roman m'a fait penser à la prose de la Comtesse de Ségur, dont la littérature a bercé mon enfance , par son côté moralisateur justement, et par la fin heureuse pour l'héroïne.

On trouve aussi dans ce roman de l'amour. Beaucoup moins ravageur que dans les romans de ses soeurs. Mais les tourments d'Agnès ne m'ont pas laissée indifférente.

Une jolie découverte que la prose de la troisième des soeurs Brontë que je compte bien prolonger avec la lecture de son second roman.

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Anne Brontë nous livre au travers des propos d'Agnès Grey, ses expériences de gouvernante. Expériences peu gratifiantes pour rester gentille !

Son père étant ruiné et malade, Agnès Grey trouve un emploi de gouvernante chez les Bloomfield, commerçants enrichis, et snobs. Elle doit assurer non seulement l'instruction mais encore l'éducation de trois abominables garnements qui non seulement n'obéissent en rien à ses demandes mais qui plus est, cherche avec ravissement tout ce qu'ils pourraient faire pour lui rendre la vie impossible. Les parents comptent sur Agnès pour éduquer leurs enfants mais lui interdisent de leur appliquer la moindre sanction, mission impossible donc ! Méprisée par les enfants autant que par leurs parents et par les domestiques, cette jeune femme âgée de 19 ans seulement, se fait licencier, ce qu'elle vit comme un soulagement mais aussi comme un échec de ses capacités.

Elle trouve ensuite un emploi chez les Murray dont les deux jeunes filles dont elle doit s'occuper sont superficielles et vaniteuses. Là-bas également, même si elle est mieux traitée, elle ne trouve pas sa place, elle ne fait partie ni des maîtres ni des domestiques et se sent terriblement esseulée jusqu'au jour où elle rencontre le nouveau vicaire, Edward Weston dont la générosité, l'honnêteté, la sobriété, la séduisent lui correspondant en tous points.

J'ai trouvé le roman d'Anne Brontë remarquablement écrit mais d'une manière assez "journalistique" assez loin des émotions de Charlotte et encore plus éloignée des passions sauvages d'Emily. Je n'ai pas trouvé qu'elle suscitait particulièrement des émotions et je l'ai trouvée trop dévote à mon goût. Anne était vraisemblablement, quoi que la plus jeune, la plus raisonnable ses soeurs Brontë, un peu trop pour moi qui aime vibrer. C'est un livre d'honnête facture et de superbe écriture mais il ne m'a pas passionnée.
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Moins connu que les chef-d'oeuvre écrits par les soeurs d'Anne Brontë, "Agnès Grey" est pourtant un très beau roman.
Anne Brontë s'est basée sur son expérience de gouvernante de jeunes enfants dans des familles riches pour raconter l'histoire d'Agnès Grey, une jeune femme touchante et naïve, mais ô combien maltraitée et mal comprise. Personne ne souhaiterait aujourd'hui être à sa place !
L'histoire d'amour qui fleurit est tendre et naïve, tout en étant réaliste. Nous sommes loin des histoires tourmentées de Jane Eyre ou des Hauts de Hurlevent !
Un beau moment de lecture pour cette oeuvre discrète que je recommande aux amoureux du 19ème anglais.
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Issue d'une famille modeste dont les préceptes et la sagesse l'ont amené à devenir une jeune fille douce et aimante, Agnès Grey, fille de pasteur, décide de devenir gouvernante. Persuadée de pouvoir aider sa famille qui vit dans une grande précarité depuis un revers de fortune, elle s'engage à ses dix-huit ans chez les Bloomfield, de riches propriétaires terriens dont elle doit élever les enfants. Forte de son enseignement, consciente de ses qualités mais surtout très naïve, Agnès est persuadée de pouvoir faire du bon travail et d'aimer ces enfants dont on va lui permettre de faire l'éducation. Curieuse et pleine de bonne volonté, elle est déterminée à se prouver à elle-même mais surtout aux siens qu'elle est une jeune fille parfaitement apte à supporter ces nouvelles responsabilités et à apporter sa contribution au foyer familial. Malheureusement, Agnès déchante très vite en prenant conscience de la lourde charge que représente son nouveau métier, car l'éducation de jeunes enfants n'est pas du tout une partie de plaisir, particulièrement quand les enfants sont des petits monstres cruels, encouragés dans leur égoïsme par des parents stupides et hypocrites.

Cette première plongée au coeur de la bourgeoisie de l'époque est un formidable témoignage du métier dur et peu gratifiant de gouvernante, pour lequel les femmes de l'époque devait souvent sacrifier beaucoup de leur valeur aux dépends de l'autorité de leurs supérieurs.

Destinée à s'effacer devant les autres, condamnée à subit le joug de ses jeunes élèves, leurs méfaits et leur insolence perpétuelle, sans parler de l'arrogance des parents persuadés de la valeur et des qualités de leur progéniture, Agnès ne tarde pas à sombrer peu à peu dans la tristesse et la morosité. Seules les quelques visites qu'on l'autorise à faire à ses parents et à sa soeur lui permettent de supporter le poids de cette vie qu'elle s'est choisie, mais qui ne la satisfait pas.

Et pourtant, lorsqu'elle quitte les Bloomfield, Agnès Grey décide de renouveler l'expérience auprès des Murray, une autre grande famille respectable de la région, dont les enfants plus âgés lui donnent l'espoir de pouvoir accomplir la tâche qu'elle s'est fixée. Mais c'est sans compter sur l'arrogance et la vanité des filles de la maison, la méchanceté des garçons, et une fois encore, l'indolence et l'aveuglement des parents.

Premier et court roman d'Anne Brontë (l'une des trois soeurs que je connaissais le moins) publié en 1847 sous pseudonyme, cette plongée au coeur de l'Angleterre du XIXème a été une vraie surprise en cette fin d'année ! Rédigée à la première personne, la narration pleine de style et de pudeur est un plaisir que j'ai dégusté jusqu'à la fin. Anne Brontë s'inspire du récit de sa propre vie et met en lumière les différences sociales de son époque caractérisées par l'opposition de son personnage principal (issu d'un milieu modeste) aux exigeants propriétaires terriens qui l'emploient et dont les principales préoccupations se concentrent sur le statut, les apparences et la fortune, dénigrant au passage tout ce qui sert de valeur de référence à Agnès.

Ce récit pourrait facilement nous rappeler celui de Jane Eyre imaginé par Charlotte Brontë, et pourtant nous sommes loin du souffle romantique et parfois même gothique de ce grand classique de la littérature anglaise. Ici, pas de riche aristocrate ni de demeure mystérieuse battue par les vents, pas de lourds secrets de famille ni d'héritage tombé du ciel, et au final peu d'évènements palpitants et de scènes tragiques. La subtilité de caractère des personnages laisse à désirer, certains étant même très proches de la caricature. Oui, il est question ici d'une gouvernante timide et effacée, et peut-être aussi d'une idylle pour laquelle j'ai dû attendre les dernières pages, mais on est loin de l'oeuvre magistrale de Jane Eyre ou de la noirceur des Hauts de Hurlevent dont les émotions et les sentiments, les paysages et particulièrement la lande anglaise, étaient si bien rendus.

Agnès est bonne et pleine de qualités qui m'ont parfois, je dois l'avouer, un tout petit peu agacée - car disons-le franchement, Agnès n'est que douceur et abnégation ! Mais elle est surtout soumise, quasi invisible pour les visiteurs qui se rendent chez les Murray ou fréquentent les demoiselles de la maison, et chez elle il y a peu ou pas de passion, le moindre sentiment un peu explosif dans son caractère étant aussitôt étouffé sous le rappel des Sainte Ecritures. Agnès fait - comme on dit - contre mauvaise fortune bon coeur et apprend à se résigner et à accepter toute forme de déception. A sa place, je pense que j'aurais distribué quelques coups de pieds aux fesses - chose qui, bien entendu, ne se faisait pas à l'époque dans une telle société ! Comparée aux différents membres des familles dans lesquelles elle enseigne, Agnès fait presque figure de sainte, distribuant conseils judicieux et paroles réconfortantes, aussi bien autour d'elle que dans les milieux plus modestes, notamment lors de ses visites chez les paysans des environs. Mais cette jeune fille nous reste définitivement sympathique, et on ne souhaite qu'une chose, qu'elle aussi puisse trouver le bonheur et l'accomplissement dans la voie qu'elle s'est choisie.

Dans cet ouvrage, Anne Brontë ne se contente pas d'évoquer la situation précaire des gouvernantes et leur situation souvent complexe parmi des gens aux intérêts radicalement différents, elle nous permet d'entrevoir aussi de manière plus générale la position délicate des femmes de cette époque devant subvenir à leurs besoins, et la soumission qui est leur lot quotidien, présente aussi bien dans les milieux modestes que dans la société aisée des aristocrates. Ainsi, Rosalie, la fille des Murray, doit-elle absolument obtenir un titre et épouser leur voisin le plus proche - lors Ashby - malgré sa laideur et ses vices - dont l'alcool n'est pas le moindre. Sa situation est peut-être la plus pathétique, car Rosalie obtient la richesse mais se voit privée de l'innocence et des plaisirs de la jeunesse, et se retrouve au final très insatisfaite et cloîtrée aux côtés d'un époux égoïste et d'une belle-mère autoritaire.

La morale de l'histoire est assez simple, mais revient à dire que les comportements les plus justes et les plus généreux apportent plus sûrement le bonheur qu'autre chose. Et que cultiver la générosité vous rend meilleur. Des préceptes que les riches Murray sont incapables d'appliquer, uniquement conduits dans leur choix par leur égoïsme et leur vanité.

Une belle histoire qui donne envie de relire Jane Eyre pour en savourer toute la complexité que l'on ne retrouve pas dans Agnès Grey, mais une oeuvre plus terre à terre qui offre tout de même le grand avantage de nous faire découvrir une autre des soeurs Brontë dont la retenue et la simplicité m'ont conquise.
Lien : http://tranchesdelivres.blog..
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Fille d'un pasteur ayant connu des revers de fortune, Agnès Grey décide de se faire employer comme gouvernante.

Ce très court roman décrit la vie difficile d'une jeune fille pauvre contrainte de devenir institutrice pour les enfants gâtés de riches familles. A travers le portrait de cette héroïne et celui des personnes qu'elle rencontre, c'est la condition des femmes et le peu de choix qui s'offrent à elles au 19e siècle en Angleterre que l'autrice met au coeur de son roman.

Car si Agnès est contrainte à une vie difficile et ingrate, les autres femmes qui nous sont décrites ici ne sont pas mieux loties. Les riches dames qui l'emploient sont clairement privilégiées et plutôt abusives. Mais d'autres qu'elles illustrent d'autres difficultés auxquelles elles ne peuvent échapper, malgré leur condition sociale. Je parle notamment de mariage forcé.

J'ai été choquée par certains détails plus terre-à-terre. Les élèves d'Agnès sont pour certains des psychopathes en puissance (je n'exagère pas: un petit garçon a pour passe-temps favori de démembrer des oiseaux vivants), ce qui n'excuse malgré tout pas sa réaction: elle regrette de ne pas être autorisée à les frapper avec une baguette pour se faire obéir, ce qui est semble-t-il une méthode d'éducation normale à ses yeux! D'accord on est au 19e siècle, mais je ne m'attendais vraiment pas à ce genre de remarque de la part du personnage principal!

La plume est vivante, fluide et très agréable. Il y a de belles descriptions des lieux où se déroule l'histoire, mais ce n'est jamais long ou poussé au point d'être ennuyeux. La critique sociale est intéressante sans être pesante.

Très bonne lecture!
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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