AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,91

sur 168 notes
5
21 avis
4
22 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Magnifique récit d'une vie, celle de l'auteure, née en 1931 en Hongrie. Ditke, qui est son diminutif, est la benjamine d'une fratrie de six enfants et de religion juive. On est en 1943 et dans son petit village hongrois, on ne parle pas encore de ce qui se passe en Europe, pas de télé, pas de radio et les quelques journaux ne sont lus que par les hommes. Un matin, quelques jours après Pâques 1944, leur vie va basculer quand deux gendarmes vont les sortir par la force de chez eux. Direction la gare, la déportation dans un ghetto, puis Auschwitz et le début du calvaire qui durera jusqu'à la libération. de sa famille, il ne lui restera que trois soeurs et son grand frère, David. Alors où aller ? Retourner dans son village qui ne voulait plus de cette famille juive, vivre chez ses grandes soeurs à Budapest ou rejoindre la terre promise, en Palestine, qui n'est pas encore Israël. Elle y partira avec sa soeur et son frère. Là-bas, elle va apprendre la lecture et la poésie. Elle n'y sera pas heureuse et après un premier mariage malheureux, elle va partir avec une troupe de danseuse et chanteuse pour Athènes, puis Istanbul, Zurich, Naples, et enfin Rome, son nouveau pays, son nouveau départ. Fini la danse, le chant, place à l'écriture, le journalisme. Elle a écrit "Le pain perdu" en 2021 à l'aube de ses 90 ans. le livre a connu succès considérable en Italie où il a reçu le prix Strega Giovani et le prix Viareggio, puis dans le monde entier. L'écriture d'Edith Bruck est à l'image de sa volonté et de sa force, claire et directe. Pas de fioriture, ni de jugement, juste ce qu'il faut d'émotions et de sentiments. Un très bon moment de lecture, l'épopée de toute une vie, un roman restituant à l'histoire sa véritable dimension sans être didactique.
Lien : https://www.facebook.com/phi..
Commenter  J’apprécie          70
Edith Bruck, grande dame toujours vivante, a survécu aux camps de la mort. A la manière de Primo Levi, dont elle a été la correspondante et l'amie, elle raconte avec lucidité, simplicité et poésie l'avant, en Hongrie avec sa famille, puis l'enfer des camps et l'après, le presque impossible retour. "Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle." Magnifique récit en humanité et poésie !
Commenter  J’apprécie          30
160 pages environ. Voilà ce qu'il aura fallu à Edith Bruck pour faire le récit de la première moitié de sa vie. Et quelle vie... Je doute qu'elle serait d'accord pour dire qu'elle a eu une destinée hors du commun. Cela signifierait qu'elle concèderait avoir été au-dessus du lot et elle est, à mon avis, trop humble pour ça.

Quand il s'agit de la Shoah, la plupart des témoignages des survivants entendus racontent le voyage aller en wagon, la vie dans les camps, leur libération... et s'arrêtent là. Nous donnant alors l'impression que les rescapés ont bénéficié d'une sorte de rapatriement sanitaire chez eux et ont repris tranquillement leur vie d'avant, comme si ce qu'ils avaient vécu après était moins digne d'intérêt. Pour illustrer ce constat, je pourrais parler de l'oeuvre de Primo Levi. Si tout le monde connaît Si c'est un homme (23645 lecteurs à ce jour sur Babelio), peu de gens connaissent en revanche l'existence de la trêve (108 lecteurs). La trêve commence là où Si c'est un homme s'est arrêté, c'est à dire à la libération du camp d'Auschwitz par les Russes et raconte le voyage de l'auteur de plusieurs mois à travers l'Europe de l'Est qui le ramènera chez lui. Si c'est un homme m'avait accablé bien sûr mais j'avais déjà été mise au courant de l'horreur des camps. La trêve a littéralement changé ma vision de la Shoah en en repoussant les frontières temporelles au delà de la fin officielle de la guerre.

Dans le pain perdu, Edith Bruck partage également toutes les difficultés matérielles, administratives et sociales qu'elle a rencontrées lors de son voyage retour. Je crois que ce qui m'a le plus marqué, c'est l'attitude hostile de la population civile mais aussi celle de la propre famille d'Edith quand enfin elle revient auprès des siens. Un témoin gênant qui empêche d'aller de l'avant. Voilà à quoi elle est réduit.
C'est là que mon admiration pour elle arrive à son comble. Cette énième épreuve ne la met pas à terre. Certes, elle a vécu bien pire. Et sans une plainte, ni rancoeur elle s'anime et commence à vivre comme elle l'entend. Dans un monde post apocalyptique où tout élément de stabilité est vécu comme un salut miraculeux, elle se met à travailler, à s'exiler et surtout à se marier par utilité non pas une, ni deux mais trois fois en quatre ans.

J'écris cette critique de longs mois après en avoir fait la lecture et je crois que j'aurais été incapable d'écrire tout ça sitôt ma lecture achevée. Preuve que le pain perdu ne vous inspirera peut-être pas instantanément, mais que vous pouvez en revanche faire confiance à la plume simple et percutante d'Edith Bruck pour graver votre coeur pour longtemps et faire de cette grande dame une indéfectible source d'inspiration.
Commenter  J’apprécie          52
Je ne comprends pas comment ce livre m'avait échappé. Mais on me l'a offert, c'est ce qui importe.

La première partie, « La petite fille aux pieds nus », suscite un maelstrom d'émotions. La petite fille aux pieds nus est absolument adorable : fine, vive, enjouée, heureuse de vivre, heureuse de sa famille, aimant l'école, adorant sa mère. Cette enfant pleine de bonheur va se cogner à l'antisémitisme, va devoir apprendre, sans comprendre, ce que c'est d'être juive, en Hongrie, en 1944. L'infernale injustice de cet apprentissage imposé à une petite fille, la brutalité aussi grande de l'impuissance de ses parents à expliquer cette situation et à en protéger leurs enfants, révoltent et soulèvent le coeur.
Tant que l'enfant pourra conserver un peu d'innocence, d'ignorance, l'auteur l'évoquera à la troisième personne, sous le diminutif de Ditke.

Mais Edith Bruck, si elle a pu préserver les souvenirs heureux d'enfance de Ditke, retrouve le « je » avec la mémoire de l'arrestation qui les conduit, elle et toute sa famille, dans le ghetto : « Je devins soudain adulte quand notre triste caravane de chariots tirés par des chevaux arriva à la gare, après avoir traversé le village. » La fracture qui massacre son enfance, Edith Bruck, en reprenant la parole, la date très précisément de ce jour-là, en mai 1944. Elle avait treize ans.

Elle a intitulé le deuxième chapitre du livre « 11152 », numéro qui lui a été attribué à son arrivée à Auschwitz où elle va survivre avec sa soeur Edit.
Une quarantaine de pages seulement, mais essentielles, pour évoquer les mois dans ce camp, puis à Dachau. « On aurait dit que le soleil s‘était éteint à jamais et que le mois des morts avait dévoré les vies ». Et après une marche de la mort, à Bergen Belsen où elle sera libérée le 15 avril 1945.

Commence alors une vie vagabonde, indépendante, souvent solitaire, d'expédients et de tâtonnements. Edith Bruck sait déjà qu'elle veut écrire, elle le savait avant même d'être déportée. Elle ne trouvera sa langue et son pays de prédilection qu'en arrivant en Italie, en 1954.

J'ai trouvé cette dernière partie un peu brouillonne, les évènements survolés sans qu'on comprenne bien leur enchaînement. Peut-être est-ce en raison de l'urgence, puisqu'elle a écrit ce texte à l'âge de 90 ans, et qu'elle souhaitait absolument l'achever.

Mais elle avait écrit, avec « « La petite fille aux pieds nus » et « 11152 », ce qui fait que ce livre est aussi indispensable que ceux de Charlotte Delbo ou Primo Levi.
Commenter  J’apprécie          314
Il m'est impossible de rédiger un commentaire sur un tel récit .
Pour le contenu , il suffit de se référer à la quatrième de couverture , particulièrement explicite sur ce qu'on va découvrir dans ce " magnifique " texte plein de vérité mais d'où tous les sentiments de vengeance ou de haine ont été laissés en cours de route pour ne conserver que le souvenir permettant de se reconstruire et la nécessité de ne pas oublier .
De tous les ouvrages écrits sur la Shoah par des historiens , des journalistes , pour " méritoires " qu'ils soient , aucun n'a la force de ceux écrits par les rescapés eux -mêmes et nous en avons un bel exemple sous les yeux .
En couvrant une grande partie de sa vie , Edih Bruck nous place au coeur de la tragédie , ravivant un questionnement fort .Pourquoi ? Où ? Comment? Qu'est ce qui peut bien pousser des hommes à en massacrer d'autres avec tant de violence , de haine , de cynisme .Et encore des questions à la libération des camps , " pourquoi moi ?pourquoi pas ceux et celles dont les corps décharnés et nus pourissent entassés les uns sur les autres ...Oui , pourquoi ce retour au pays si difficile , rejetés par les uns , raillés par leurs anciens bourreaux libres de leurs mouvements ?
Si Edith Bruck nous donne à voir , elle ne s'apitoye pas , elle nous donne à réfléchir sur l'avenir et , notamment , nous envoie de percutants messages sur le devenir de notre société , sur Notre devenir et celui de nos descendants .
Pas de pathos , pas de haine mais , surtout et d'abord , pas d'oubli .
Ce livre m'a bouleversé tout autant que " le premier homme " de Primo Levi .A eux deux , aprés leur décés , ils nous laissent l'héritage .Lire ou relire ces ouvrages entretient une mémoire qui aurait tendance à fléchir si l'on n'y prend garde . C'est comme pour les enfants " expliquer , réexpliquer " pour qu'un jour , eux - mêmes ....
Allez , bon dimanche amis et amies ; L'orage arrive et l'on n'y peut rien mais peut-être que cette lecture nous permettra d'en repousser d'autres .A bientôt .
Commenter  J’apprécie          633
Il y a déjà quelque temps que j'avais noté ce livre dans ma liste, et en lisant récemment "C'est moi François", je me suis enfin décidé à l'acheter.
Quelle destinée depuis la petite fille aux pieds nus qui courait dans les ruelles d'un village perdu de Hongrie jusqu'à la femme célèbre et honorée dans tant de cérémonies, et surtout quelle tragédie vécue dans notre vingtième siècle !
Tiszabercel est vraiment le lieu d'une enfance pauvre, tel qu'il apparaît dans certains poèmes de "Pourquoi ai-je survécu ?". La famille est parmi les plus pauvres du village, la mère élève les enfants, tout en croyant à la Providence divine, le père n'a pas de véritable profession. Elle est aussi mal vue par les autres juifs car elle ne pratique pas sa religion.
Même dans ce village reculé, l'antisémitisme gagne du terrain. Ensuite c'est l'enfermement dans un ghetto, puis la déportation à Auschwitz où la mère passe directement au four crématoire, encore d'autres camps, et finalement Bergen-Belsen. Si Edith survit, c'est grâce à sa soeur Judith qui prend soin d'elle même dans les situations les plus tragiques.
Après la guerre, comme pour tous les survivants de la Shoah, les deux soeurs subissent la difficulté de se faire entendre avant même d'être comprises, notamment par leurs autres frères et soeurs qui ont échappé à la déportation. Par la suite, leurs vies prennent des directions différentes : Judith, plus croyante, décide de s'installer en Israël ; Édith éprouve plus de difficultés pour se réadapter au monde. Elle essaie de retourner en Hongrie, puis d'émigrer en Israël, mais ce n'est pas vraiment la Terre promise dont rêvait sa mère. Elle se marie plusieurs fois, notamment pour échapper au service militaire en Israël,  elle divorce aussi plusieurs fois... Elle exerce plusieurs professions à Istanbul, à Athènes, à Zurich, avant de trouver une certaine stabilité en Italie, notamment grâce à l'écriture qui est quelque chose de très important pour elle depuis son enfance.
Edith Bruck a écrit cette autobiographie l'année de ses 90 ans, un peu avec un sentiment d'urgence car elle sent que sa mémoire commence à lui échapper. Elle se pose aussi toujours un peu la question : pourquoi avoir survécu ? Elle termine ce livre par sa superbe "Lettre à Dieu" qu'elle voulait écrire depuis ses neuf ans, dans laquelle elle évoque ses parents avec une certaine tendresse.
Aujourd'hui (je termine cette critique le 3 mai 2023), c'est l'anniversaire d'Edith Bruck. Je lui souhaite de pouvoir encore témoigner longtemps de son histoire !
Commenter  J’apprécie          110
Les livres des survivants ou survivantes de l'Holocauste révèlent des personnalités fortes et très diverses. Edith Bruck est une écrivaine originale. 

Le Pain perdu débute dans un village hongrois en 1943 . La petite fille Ditke a déjà très conscience de l'antisémitisme des villageois et des lois antisémites qui s'appliquent aussi à l'école et les brimades de la part des adultes et des enfants

Le Pain perdu, c'est celui que la mère avait préparé avec la farine qu'une voisine avait offert, qui levait et qui devait être mis au four, quand les gendarmes sont venus en 1944 chercher la famille pour la déporter vers le ghetto. "le pain", " le pain", était la plainte de sa mère devant la catastrophe imminente.

Birkenau, Auschwitz, Landsberg, Dachau,  Bergen-Belsen...

Ditke et sa soeur Judit se soutiennent après avoir été séparées du reste de la famille


Quand la guerre se termine "une nouvelle vie" s'ouvre aux deux soeurs qui recherchent d'abord les survivants de leur famille à Budapest : Sara et Mirjam les soeurs ainées mariées,  David leur frère. Elles retournent au village où elles trouvent leur maison pillée et l'hostilité des voisins.

Judit persuade Ditke à la suivre en Palestine qui était le rêve de leur mère. Edith a une autre vocation : elle veut écrire. Elle pressent que la discipline qu'on exigera d'elle lui pèsera. Elle ne supportera pas "les dortoirs"

Pour suivre sa soeur et son frère Ditke essaye de s'installer à Haïfa, se trouve un mari, marin, un travail, rêve un moment d'une maison, et même d'un bébé. Fiasco, son mari est violent ; elle divorce



Pour fuir le service militaire, elle se remarie, avec Bruck qui lui donnera son  nom d'écrivaine. Mariage blanc, elle s'enfuit devient danseuse à Athènes. D'Athènes à Istanbul, à Zurich suivant sa troupe , et enfin Naples et Rome

Pour la première fois, je me suis trouvée bien tout de suite, après mon long et triste pèlerinage. “Voilà, me disais-je, c'est mon pays.” le mot “patrie”, je ne l'ai jamais prononcé : au nom de la patrie, les peuples commettent toutes sortes d'infamie. J'abolirais le mot “patrie”, comme tant d'autres mots et expressions : “mon”, “tais-toi”, “obéir”, “la loi est la même pour tous”, “nationalisme”, “racisme”, “guerre” et presque aussi le mot “amour”, privé de toute substance. Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle.

C'est donc en Italien qu'elle écrira comme elle l'avait toujours désiré. Coiffeuse des acteurs et actrices du cinéma italien, des critiques littéraires  des cinéastes, se marie avec le cinéaste Nisi. Toujours antifasciste, elle écrit :

"En fille adoptive de l'Italie, qui m'a donné beaucoup plus que le pain quotidien, et je ne peux que lui en être
reconnaissante, je suis aujourd'hui profondément troublée pour mon pays et pour l'Europe, où souffle un vent pollué par de nouveaux fascismes, racismes, nationalismes, antisémitismes, que je ressens doublement : des plantes vénéneuses qui n'ont jamais été éradiquées et où poussent de nouvelles branches, des feuilles que le peuple dupé mange, en écoutant les voix qui hurlent en son nom, affamé qu'il est d'identité forte, revendiquée à et à cri, italianité pure, blanche... Quelle tristesse, quel danger !"

Une leçon de vie!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
Commenter  J’apprécie          80
Une leçon de vie, de courage, d'humanité, avec une conclusion coup de poing qui rend Edith Bruck encore plus admirable. Ce livre devrait être au programme scolaire, énième témoignage de la barbarie des hommes qui se répète encore et toujours, comme si l'on n'avait rien appris de l'Histoire et des atrocités passées.
Commenter  J’apprécie          00
Le Pain perdu est l'histoire d'une vie, celle d'Edith Bruck, racontée par elle-même, de façon simple, mais toujours terriblement émouvante.
La petite Edith, surnommée Ditke, a vu le jour dans un village hongrois. Elle a six frères et soeurs dont certains, plus âgés, ont déjà quitté leur famille juive dont la mère est très croyante, affirmant que c'est Dieu qui lui a donné ses enfants. Ainsi, elle néglige le rôle du père, Stein Schreiber, qui, en 1942, est exclu de l'armée parce que juif. Ce gagne-misère, comme Ditke le qualifie, sent venir la pire des catastrophes confirmée par la présence de seulement trois personnes à l'enterrement de la grand-mère de ses enfants.
Dans la vie du village, la mise à l'écart des Juifs ne suffit pas. Lorsque Ditke, première de sa classe, croise le maître d'école, celui-ci lance un « Heil Hitler ! » qui en dit long sur ce qui se prépare.
Vexations, humiliations, interdictions, petites agressions, cela n'est pas le fait de militaires ou de policiers faisant la promotion du nazisme mais tout simplement d'habitants du village avec lesquels la communauté juive vivait en parfaite harmonie, jusque-là.
Ditke vient d'avoir 13 ans quand les gendarmes brisent la porte d'entrée de leur modeste maison pour expulser toute la famille. Justement, ce matin-là, sa maman avait préparé des miches de pain. Il ne lui restait plus qu'à les enfourner quand le malheur est arrivé.
Quand toute la famille se retrouve embarquée dans un train avec beaucoup d'autres juifs, la mère de Ditke ne parle que de son pain perdu abandonné à la maison.
Le ghetto, les insultes, le pillage de tous leurs objets précieux, l'engrenage infernal est enclenché. Birkenau, Auschwitz, les chiens, la séparation et ces vies qui partent en fumée, la négation de toute humanité : l'extermination d'un peuple.
Edith Bruck raconte l'enfer qu'elle a vécu, donne des nouvelles de ses frères et soeurs, détaille les souffrances endurées. Il faut marcher, subir les maltraitances infligées par les kapos, assister au suicide de ses amies, constater l'égoïsme des fermiers refusant toute nourriture à ces femmes, à ces enfants et à ces hommes déplacés d'un camp à l'autre et affamés.
Tout cela, je l'ai lu déjà mais le récit d'Edith Bruck est poignant, terriblement émouvant, extraordinairement précis. Il ne faut pas l'oublier, jamais le passer sous silence malgré le temps qui s'écoule inexorablement. le récit, le témoignage de cette jeune fille frôlant souvent la mort, est fondamental.
Bien sûr, arrivent les soldats US, la libération des camps. Comme les Hongrois ont été déportés en dernier, ils sont rapatriés les derniers. Edith Bruck, alors, constate que leur retour n'est pas très apprécié, que Sara, sa soeur, l'accueille froidement, que dans son village d'origine on la regarde comme une ennemie.
Ditke adore écrire. Judit, sa soeur, fait partie d'un groupe sioniste et veut absolument rejoindre la Palestine. Si Ditke fuit en Slovaquie, elle est dépucelée à 16 ans, à Bratislava. S'ensuit un récit comme une épopée qui emmène notre autrice en Israël, puis en Grèce, en Turquie et enfin à Naples puis à Rome car elle a eu la chance d'intégrer une compagnie de ballet.
Il faut vraiment lire le Pain perdu pour découvrir toutes les étapes d'une vie marquée à jamais par ces années de cauchemar, moments horribles, atroces, programmés et infligés sans le moindre état d'âme à plusieurs millions de personnes dont la plupart ne sont jamais revenues.
Quand Edith Bruck découvre Herculanum et Pompéi, elle imagine avec horreur ce que vécurent leurs habitants foudroyés par une éruption volcanique en l'an 79 de notre ère.
Si Ditke est devenue Edith Bruck, c'est grâce à un extraordinaire courage et une admirable volonté de témoigner.
Pour finir, elle s'adresse directement à Dieu, le tutoie et lui reproche de n'avoir jamais rien donné à sa mère qui, pourtant, l'invoquait, le suppliait plusieurs fois par jour. Elle se pose des questions existentielles, essentielles, mettant en cause une croyance à laquelle sa mère était viscéralement attachée.
Edith Bruck, star en Italie mais inconnue en France, fut très amie avec Primo Levi dont le suicide la bouleversa. Elle s'est consacrée au journalisme, à la télévision, au roman, à la poésie mais surtout à son témoignage sur l'holocauste des Juifs, la Shoah dont le Pain perdu est un élément essentiel.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1338
Je fais partie de la vieille école qui pense qu'il faut parler, encore et encore de la montée du fascisme et de l'antisémitisme en Europe dans les années 30 et de l'horreur des camps. Parce que connaitre l'histoire, la comprendre, c'est aussi une façon de limiter le risque qu'une telle chose se reproduise.

Edith Bruck fait partie de ces rescapés des camps de la mort et, après avoir émigré en Italie où elle vit encore aujourd'hui, elle a consacré sa vie à écrire sur l'indicible. Ici, elle nous dit l'avant-déportation, alors qu'elle n'était encore qu'une enfant en Hongrie qui ne comprenait pas pourquoi ses camarades de classe ne voulaient soudainement plus jouer avec elle. Elle, la juive. Puis viennent les pages décrivant l'horreur. Les camps, les séparations, les morts, la puanteur, la soumission, l'humiliation, la faim. L'horreur. La mort. Et la faim. Encore et toujours. Elle raconte la solidarité qui se met en place parfois, et l'absence de celle-ci, souvent. Parce que quand la mort est tout autour et nous guette, c'est notre instinct de survie qui se réveille, hurle et écrase les autres.

Sa soeur et elle survivront et en sortiront, de ces camps. Après cette libération, tout est à reconstruire. Marquée à vie, au propre comme au figuré, Edith Bruck raconte l'absence de racine, le sentiment de ne plus appartenir nulle part. Les départs pour la terre promise et puis elle, qui rêve d'autre chose. Qui rêve de dire, d'écrire. C'est en Italie qu'elle trouvera l'équilibre dont elle avait besoin pour tenter de poser les mots. Mais les mots manquent. Et c'est pour cela qu'elle consacrera sa vie à l'écriture, afin de tendre vers cet idéal indicible car inexistant. Indicible car il faudrait une autre langue.

Les mots sont lucides et terribles et témoignent de l'incroyable grandeur d'esprit de cette femme hors du commun. Une femme qui dit ne pas vouloir la vengeance. Car la vengeance c'est la mort et qu'il y en a déjà eu tant.

Un récit nécessaire, pour ne jamais oublier.
Commenter  J’apprécie          80




Lecteurs (465) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1734 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}