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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Edith Bruck est née juive hongroise en 1932. Au crépuscule de sa vie, les premiers signes d'une amnésie soudaine la terrassent alors qu'elle sent encore qu'elle a à éclairer les jeunes consciences sur la tragédie de la Shoah qu'elle a vécue, rescapée d'Auschwitz où elle a été déportée à treize ans avec sa famille. le pain perdu sera son témoignage, écrit à près de quatre-vingt dix ans. Une épure de 170 pages pour revenir sur toute une vie.

Le premier chapitre, " La petite fille aux pieds nus ", est exceptionnel et rien que pour lui, Edith Bruck vaut d'être lue. En racontant l'arrestation de toute la famille dans leur village hongrois, elle parvient à saisir le territoire de l'enfance juste avec quelques détails bouleversants. Ce ruban rouge qu'elle perd et qui lui manquera lorsque sa mère entreprend de la coiffer avant de partir pour la déportation. Ce pain qui était à cuire, fabriqué avec une farine cédée par les voisins, que sa mère se désespère de voir gâcher.

Elle fait le choix de ne pas s'appesantir sur l'expérience concentrationnaire, plutôt sur les marches de la mort, peu traitées en littérature, qui l'ont conduit d'Auschwitz à Bergen-Belsen en passant par Dachau. Sa réflexion est riche et inédite, expliquant que la pauvreté de sa famille a été une clef pour survivre dans les camps, un avantage même par rapport à ceux qui étaient gâtés matériellement. Les pauvres savaient déjà que la vie était méchante et cruelle.

« Les jeunes bourgeoises, plus fragiles que nous, avaient moins de défenses, tout comme les hommes : notre vie antérieure, par sa dureté même, nous avaient avantagées et nous avions mieux résisté. Nous luttions contre les poux, contre la faim, sans jamais aller jusqu'à arracher de la bouche des autres la nourriture, contrairement à elles, qui le faisaient souvent, même entre mère et fille. L'éducation morale de maman avait porté ses fruits jusqu'à cette limite, où nous aurions, sans elle, risqué de devenir des ennemies l'une pour l'autre. »

Elle poursuit sa réflexion en se penchant sur les conséquences de la Shoah dans la construction de sa personnalité. le terrible retour dans son village hongrois natal où les juifs ne sont pas les bienvenus, sa maison d'enfance saccagée et souillée. Son errance, des désillusions d'Israël à la Tchécoslovaquie, la Grèce, la Turquie, la France, l'Allemagne, sans jamais trouver se fixer ni trouver la sérénité. Jusqu'à l'Italie, le nid où elle se sentira bien immédiatement, là où elle pourra revenir à la vie et se réinventer.

A son retour, Edith Bruck éclate de mots. La littérature devient refuge. Ecrire en hongrois l'écorche. L'italien s'imposera comme la langue du témoignage..
« Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle »

Sa parole est claire et nette. Les mots, directs et crus, presque mats, sans euphémisation, sans pathos, sans dérobades, portés par une vitalité qui transperce le lecteur et épouse l'exceptionnel caractère empreint de radicalité de l'écrivaine. Edith Bruck raconte qu'elle a été en colère lorsqu'elle a appris le suicide de son ami Primo Levi. Une colère immédiate et profonde car elle estime que les morts qui nous entourent nous donnent le devoir moral de vivre. Elle, elle recherche la lumière. La mémoire est son pain quotidien pour se construire loin de la haine. Dans la magnifique Lettre à Dieu qui clôt le livre, elle, l'athée sans illusion qui préfère la poésie à la prière, clame haut et fort que ce qui l'a préservée, c'est de ne point haïr mais d'avoir pitié de ses bourreaux.
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C'est avec une force remarquable qu'Édith Bruck nous évoque son parcours complexe, celui d'une petite fille juive, ignorant même le sens et les implications d'une telle étiquette, dans ce petit village hongrois. Il faudra peu de temps pour en comprendre les enjeux : la famille est chassée de sa maison au cours d'une rafle et Édith est acheminée vers un camp de concentration. Elle en connaîtra met plusieurs, ballotée au hasard de décisions qui la dépassent. Sans comprendre. Elle survit malgré tout et assume le difficile retour de ceux qui ont connu le pire. Avec un appétit de vivre et de multiplier les expériences, une tentative pour effacer l'horreur des souvenirs.

Edith Bruck ne sombre pas dans le sordide. Les faits ne sont pas occultés mais évoqués sans complaisance. Cela n'est plus nécessaire, de nombreux écrits ont clairement expliqué le vécu insoutenable des camps de la mort. C'est plutôt l'après qui prend le pas. le retour à la vie ordinaire, les angoisses qui persistent mais aussi un formidable élan créatif, les errances inévitables pour finalement se sentir accueillie et légitime en Italie, où elle pourra s'épanouir.

Pas de haine, pas de désignation de coupables, ni désir de vengeance, Edith Bruck conte son histoire avec un certain détachement, augmentant la puissance de ce témoignage, court et dense.

Transmission indispensable d'un drame historique qui ne doit pas disparaitre de la mémoire collective, les écrits sur la Shoah restent indispensables génération après génération.

167 pages Sous sol 7 janvier 2022
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Parfois la littérature ne reflète pas mais elle résonne.

Dans ce récit l'on n'entend pas que la voix d'Edith Bruck, l'on a l'impression d'entendre de milliers des voix, toutes celles qui se sont tues pour toujours mais qui continuent à exister dans la mémoire collective.

Au plus fort du récit certaines lignes tanguent, ivres de douleur.
Raconter l'irracontable.
En nous livrant des fragments d'existences volées en éclats, l'auteure dissèque parfois avec une glaçante lucidité l'avant, le pendant et l'après les camps.

Les juifs ont été complètement déshumanisés pendant leur détention.
Pour les survivants le retour est une épreuve compliquée et traumatisante.
On ne reprend pas sa vie là où l'on l'avait laissée.

A l'instar d'autres survivants la romancière hongroise s'est sentie amputée de la parole libératrice par ceux qui ne souhaitaient pas « savoir ».
L'inhumain se niche dans le cynisme de ceux qui ne veulent pas voir, dans les mots qui perdent leur sens et dans l'abstraction de l'autre.

Quel est le sens de la survie ?

Edith Bruck a éprouvé très rapidement le besoin et le courage d'empoigner sa mémoire traumatique pour en faire un discours libérateur.
Sa vie durant, elle mènera un long combat contre l'oubli, embrassant le devoir de mémoire et en racontant son histoire afin d'éclairer des consciences, et plus particulièrement de jeunes consciences dans le but de les alerter sur les dangers qui menacent nos sociétés.

Les survivants des camps de concentration ont l'âme tatouée d'images indicibles, indélébiles et seule la parole peut les libérer.

Raconter pour ne pas que L Histoire se répète !
Raconter pour ne jamais oublier !


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«  Lettre à Dieu: «  Je t'écris à TOI qui ne liras jamais mes gribouillis, ne répondras jamais à mes questions, à mes pensées ruminées pendant toute une vie » ….

«  Argent! Or! Objets précieux . Maudits chiens puants ! , insultes, injures qui me blessaient comme des coups de couteau » ..

«  La faim, les poux, la peur d'être sélectionnées, les maladies et les suicides contre le fil barbelé nous occupaient l'esprit jour et nuit. Des jours et des nuits qui nous semblaient des mois, des années » .

«  Nous étions des sortes d'épouvantails, flottant dans nos haillons, leur visage creusé, livide, nos genoux , nos chevilles, nos pieds crevassés d'engelures »
Quelques extraits de ce récit épuré, écrit en urgence par l'auteure , six décennies après son premier livre, elle revient, pressée , à près de 90 ans avec une sorte d'urgence sur son expérience douloureuse de la déportation .
Lu d'une traite, en apnée, elle écrit à DIEU , voir plus haut , pleine de colère à la fin de son récit, ….. si longtemps après …épouvantée par ses problèmes de mémoire ..
Née en 1932 , «  petite fille avec ses tresses blondes » il lui faut revenir , à tout prix , sur ce long chemin qui «  à elle même lui semble invraisemblable, ce conte obscur du XX ° siècle avec sa très longue ombre sur le millénaire d'après.

Ce récit stylisé, tranchant , dépouillé , émouvant , poignant , profond, entêté, sans illusion, vrai, humain , lucide , emporte le lecteur dans le sillage de cette petite fille qui s'appelait Edith Steinschreiber , née en Hongrie orientale , benjamine nommée «  Boulette » dont sa mère disait «  Cette petite morveuse, dernière née qu'elle avait chiée au monde » , au sein d'une famille juive , très pauvre, en proie à un racisme contagieux ' déjà ! , persécutée au quotidien par tous les antisémites du village .

Or, un jour de 1944 , au lendemain de Pâques , les juifs de Tsiszabercel furent brutalement réveillés dès l'aube , jetés sauvagement hors de chez eux, : «  L'enfant le plus petit pleurait——— désespéré , et ces pleurs contenaient une douleur pure , universelle . Une douleur et un cri pareils à ceux des cochons de Noël sous les longs coutelas » .

Edith conte sa malheureuse survie : le train , Auschwitz, où l'on marchait sur les cendres » , puis les camps successifs : Dachau, Kaufermg, le Landsberg, Bergen - Belsen . …..
Elle avait treize ans seulement lorsque le camp fut découvert , quand elle rencontre enfin le monde des vivants! .

À dix - sept ans , elle tenta de s'implanter en Israël , vingt - deux ans lorsque , après plusieurs années d'errance : séjours à Budapest , Bratislava, Haïfa, Athènes , elle choisit l'Italie et sa langue, «  ..Alors, je me réconciliais presque avec la vie , pas la mienne, mais avec le soleil et la mer » .
Elle s'installe alors à Rome, raconte l'enfance , la déportation , toutes les séquelles morales et physiques «  Je voudrais dire , je voudrais dire encore , je voudrais parler de l'inutilité de dire » …

Nostalgie douloureuse de la petite fille aux pieds nus, devoir de mémoire , message d'espoir , questions à Dieu , récit afin d'éclairer encore quelques jeunes consciences dans les écoles , comme elle l'a écrit, pardon du mal en qualité de témoin, expérience depuis une vie entière …
Récit chargé de douleurs et d'espoir, de faim , d'inhumanité, de pleurs, de survie , de mémoire vive à l'image de son ami Primo Levi , que je ne suis pas prête d'oublier.
Un ouvrage acheté hier que chacun devrait lire, peut - être .
«  Dans cet endroit , on apprenait tout sur l'homme et le monde » .


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Moins connu que l'oeuvre de son compatriote Primo Lévi, le récit d'Édith Bruck met l'accent sur l'une des plus grandes épreuves des rescapés de la Shoah : le retour parmi les vivants. Entre l'impossibilité de communiquer l'indicible et le dégoût que son malheur suscite, Édith choisira la fuite en avant, sauvée par sa beauté et son insatiable envie de témoigner (« Raconte-le, on ne nous croira pas, raconte-le, si tu survis, fais-le pour nous aussi », imploraient les mourants).
La stupeur, la cruauté, le voyage en train, l'attribution d'un numéro (11152), l'impensable tri, la survie dans les camps, la mort qui rôde, la question du mal (« Et comme le mal engendre le mal, de même du bien naît le bien »), les miracles d'humanité (p73)… On a beau avoir lu et relu Semprun, Kertész, Wiesel, Merle ou Spiegelman, on ne pourra jamais s'y habituer. À chaque fois cette question revient, dérangeante : comment des hommes ont-ils pu infliger un tel supplice à d'autres hommes ?
Édith Bruck n'apporte pas de réponse mais sa lettre à Dieu m'a laissée sans voix : « Nous n'avons, nous, ni Purgatoire ni Paradis, mais l'Enfer, je l'ai connu, où le doigt de Mengele indiquait la gauche qui était le feu et la droite qui était l'agonie du travail forcé, les expérimentations et la mort de faim et de froid ». Un peu plus loin, elle interroge le soi-disant tout puissant : « Pourquoi n'as-Tu pas brisé ce doigt ? Dans la Chapelle Sixtine Tu tends le Tien vers Adam – homme en hébreu – sans l'effleurer comme ce médecin qui était le Oui et le Non en prenant Ta place. Tu as permis qu'il Te remplace ! »
On lui demande souvent si elle hait ses tortionnaires. Elle répond qu'elle éprouve de la « pitié, oui, envers n'importe qui, haine jamais, c'est pour ça que je suis saine et sauve (…) »
Bilan : 🌹🌹
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Ces pains allaient enfin être enfournés
pour régaler et assouvir la faim
de cette famille nombreuse....
Quand les gendarmes sont arrivés.
ils ont embarqué parents et enfants.
Des juifs isolés puis exclus
de la vie de leur bourg hongrois .
C'est la petite de 11 ans qui nous
raconte leur voyage vers l'enfer des camps.
La mère qui regrette amèrement ces pains
perdus qu'elle ne partagera jamais avec les siens
part en fumée la première ...
Sans jamais baisser la tête ni les bras,
Ditke avance donc, au milieu des fantômes,
des SS, des kapos, des chiens et des matraques.
Sa soeur aînée l'épaule et la soutient.
L'évacuation des camps ...
Quel avenir s'inventer? Ou aller?

Édith Bruck nous confie son chemin miné
de bombes en tous genres
mais surtout, son incroyable résilience !
La langue est belle, imagée et sobre
soucieuse de retranscrire au plus juste
la réalité de son vécu.

La vitalité et l'énergie d'Edith Bruck
font de ce récit un hymne à la Vie.






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Au crépuscule de sa vie, alors que les premiers signes de cécité et d'amnésie la gagnent, Edith Bruck (89 ans) sent le besoin de revenir sur « son long chemin » qui lui semble même « invraisemblable, un conte dans la forêt obscure du XXème siècle, avec sa longue ombre sur le troisième millénaire. » Rescapée d'Auschwitz, c'est un ultime témoignage qu'elle transmet ici dans ce livre court mais puissant, pour que l'horreur de la déportation et des camps de la mort ne soit jamais oubliée.

Sa vie commence dans un petit village de la Hongrie orientale. Edith est la benjamine d'une famille de six enfants. Intelligente, bonne élève, elle aime l'écriture et la poésie. La famille, très pauvre, et de confession juive est mise à l'écart par les autres villageois, puis persécutée par les nazis. Arrestation brutale en pleine nuit, déportation vers Auschwitz, dramatique sélection à l'entrée, conditions de vie inhumaines. L'autrice décrit avec force et réalisme l'horreur du quotidien : la faim, le froid, la violence, les traitements infligés, les maladies, la mort... mais aussi la solidarité entre détenues.
Auschwitz, Dachau, Kaufering, Landsberg, Christianstadt, Bergen-Belsen, Edith et sa soeur Judit, qui ont compris qu'elles ne reverraient jamais leurs parents ni leur frère Jonas, sont transférées à plusieurs reprises à la limite de l'épuisement mais resteront ensemble jusqu'à la libération des camps par les alliés.

C'est alors pour les deux soeurs l'espoir de la liberté, du retour dans leur pays et des retrouvailles avec les autres membres de la famille. Ceux-ci hélas les traitent avec indifférence et ne les écoutent pas. Chacun a sa propre vie à préserver.

" Nos vrais frères et soeurs sont ceux des camps. Les autres ne nous comprennent pas, ils pensent que notre faim, nos souffrances équivalent aux leurs."

Après moultes désillusions et déconvenues, Edith et Judit finiront pas se séparer, chacune suivra son chemin ! Edith dont la maturité et la force de caractère impressionnent mènera, par la force des choses, une vie aventureuse, qui la mènera dans divers pays dont Israel, la Turquie, la Grèce pour enfin trouver sa nouvelle patrie : l'Italie, où elle vit depuis soixante ans. Elle exercera de nombreux métiers, serveuse, danseuse, chanteuse...
On ne peut qu'admirer la détermination, la vitalité et la force d'Edith Bruck pour se reconstruire.

Son témoignage est puissant et force le respect. Pas de pathos dans son livre, mais un style d'écriture sec, beau, factuel et réaliste. Un devoir de mémoire indispensable.


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Vous allez vous dire « encore un récit sur Auschwitz et les camps de concentration », et vous aurez raison. Mais personnellement, en ces temps troublés par l'invasion de l'Ukraine, je pense qu'il est nécessaire de rappeler, encore et encore, ce que l'homme a été capable de faire subir à ses semblables. Et puis ce qui est remarquable dans ce récit, c'est que l‘auteure nous apporte un témoignage sur ce qu'a été sa vie avant et après sa détention dans les camps de la mort.

« La peur, que les parents tentaient de dissimuler aux plus jeunes de leurs enfants, s'exprimait par une impatience, une nervosité, des interdictions de sortir ou de se défier à la course dans les ruelles. » Edith Bruck est née en Hongrie en 131. Enfant, elle se rend très vite compte qu'une différence est faite entre ses deux amies juives, elle- même et les autres enfants. Même si son jeune âge ne lui permet pas de tout comprendre, elle perçoit très bien la menace grandissante qui pèse sur la tête de toute sa famille et de celle de ses amies.

« - Si une nullité merdeuse, une Juive immonde a le courage de porter la main sur un Allemand, si elle le fait, elle mérite de survivre. Dieu vous maudisse ! » Un matin, les militaires les emmènent dans un ghetto, puis les embarquent dans un wagon à Bestiaux à destination d'Auschwitz, où le docteur Mengele décidera du destin de chacun dès leur descente du train. Faim, saleté, coups et humiliations deviennent le quotidien d'Edith et de Judit, sa soeur aînée.

« Nous avons vécu dans l'agonie, au milieu des morts, dans le froid, la faim jusqu'au dernier appel du 15 avril, mais de l'aube à neuf heures, personne n'est venu nous compter. La kapo qui nous mettait en rang à coups de bâton, parce que certaines d'entre nous ne pouvaient tenir debout, avait disparu.
L'abandon total signifiait- il la mort ? » Et puis les Américains, et puis les marches de la mort et une arrivée au milieu de nue part, fantômes faméliques et hagards. Peu à peu, on réapprend à vivre, mais à quel prix ? L'Histoire a fait table rase du passé ; plus de maison, plus de famille ; on fait comment pour se reconstruire ?

Au final, un témoignage touchant qui m'a fait penser à celui de Marceline Loridan- Ivens, dans son désir de vivre hors les murs, loin de la promiscuité et avec un accès illimité à la liberté. Quand on se rend compte, à treize ans, de la violente brièveté de la vie, on ne peut que rêver d'en profiter au maximum, non ? Un récit parfois complexe à lire du fait de la langue mais essentiel à l'Histoire.
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Les esprits chagrins penseront à un énième livre sur les camps ; un énième témoignage qui ressemble finalement aux précédents.
Oui, c'est vrai, d'autres avant Edith Brück ont pris la plume pour dire l'indicible. On pourrait penser que tout a été dit, que désormais, tout le monde sait.
Il n'en reste plus tant que cela de ces hommes et femmes qui ont connu la Shoah. Edith Brück est de ceux-là, derniers témoins vivants d'une tragédie qui aurait dû servir de leçon. Et pourtant, l'histoire plus récente a prouvé qu'il n'en était rien, et qu'il fallait encore et encore dire, raconter, écrire pour sans cesse rappeler aux générations suivantes que rien, rien n'est jamais acquis !
Edith Brück est très âgée, sent que sa mémoire s'en va. A l'instar de son compatriote Primo Levi, elle prend la plume pour témoigner à nouveau sur son vécu. Elle qui après sa sortie des camps a eu du mal à trouver sa voie, à s'installer quelque part, à se stabiliser, rend un hommage vibrant à sa patrie d'adoption, l'Italie tout en étant d'une grande lucidité sur les dangers à venir.
En quelques 170 pages, Edith Bruck nous livre un texte émouvant, avec en particulier les dernières pages poignantes sous la forme d'une Lettre à Dieu, qu'elle nomme le Grand Silence.
Chaque témoignage est unique, aucun n'est de trop, ni inutile ! A commencer par celui-là !

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Edith Bruck est née en Hongrie en 1931, dans une famille juive pauvre aux confins de l'Ukraine et de la Slovaquie Elle a cinq frères et soeurs, c'est une petite fille gaie qui aime l'école et son village. Sa mère est très religieuse et se réfère à Dieu pour tout. Puis ce seront les premières persécutions, le départ brutal pour le ghetto de Sátoraljaújhely et ensuite la déportation de la famille à Auschwitz. Elle a tout juste treize ans. Un soldat allemand lui sauve la vie en l'obligeant à se séparer de sa mère et à prendre la bonne file.

La suite rejoint bien des témoignages, tout en étant unique comme à chaque fois. Elle a la chance d'être avec une de ses soeurs et elles ne se quitteront pas, camp après camp. Elles connaîtront la faim, le froid, les coups, une marche de la mort mais vont s'en sortir toutes les deux et se jurer de ne plus se quitter. Elle a seize ans.

La libération ne signifie pas pour autant une vie pleinement retrouvée. Personne ne les attend, elles ne sont les bienvenues nulle part. Elles retournent en Hongrie où une de leurs soeurs a échappé à la déportation et a fait un mariage bourgeois. Elle ne veut rien savoir de ce qu'Edith a vécu. La cohabitation n'est pas possible très longtemps.

Edith va commencer une vie d'errance, la Tchécoslovaquie, l'Allemagne, la France, Israël, où elle ne s'adapte pas du tout et ne supporte pas l'aspect militaire de la société. Elle vit de petits boulots, se lance dans la danse et la chanson, jusqu'au jour, où elle arrivera en Italie, où elle se sentira immédiatement chez elle, avec enfin une existence possible.

Edith a une forte personnalité ; sortie des camps elle sait qu'elle ne se laissera plus dicter sa conduite par personne, pas même par sa soeur. Leurs routes vont se séparer. Edith prend des chemins qui ne plaisent pas à sa famille, elle n'en aura cure et suivra sa voie. Elle se débrouille comme elle peut, fait des erreurs, mais va de l'avant. A vingt ans elle s'est déjà mariée et a divorcé trois fois.

C'est parce qu'à 90 ans Edith Bruck a senti sa mémoire défaillir qu'elle s'est lancée dans ce court récit pour ne rien perdre de ce qu'elle a vécu. Elle écrit et raconte sans fioritures, allant droit au but. J'ai été autant touchée par la partie liée aux camps que par l'après-libération, ces longues années où les survivants ont continué à être ignorés, livrés à eux-mêmes dans des sociétés toujours hostiles à leur présence.

A signaler que la collection Points sort également "Qui t'aime ainsi" premier récit édité en Italie en 1959. Ainsi qu'un recueil de poèmes "Pourquoi aurais-je survécu ?"
Lien : http://legoutdeslivres.haute..
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