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« [Homéo] – [morphe] : [de même] – [forme] ». Imaginez une sorte de roman somme, à la fois policier et familial, roman de haine et d'amour et de rédemption, à l'ambiance sombre et poétique. Sur fond de contexte soviétique. Ajoutez-y les échecs et les mathématiques en ingrédients, et vous aurez peut-être une idée de ce qu'est « Homéomorphe ». On dit des primo-romanciers qu'ils ont parfois tendance à vouloir mettre trop de choses dans leur premier ouvrage, comme s'ils avaient peur de s'arrêter là, comme s'ils voulaient trop prouver. Ça pourrait être le cas ici, à une nuance près : c'est magistralement réussi.

Entrer dans « Homémorphe », c'est entrer dans un univers sombre et marqué, où les ombres sont omniprésentes. Celles de l'environnement, celle d'Ivan revenu sur les lieux de sa vie en spectre curieux des évènements. Un guide narrateur qui se glissera dans la vie de son frère Dmitri, à revisiter le passé et la relation entre Dmitri et son père, « spectre d'une haine qui n'est pas de ce temps ». Il y a entre les deux des zones d'ombre : l'accident de Décembre 95 qui a coûté la vie à la mère et à Ivan, et puis ce vieux pull vert retrouvé sur les lieux, appartenant sans doute au mystérieux conducteur. On pourrait croire que Dmitri s'en est vite remis, lui le mathématicien génial auteur de trois articles en mars 96 en sortie de coma, lui ayant valu la médaille Fields. On pourrait croire qu'il s'en est sorti, l'enfant «fragile et inoffensif », sorte d'autiste plongé dans ses livres aux formules de topologie algébrique. On pourrait croire qu'il a réussi sa vie, si ce n'étaient les 25 dernières années de son existence, imbibées de vodka dans une cabine téléphonique du Quartier.

Se plonger dans « Homéomorphe » c'est aussi découvrir le lieu de leur enfance dans la banlieue de Kiev, « où une débâcle de cette ampleur est un travail d'équipe » . le lieu de destination des exilés de la société à l'époque où le Parti envoyait ceux « qu'il voulait écarter du monde, sans les envoyer aux travaux forcés ». La mafia a fini par s'emparer du Quartier, et rien n'a changé. «  Ces fenêtres défoncées, barricadées et redéfoncées. Ces murs qui se décomposent, qui se fissurent. Toujours ces lampadaires tordus qui assurent leur ministère en dépit de tout. » Ivan y erre en terrain miné et connu, penché aussi sur l'épaule de Mikhaïl dans sa Trabant, l'inspecteur aux yeux bleus et au regard de glace, infiltré pour en découvrir plus chez les Vors Un inspecteur comme le chien pas si fou d'un jeu d'échecs, enclin à bouger les pions, à chahuter les lignes et déployer à la muette « l'attaque tournante ».

Lire « Homémomorphe », c'est s'imprégner d'une langue à la fois puissante et glissante, à la poésie souvent éclatée en fins de paragraphe dans des strophes de vers en prose libre. Une langue où l'amour y est souvent noire, tout comme la lumière, la douleur ou le sang.
Mais lire « Homéomorphe », c'est aussi prendre conscience d'une chose. On ne comprendra pas tout. Il en va ainsi de ses lemmes de topologie algébrique bien mystérieux pour le profane, en exergue des chapitres, dont les éléments sont -de temps en temps, repris dans le déroulé de l'intrigue. Des formules qui dépassent l'entendement tout comme elles semblent expliquer les choses dans leur complexité. Comme si les mots manquaient et qu'il avait fallu se tourner du côté des équations pour contenir le monde, son mystère et son impénétrabilité. Mais le lecteur aurait tort de se passer de ces éléments hermétiques. Leur usage peut finir par dégager un supplément d'âme incontrôlable et magique à la langue déjà riche du roman, pour aller titiller quelque chose de futile ou d'essentiel, c'est selon. À l'instar des articles de Dmitri, dans une sorte de flirt évanescent des mathématiques avec.... La poésie.
«— Comment ça, de la poésie ?
— Lisez ses articles. Ses phrases, ses équations s'organisent selon un rythme qui leur est propre. Lisez-les, je vous dis, même si vous n'y connaissez rien. Vous verrez : vous n'avez rien lu de tel. »

Sortir d'« Homéomorphe », c'est se dire qu'on a été couillon de croire qu'il fallait du courage pour y entrer. C'est avoir envie de s'y replonger pour le plaisir et pour éclaircir les points encore obscurs, comme dans un texte au profil culte, unissant mathématiques et littérature. C'est l'envie de recommencer ce voyage au bout d'un univers peuplé d'ombres, un voyage sombre et poétique et stratégique, un voyage au bout d'un grand texte à la beauté sombre qui mettra souvent échec et mat... le lecteur.
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Après un démarrage époustouflant, j'ai passé l'essentiel de ma lecture à me demander si ce livre était génial ou inepte. Je penche finalement pour le moyen terme : c'est un premier roman.
Côté coup de coeur : une atmosphère particulièrement réussie. Un père et un fils seuls survivants d'une famille décimée par un accident de voiture, qui se haïssent autant qu'ils s'aiment. Deux mathématiciens, l'un prodige, l'autre raté, tout deux protégés par les caïds locaux d'une cité soviétique abandonnée de Dieu et du diable. Un vieux pull ensanglanté. Et surtout un style intrigant, presque hypnotisant, qui conjugue poésie et formules mathématiques incompréhensibles aux non-initiés. Ça donne:

« Toute variété topologique de dimension 3 a une unique structure PL et essentiellement une unique structure différentiable.

Il est des ouvertures qui annoncent le sang – et ce n'est pas tant la manière de défoncer la porte ou de l'ouvrir calmement qui compte
que les regards de propriétaires,
que les armes lourdes,
que le calme parfait avec lequel ils entrent. »

(Précision qui n'est pas dénuée d'importance : c'est le frère mort qui guide le lecteur. Il ne comprend pas tout et le lecteur encore moins.)

Donc, disais-je, au début, j'étais clairement en mode wahou, yeux écarquillés et narine palpitante. Mais Brunel, au lieu de se contenter de ses maths, de sa famille dysfonctionnelle, de ses vers libres, de ses bas-fonds et de son fantôme, a cru bon de charger encore la barque - et pas qu'un peu. Il évite pourtant le naufrage : c'est vous dire s'il est doué. Mais il rame et nous avec.
Alors, déjà, il ajoute la métaphore du jeu d'échecs. J'ai dû lire quelque part que « Echec et mat » voulait dire un truc du genre « J'ai tué papa nanananère», ce qui laisse d'abord penser que la métaphore en question n'est pas dénuée de pertinence. Mais très vite, des qu'un personnage réfléchit un tant soit peu avant d'agir, paf, c'est Kasparov, et chaque parole ou chaque geste semble pouvoir être analysé comme la preuve d'une tactique machiavélique où tout est prévu (sauf peut-être mon exaspération qui point).
Ensuite, comme une famille dysfonctionnelle ne suffisait pas, Brunel en ajoute une deuxième. Dans la première, l'autiste génial vit dans une cabine téléphonique dont il ne s'extirpe que pour être accusé d'avoir trucidé Papa ; dans la seconde, l'orphelin anorexique culbute une jeune héritière de la nomenklatura qui meurt en accouchant de l'enfant conçue la nuit même de leur coup de foudre. Si, si.
De toute façon, Brunel se prend pour Dostoïevski et tous ses personnages suent l'excès par tous les pores: le flic génialement génial, l'infirmière dévotement dévouée, le malfrat indestructiblement indestructible… Décidément, tant de clichés feraient croire que Brunel lorgne au moins autant du côté de Barbara Cartland.
Quant aux formules mathématiques qui ouvrent chaque chapitre, elles finissent par contaminer tout le texte. Au début, elles créent une agréable étrangeté : « il s'avance dans l'obscurité à courbure strictement négative du couloir. » Mais, très vite, cela tourne au procédé et en devient franchement ridicule : « Yefim a sorti un Beretta qu'il avait chopé et il l'a pointé sur le mec. Mais le mec ne bougeait pas – et sa peur était une sphère de rayon r dans l'espace euclidien de dimension (n + 1).  » Vous m'en direz tant.
Enfin, l'erreur la plus manifeste est l'épaisseur du roman. 528 pages quand même, et pas toutes indispensables à mon humble avis. Or, s'il y a une caractéristique commune aux maths et à la poésie, c'est bien la concision. L'art d'exprimer un monde en quelques phrases définitives. « Complètement immergé dans ses feuilles de calculs, Dmitri affine ses hypothèses, il les réduit à leur plus simple expression. Il a toujours aimé ce moment ; quand il s'agit d'élaguer. Quand chaque mot doit être à sa place et non plus perdu dans le bouillonnement de l'inspiration. » Voilà. C'est ça. Fallait élaguer. Ou alors écrire 528 pages sur l'art épistolaire au XVIII °. Mais quand on veut célébrer Grigori Perelman, mathématicien russe qui démontra en 39 pages seulement la conjecture de Poincaré, on la fait courte.
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Puissant et sensible comme seuls peuvent l'être les premiers romans, Homéomorphe témoigne pourtant d'une maîtrise remarquable, tant de la langue que de la construction. Drame familial, chronique sociétale et sociale, histoire d'amour, enquête, récit d'une enfance à part, d'une fraternité fusionnelle – ce roman est tout cela. Les mathématiques, à la fois en son coeur et simplement en filigrane, sont transformées en or liquide, en poésie pure, en soleil noir. Lire Homéomorphe, c'est être étourdi par ce récit diffracté, par son intelligence grandiose. C'est un voyage qui bouleverse et ne s'oublie pas (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/01/19/homeomorphe-yann-brunel/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Dmitri est dans un couloir d'hôpital, serrant un pull vert tâché de sang. Son père n'est pas loin, allongé dans une chambre. Un policier en garde la porte. Trompant sa vigilance, Dmitri entre et s'approche de ce corps usé. Il sort l'économe qui ne le quitte jamais… C'est le début de la fin à toutes ses questions, à cette vie disloquée qui s'est brisée un jour de décembre 1995 et qu'aucun de ces deux hommes n'arrivent à dépasser…

Homéomorphe est un roman à l'ambiance particulière, comme suspendue. Remplie de mathématiques, de formules, de chiffres mêlés aux lettres, l'histoire emporte dans un tourbillon. La tension monte au fil des chapitres et se lit un peu comme un thriller. L'écriture est d'une maitrise impressionnante pour un premier roman.

Dans Homéomorphe, on rencontre la famille P. le père, la mère et les deux frères, inséparables. Un an les sépare. Ivan protège le plus jeune, Dmitri, qui deviendra quelques années plus tard, une légende des mathématiques.
Ils vivent au Quartier, en banlieue de Kiev, un territoire qui échappe à tout contrôle, avec une violence omniprésente et des clans qui règnent en maître.
Le 5 décembre 1995, un grave accident de voiture tue prématurément Natalia et Ivan qui meurent sur le coup. Dmitri est grièvement blessé et reste 4 mois dans le coma. Il ne retournera jamais chez lui, la haine au corps, les mathématiques en tête et la vodka comme seul horizon.

Que s'est-il passé dans cette chambre d'hôpital ? Pourquoi étaient-ils seuls au moment de l'accident ? Qui était cet homme avec Natalia ?
25 ans plus tard, l'enquête est relancée et c'est l'occasion pour chacun de répondre aux questions de toute une vie…

« Au-dessus du monde, mais pas armé pour vaincre »… Homéomorphe est l'histoire tragique de destins brisés, dont les silences empoisonnent l'existence, éloignent le pardon et retirent tout espoir en un avenir meilleur…
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D'abord il y a Dmitri qui distingue une ombre. Perdus avec lui dans une réalité floue, nous suivons ses pensées, aussi emmêlées que subtiles, qui épouse la cohérence d'équations mathématiques pour dire le monde. Alors forcément, cette poésie d'une beauté folle, mais a priori hermétique, perturbe la lectrice néophyte, sourcils froncés, qui se demande dans quoi elle est entrée en entamant cette lecture. Mais la langue est percutante, la phrase qu'on rejette à la ligne bat comme un pouls, résonne aux oreilles et le charme opère.

Puis voilà Ivan, spectre-narrateur, il est là avec son frère, Dmitri dans ce couloir d'hôpital, et on le suit auprès du père, Vladimir, blessé, dans une des chambres. Que s'est-il passé entre le père et le fils? Pourquoi Dimitri tient-il un pull dans ses mains, comme si sa vie en dépendait? Et quel rapport y a-t-il avec l'accident de voiture survenu 25 ans plus tôt et qui a coûté la vie à Ivan, et à la mère des deux frères?

Afin de démêler les fils de cette tragédie, Y.Brunel nous entraîne dans un monde énigmatique d'une ville post-soviétique dominée par la violence et la misère, dans la résolution d'une équation familiale complexe, celle qui naît de l'accident de décembre 1995, qui a rendu l'existence du génie des mathématiques qu'est Dmitri aussi insoluble que les raisonnements qui naissent dans son esprit perturbé. Et la lectrice se laisse porter, parce que Yan Brunel possède un style unique, d'une précision arithmétique, d'où surgit la beauté, l'émotion, au milieu du chaos et de la haine, particulièrement dans les scènes de rencontres amoureuses (Ivan ❤) .

Policiers, mafieux, amis d'enfance ou amour de jeunesse, formules mathématiques, chacun des éléments qui apparaissent sur l'échiquier de l'histoire possède une fonction propre, pour que coups après coups, l'auteur élabore son récit, et c'est brillant! Le Quartier où évoluent les personnages a surgi dans mon imagination, avec un réalisme troublant, d'une puissance visuelle et poétique qui ne peut laisser indemne!

Vous l'avez lu? Si non, vous êtes tenté.e.s j'espère?! Parce que j'ai adoré me perdre dans les méandres sophistiqués de ce premier (!) roman bluffant!
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Les mathématiques sont-elles Homéomorphes à la poésie?

C'est ce qu'on déduit à la lecture de ce roman de Yann Brunel qui nous emmène dans le «Quartier», ancienne zone de relégation soviétique où règne la violence des gangs.

Quand la police découvre Vladimir P. chez lui dans une mare de sang, tout porte à croire que c'est son fils Dmitri le responsable. le jeune prodige en mathématiques multi primé a quitté le domicile en 1996 à l'âge de 15 ans, après l'accident qui a coûté la vie à sa mère et son frère Ivan et mène depuis 25 ans une vie de SDF dans une cabine téléphonique jonchée de bouteilles de vodka.

Le jeune policier Mikhaïl va mener l'enquête pour découvrir l'agresseur de Vladimir en élaborant une stratégie inspirée d'une partie d'échecs et tenter de faire resurgir le passé pour comprendre d'abord ce qui s'est vraiment déroulé il y a 25 ans, le jour de l'accident.

Un passé tellement flou et embrumé qu'il semble remonter à mille ans, tant le silence s'est installé pour enfouir les souffrances de ceux dont les yeux se sont couverts de poussière et dont le coeur s'est empli d'une colère sourde.

Un flou dans lequel nous sommes plongés nous aussi dans le première partie du roman où apparaissent plusieurs inconnues.
Mais au fur et à mesure de l'enquête, les pièces se mettent en place notamment grâce à l'intervention spectrale d'Ivan dont les souvenirs dissipent les zones d'ombre. Mais des zones d'ombre, il en restera car ce n'est pas tant la vérité qui importe mais la voie vers le pardon.

Homéomorphe est d'une maîtrise impressionnante pour un premier roman qui dévoile l'histoire d'une famille fracturée à la manière d'une intrigue policière. L'atmosphère sombre et très visuelle de ce quartier de banlieue de Kiev est extrêmement bien rendue dans des nuances de jaune et de noir. J'ai particulièrement aimé les personnages adolescents isolés dans leurs peurs et leurs douleurs.

Un texte haletant sublimé par des envolées poétiques et qui a réussi à m'arracher une larme.
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Magistral ! Sublime ! Époustouflant !
« Homéomorphe » a l'ardeur, la puissance, la sensibilité, la profondeur, la magie d'un premier roman sans en avoir aucune des maladresses. Un premier roman qui peut rivaliser avec les plus grands !
Ne vous laissez pas intimider par le titre ou les formules de mathématiques placés en exergue, « Homéomorphe » se lit comme un thriller.

Dmitri attend dans un couloir d'hôpital des nouvelles de son père, Vladimir, un vieux pull vert taché de sang à la main. Il en repart encadré par deux policiers qui le conduisent au commissariat, accusé de coups et blessures sur la personne de son père par ce même père.
Libéré bien vite grâce à l'intervention de l'élégant Marquis, un des chefs les plus puissants du Quartier (nom d'un territoire abandonné, zone de non-droit en banlieue de Kiev) il se rend à l'appartement familial où son père vit seul et où il n'a plus mis les pieds depuis le 5 décembre 95, c'est-à-dire 25 ans auparavant.
Ce jour-là, sa mère et son frère Ivan 17 ans, mourraient dans un accident de voiture.
Dmitri, un peu autiste, surdoué, mathématicien de génie qui en 3 articles a révolutionné les mathématiques à l'âge de 16 ans, champion d'échecs, mène une existence de clochard depuis mars 96, dormant dans une cabine téléphonique.
Mais Dmitri va enfin se décider à affronter son père dans le huit-clos de l'appartement de son enfance.

Que s'est-il passé en 95 et en 96 ? Pourquoi le puissant Marquis protège-t-il Dmitri ?
Grâce à Ivan, frère disparu trop tôt, spectateur et narrateur spectral, et aux allés -retours entre passé et présent, tout va finir par sortir de l'ombre pour le lecteur.
.
« Homéomorphe », c'est un roman dans lequel il s'agit de malédictions individuelles et collectives, de pardon, d'ombre et de lumière, d'amour, et surtout d'humanité.
C'est un roman somptueux, sophistiqué, à l'ambiance magnétique, qui relate le destin tragique d'une famille. C'est à la fois une enquête, une histoire d'amour, un roman familial et une chronique sociale.
C'est une immersion totale au sein d'une zone de relégation soviétique abandonnée. C'est l'intensité d'une lecture qui vous remue profondément. C'est une prose sublime. C'est de la grande littérature.
Dès les premières lignes, la poésie de la langue de Yann Brunel vous attrape pour ne plus vous lâcher.
Enfin, c'est un roman dont on ne ressort pas indemne.
Quelle entrée en littérature !
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Le Quartier est une zone de non droit instituée pendant la période soviétique à Kiev. Sorte de Goulag sans le dire, ce Quartier est une prison, à la fois sociétale et psychologique.
Dans ce lieu emblématique tant de la violence soviétique que du désarroi post-soviétique, un drame familial se déroule.
Dmitri, génie des mathématiques, médaille Fields à 15 ans affronte son père, Vladimir, professeur de mathématiques, tous deux survivants suite à un accident de voiture ayant tué Natalia, la mère et Ivan, le frère.
Chaque acte du régime soviétique a eu un impact sur les personnages de ce roman fulgurant. Chaque habitant du Quartier à sa propre histoire à raconter, dépeint une facette de ce monde à part, qui fonctionne selon ses propres règles.
Ce thriller psychologique asphyxie tant sur le fond que sur la forme. Les deux protagonistes qui s'affrontent déploient leurs tactiques tels des joueurs d'échec. Peu à peu la toile se tisse, comme une théorie de mathématiques s'esquisse, à force de thèses, d'hypothèses, et de transpositions.
Alors que chacun des personnages recherche la vérité sur ce qui a réellement détruit la famille P., on assiste à une distorsion du temps et de l'espace, à une double lecture qui donne encore plus de force à ce premier roman ultra prometteur.
@netflix_france_ vous tiendriez là une série fantastique
Lien : https://leloupdanslalibrairi..
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Le Quartier est une "ancienne zone de relégation soviétique" avec guerre des clans, drogue, trafics, bâtiments en ruines et squats dominés par un certain Marquis et son acolyte l'Immanus.
Pourquoi Vladimir P, honorable mathématicien, et sa famille ont-ils habité dans ce espace de non-droits ? Et que s'est-il réellement passé lors de l'accident de voiture qui coûta la vie à sa femme et à l'un de ses fils, il y a 25 ans ? Pourquoi Dmitri le survivant voue-t-il une telle haine à son père ? Depuis ce génie des mathématiques vit en clochard dans une cabine téléphonique, s'abreuve de vodka et refuse toutes les invitations et les récompenses dues à son prestige.
Quand le policier Mikhaïl s'infiltre dans le quartier il va reconstituer les liens entre tous les personnages, de l'infirmière Marie à son chef du KGB, dans un véritable jeu d'échecs entre humains.
Autopsie d'un quartier, autopsie d'une famille dans une langue où les mathématiques deviennent poésies, où la violence des sentiments et la présence du frère décédé sont rendues palpables.
Un premier roman magistral !
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Un roman au titre qui nécessite une recherche dans le dictionnaire, un bandeau de couverture qui aligne des formules mathématiques, des titres de chapitres qui ressemblent à des équations ou des théorèmes et quelques cinq cents pages dans Le Quartier, banlieue XXL russe qui n'a rien d'attrayant. La sélection de Prix Boostagram pour le premier roman francophone nous réserve décidément des surprises.

Et quelle surprise !

Embarquement dans un espace temporel situé entre l'URSS de la grande époque, où on prend soin de son élite dans des établissements de haut rang mais où des zones de non droit sont déjà sous la coupe de gangs qui défendent leur territoire par des méthodes d'une violence inouïe, et la Russie post époque soviétique (le grand empire n'a pas encore explosé).

Ce roman nous entraine dans un monde où il est plus facile de résoudre des équations ultra complexes que celles qui ont trait à l'amour, l'amitié ou la famille. le livre est construit telle une partie d'échec : certains avancent leur pièces, d'autres agissent selon une stratégie inconnue, l'objectif étant d'arriver à résoudre un problème à plusieurs inconnues : que s'est-il réellement passé le soir du 5 décembre 1995 dans la famille P. ? Qui est le mystérieux propriétaire d'un pull vert retrouvé sur les lieux de l'accident qui a vu périr la moitié de la famille P. ?

La galerie des personnages de l'entourage de Dmitri et de Vladimir, les deux rescapés, est digne de celle des romans d'un certain Fedor Dostoïevski. Ils sont scrutés au plus profond d'eux-mêmes, leur âme est disséquée pour tenter de mieux comprendre les forces obscures et inavouables qui s'agitent dans un magma de violence, de vodka et de drogues.

C'est sombre, noir, glauque même parfois. Sauf que la magie de la plume de ce primo romancier, tel Dmitri prenant son crayon et alignant les équations pour aller décrocher la médaille Fields, vient nous éclairer d'une poésie qui traverse cette noirceur et nous éblouit par sa beauté.

En lisant ce premier roman, il faut accepter de ne pas tout comprendre (ces fameux lemmes de topologie algébrique en tête de chapitre), mais on se laisse porter par l'histoire, emporter par l'écriture, par cette poésie qui m'a parfois fait penser à celle de Joseph Ponthus (À la ligne).

C'est magistral !
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