AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,11

sur 37 notes
5
8 avis
4
1 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« [Homéo] – [morphe] : [de même] – [forme] ». Imaginez une sorte de roman somme, à la fois policier et familial, roman de haine et d'amour et de rédemption, à l'ambiance sombre et poétique. Sur fond de contexte soviétique. Ajoutez-y les échecs et les mathématiques en ingrédients, et vous aurez peut-être une idée de ce qu'est « Homéomorphe ». On dit des primo-romanciers qu'ils ont parfois tendance à vouloir mettre trop de choses dans leur premier ouvrage, comme s'ils avaient peur de s'arrêter là, comme s'ils voulaient trop prouver. Ça pourrait être le cas ici, à une nuance près : c'est magistralement réussi.

Entrer dans « Homémorphe », c'est entrer dans un univers sombre et marqué, où les ombres sont omniprésentes. Celles de l'environnement, celle d'Ivan revenu sur les lieux de sa vie en spectre curieux des évènements. Un guide narrateur qui se glissera dans la vie de son frère Dmitri, à revisiter le passé et la relation entre Dmitri et son père, « spectre d'une haine qui n'est pas de ce temps ». Il y a entre les deux des zones d'ombre : l'accident de Décembre 95 qui a coûté la vie à la mère et à Ivan, et puis ce vieux pull vert retrouvé sur les lieux, appartenant sans doute au mystérieux conducteur. On pourrait croire que Dmitri s'en est vite remis, lui le mathématicien génial auteur de trois articles en mars 96 en sortie de coma, lui ayant valu la médaille Fields. On pourrait croire qu'il s'en est sorti, l'enfant «fragile et inoffensif », sorte d'autiste plongé dans ses livres aux formules de topologie algébrique. On pourrait croire qu'il a réussi sa vie, si ce n'étaient les 25 dernières années de son existence, imbibées de vodka dans une cabine téléphonique du Quartier.

Se plonger dans « Homéomorphe » c'est aussi découvrir le lieu de leur enfance dans la banlieue de Kiev, « où une débâcle de cette ampleur est un travail d'équipe » . le lieu de destination des exilés de la société à l'époque où le Parti envoyait ceux « qu'il voulait écarter du monde, sans les envoyer aux travaux forcés ». La mafia a fini par s'emparer du Quartier, et rien n'a changé. «  Ces fenêtres défoncées, barricadées et redéfoncées. Ces murs qui se décomposent, qui se fissurent. Toujours ces lampadaires tordus qui assurent leur ministère en dépit de tout. » Ivan y erre en terrain miné et connu, penché aussi sur l'épaule de Mikhaïl dans sa Trabant, l'inspecteur aux yeux bleus et au regard de glace, infiltré pour en découvrir plus chez les Vors Un inspecteur comme le chien pas si fou d'un jeu d'échecs, enclin à bouger les pions, à chahuter les lignes et déployer à la muette « l'attaque tournante ».

Lire « Homémomorphe », c'est s'imprégner d'une langue à la fois puissante et glissante, à la poésie souvent éclatée en fins de paragraphe dans des strophes de vers en prose libre. Une langue où l'amour y est souvent noire, tout comme la lumière, la douleur ou le sang.
Mais lire « Homéomorphe », c'est aussi prendre conscience d'une chose. On ne comprendra pas tout. Il en va ainsi de ses lemmes de topologie algébrique bien mystérieux pour le profane, en exergue des chapitres, dont les éléments sont -de temps en temps, repris dans le déroulé de l'intrigue. Des formules qui dépassent l'entendement tout comme elles semblent expliquer les choses dans leur complexité. Comme si les mots manquaient et qu'il avait fallu se tourner du côté des équations pour contenir le monde, son mystère et son impénétrabilité. Mais le lecteur aurait tort de se passer de ces éléments hermétiques. Leur usage peut finir par dégager un supplément d'âme incontrôlable et magique à la langue déjà riche du roman, pour aller titiller quelque chose de futile ou d'essentiel, c'est selon. À l'instar des articles de Dmitri, dans une sorte de flirt évanescent des mathématiques avec.... La poésie.
«— Comment ça, de la poésie ?
— Lisez ses articles. Ses phrases, ses équations s'organisent selon un rythme qui leur est propre. Lisez-les, je vous dis, même si vous n'y connaissez rien. Vous verrez : vous n'avez rien lu de tel. »

Sortir d'« Homéomorphe », c'est se dire qu'on a été couillon de croire qu'il fallait du courage pour y entrer. C'est avoir envie de s'y replonger pour le plaisir et pour éclaircir les points encore obscurs, comme dans un texte au profil culte, unissant mathématiques et littérature. C'est l'envie de recommencer ce voyage au bout d'un univers peuplé d'ombres, un voyage sombre et poétique et stratégique, un voyage au bout d'un grand texte à la beauté sombre qui mettra souvent échec et mat... le lecteur.
Lien : https://www.benzinemag.net/2..
Commenter  J’apprécie          4912
Puissant et sensible comme seuls peuvent l'être les premiers romans, Homéomorphe témoigne pourtant d'une maîtrise remarquable, tant de la langue que de la construction. Drame familial, chronique sociétale et sociale, histoire d'amour, enquête, récit d'une enfance à part, d'une fraternité fusionnelle – ce roman est tout cela. Les mathématiques, à la fois en son coeur et simplement en filigrane, sont transformées en or liquide, en poésie pure, en soleil noir. Lire Homéomorphe, c'est être étourdi par ce récit diffracté, par son intelligence grandiose. C'est un voyage qui bouleverse et ne s'oublie pas (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/01/19/homeomorphe-yann-brunel/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
Commenter  J’apprécie          400
Magistral ! Sublime ! Époustouflant !
« Homéomorphe » a l'ardeur, la puissance, la sensibilité, la profondeur, la magie d'un premier roman sans en avoir aucune des maladresses. Un premier roman qui peut rivaliser avec les plus grands !
Ne vous laissez pas intimider par le titre ou les formules de mathématiques placés en exergue, « Homéomorphe » se lit comme un thriller.

Dmitri attend dans un couloir d'hôpital des nouvelles de son père, Vladimir, un vieux pull vert taché de sang à la main. Il en repart encadré par deux policiers qui le conduisent au commissariat, accusé de coups et blessures sur la personne de son père par ce même père.
Libéré bien vite grâce à l'intervention de l'élégant Marquis, un des chefs les plus puissants du Quartier (nom d'un territoire abandonné, zone de non-droit en banlieue de Kiev) il se rend à l'appartement familial où son père vit seul et où il n'a plus mis les pieds depuis le 5 décembre 95, c'est-à-dire 25 ans auparavant.
Ce jour-là, sa mère et son frère Ivan 17 ans, mourraient dans un accident de voiture.
Dmitri, un peu autiste, surdoué, mathématicien de génie qui en 3 articles a révolutionné les mathématiques à l'âge de 16 ans, champion d'échecs, mène une existence de clochard depuis mars 96, dormant dans une cabine téléphonique.
Mais Dmitri va enfin se décider à affronter son père dans le huit-clos de l'appartement de son enfance.

Que s'est-il passé en 95 et en 96 ? Pourquoi le puissant Marquis protège-t-il Dmitri ?
Grâce à Ivan, frère disparu trop tôt, spectateur et narrateur spectral, et aux allés -retours entre passé et présent, tout va finir par sortir de l'ombre pour le lecteur.
.
« Homéomorphe », c'est un roman dans lequel il s'agit de malédictions individuelles et collectives, de pardon, d'ombre et de lumière, d'amour, et surtout d'humanité.
C'est un roman somptueux, sophistiqué, à l'ambiance magnétique, qui relate le destin tragique d'une famille. C'est à la fois une enquête, une histoire d'amour, un roman familial et une chronique sociale.
C'est une immersion totale au sein d'une zone de relégation soviétique abandonnée. C'est l'intensité d'une lecture qui vous remue profondément. C'est une prose sublime. C'est de la grande littérature.
Dès les premières lignes, la poésie de la langue de Yann Brunel vous attrape pour ne plus vous lâcher.
Enfin, c'est un roman dont on ne ressort pas indemne.
Quelle entrée en littérature !
Commenter  J’apprécie          70
Le Quartier est une zone de non droit instituée pendant la période soviétique à Kiev. Sorte de Goulag sans le dire, ce Quartier est une prison, à la fois sociétale et psychologique.
Dans ce lieu emblématique tant de la violence soviétique que du désarroi post-soviétique, un drame familial se déroule.
Dmitri, génie des mathématiques, médaille Fields à 15 ans affronte son père, Vladimir, professeur de mathématiques, tous deux survivants suite à un accident de voiture ayant tué Natalia, la mère et Ivan, le frère.
Chaque acte du régime soviétique a eu un impact sur les personnages de ce roman fulgurant. Chaque habitant du Quartier à sa propre histoire à raconter, dépeint une facette de ce monde à part, qui fonctionne selon ses propres règles.
Ce thriller psychologique asphyxie tant sur le fond que sur la forme. Les deux protagonistes qui s'affrontent déploient leurs tactiques tels des joueurs d'échec. Peu à peu la toile se tisse, comme une théorie de mathématiques s'esquisse, à force de thèses, d'hypothèses, et de transpositions.
Alors que chacun des personnages recherche la vérité sur ce qui a réellement détruit la famille P., on assiste à une distorsion du temps et de l'espace, à une double lecture qui donne encore plus de force à ce premier roman ultra prometteur.
@netflix_france_ vous tiendriez là une série fantastique
Lien : https://leloupdanslalibrairi..
Commenter  J’apprécie          70
Le Quartier est une "ancienne zone de relégation soviétique" avec guerre des clans, drogue, trafics, bâtiments en ruines et squats dominés par un certain Marquis et son acolyte l'Immanus.
Pourquoi Vladimir P, honorable mathématicien, et sa famille ont-ils habité dans ce espace de non-droits ? Et que s'est-il réellement passé lors de l'accident de voiture qui coûta la vie à sa femme et à l'un de ses fils, il y a 25 ans ? Pourquoi Dmitri le survivant voue-t-il une telle haine à son père ? Depuis ce génie des mathématiques vit en clochard dans une cabine téléphonique, s'abreuve de vodka et refuse toutes les invitations et les récompenses dues à son prestige.
Quand le policier Mikhaïl s'infiltre dans le quartier il va reconstituer les liens entre tous les personnages, de l'infirmière Marie à son chef du KGB, dans un véritable jeu d'échecs entre humains.
Autopsie d'un quartier, autopsie d'une famille dans une langue où les mathématiques deviennent poésies, où la violence des sentiments et la présence du frère décédé sont rendues palpables.
Un premier roman magistral !
Commenter  J’apprécie          60
Un roman au titre qui nécessite une recherche dans le dictionnaire, un bandeau de couverture qui aligne des formules mathématiques, des titres de chapitres qui ressemblent à des équations ou des théorèmes et quelques cinq cents pages dans Le Quartier, banlieue XXL russe qui n'a rien d'attrayant. La sélection de Prix Boostagram pour le premier roman francophone nous réserve décidément des surprises.

Et quelle surprise !

Embarquement dans un espace temporel situé entre l'URSS de la grande époque, où on prend soin de son élite dans des établissements de haut rang mais où des zones de non droit sont déjà sous la coupe de gangs qui défendent leur territoire par des méthodes d'une violence inouïe, et la Russie post époque soviétique (le grand empire n'a pas encore explosé).

Ce roman nous entraine dans un monde où il est plus facile de résoudre des équations ultra complexes que celles qui ont trait à l'amour, l'amitié ou la famille. le livre est construit telle une partie d'échec : certains avancent leur pièces, d'autres agissent selon une stratégie inconnue, l'objectif étant d'arriver à résoudre un problème à plusieurs inconnues : que s'est-il réellement passé le soir du 5 décembre 1995 dans la famille P. ? Qui est le mystérieux propriétaire d'un pull vert retrouvé sur les lieux de l'accident qui a vu périr la moitié de la famille P. ?

La galerie des personnages de l'entourage de Dmitri et de Vladimir, les deux rescapés, est digne de celle des romans d'un certain Fedor Dostoïevski. Ils sont scrutés au plus profond d'eux-mêmes, leur âme est disséquée pour tenter de mieux comprendre les forces obscures et inavouables qui s'agitent dans un magma de violence, de vodka et de drogues.

C'est sombre, noir, glauque même parfois. Sauf que la magie de la plume de ce primo romancier, tel Dmitri prenant son crayon et alignant les équations pour aller décrocher la médaille Fields, vient nous éclairer d'une poésie qui traverse cette noirceur et nous éblouit par sa beauté.

En lisant ce premier roman, il faut accepter de ne pas tout comprendre (ces fameux lemmes de topologie algébrique en tête de chapitre), mais on se laisse porter par l'histoire, emporter par l'écriture, par cette poésie qui m'a parfois fait penser à celle de Joseph Ponthus (À la ligne).

C'est magistral !
Commenter  J’apprécie          40
"Homéomorphe", c'est un roman d'une noirceur épaisse. C'est un brouillard de sentiments qui vous tordent le ventre et détruisent les personnages. Pourtant c'est avec une grande délicatesse que Yann Brunel nous livre les tourments cruels qui pulsent en chacun des protagonistes. A travers les lignes, il émane une sorte de tendresse, comme un filtre qui adoucirait la douleur dans Le Quartier durant ces quarante dernières années à Kiev. le rôle du contexte historico politique dans l'intrigue est très juste. L'écriture est riche. le style de Yann Brunel contribue beaucoup à la beauté du roman autant par les trouvailles sémantiques, que par la ponctuation originale du texte ou sa mise en page significative.

Attention il faut prévenir les lecteur.rices, lire "Homéomorphe" peut entrainer une forte envie de comprendre le vaste monde de l'algèbre. le roman appelle à une annexe (dont l'exhaustivité semble impossible) de définitions des objets et structures, qui sont caractérisés par plusieurs propriétés mais jamais définis proprement. "Homéomorphe" est un roman d'hommes. Non pas parce que ces derniers soient meilleurs en maths (c'est totalement faux) mais parce que la présence masculine domine tout le roman. Et si le personnage féminin représente une clé non négligeable de l'intrigue, celle-ci est subordonnée aux regards des hommes, considérée comme objet d'amour ou de désir.

Le seul bémol qui viendrait nuancer cette critique, est relatif à l'homogénéité du roman. L'équilibre fragile entre la description et la narration, excellent à l'échelle du roman, est mis en péril entre les parties. En effet, le début nous immerge dans l'ambiance du Quartier. Puis dans la dernière partie, lorsque soudain l'intrigue est accélérée, cette apnée dans le décor devient négligeable devant la progression narrative. Ne vous y trompez pas le développement limité de la description aux temps longs du livre n'enlève rien à la qualité du roman, dont la chronologie à n espaces temps est grandiose. "Homéomorphe" vaut vraiment la peine d'être lu. Félicitations à l'auteur !
Commenter  J’apprécie          10
Au moment où l'amour, le passé et une enquête s'additionnent, on obtient une équation qui s'avère compliquée, même pour le meilleur des mathématiciens.

L'histoire de deux frères soudés malgré une famille brisée. Dans un quartier oublié par l'état, où violence et addictions sont le quotidien.

Comment savoir qui gagnera la partie d'échec entre un homme abîmé par la vie et un adversaire inconnu, qui pourrait abattre les derniers pions d'une vie.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (131) Voir plus



Quiz Voir plus

Pas de sciences sans savoir (quiz complètement loufoque)

Présent - 1ère personne du pluriel :

Nous savons.
Nous savonnons (surtout à Marseille).

10 questions
414 lecteurs ont répondu
Thèmes : science , savoir , conjugaison , humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}