Joachim et Pauline ont une vie familiale idéale et digne d'une série télévisé, où tout va bien. Leurs parents sont les "plus cool du monde" qu'on rêverait d'avoir. Bref tout
va bien pour eux;. D'ailleurs, Pauline va rentrer en Seconde et intégrer le même lycée que son frère. Tout devrait donc bien se dérouler, avec juste le tracas de l'entrée dans un nouveau monde...
A un détail près : les parents de Joachim et Pauline sont deux mamans. Deux femmes. Et hélas, cela ne passe pas inaperçue... Joachim découvre que sa
frangine vit un véritable calvaire, harcelée et méprisée par une partie de sa classe juste pour être la fille de "gouines", traitée de lesbienne et éventuelle" suceuse". Joachim tente alors d'aider sa soeur...
L'homoparentalité est un sujet bien rare dans la littérature, et surtout dans la littérature jeunesse. Et c'est bien l'originalité du roman d'aujourd"hui : nous proposer une famille parentale, montrer sa vie quotidienne et ses difficultés dans la vie de tous les jours. de plus, on se centre sur la fratrie unie et sincère...
La surprise du roman est qu'alors on s'atteindrait à ce que la narration soit celui de Pauline la victime, c'est celui de Joachim qui nous est proposé. Un adolescent rebelle, frondeur avec un langage peu châtié mais riche, qui aime beaucoup sa soeur et veut la protéger. Quant à sa soeur Pauline, c'est une fille sensible et fragile mais non moins dénuée de caractère. Avec ces deux personnages, c'est l'adolescence qui défile, celui de l'adolescence qui commence pour Pauline et l'adolescence qui se termine pour Joachim. On reconnait quelques traces de la nôtre à travers eux : l'envie de révolte, la découverte d'un nouveau monde, des sentiments et de la sexualité.
Ce qui m'a touché et horrifié, c'est de voir que l'homophobie s'attaque aussi aux enfants d'un couple homoparentale. Un sujet malheureusement peu traité dans l'actualité mais qui est pertinent et ravageur. On suit avec indignation les tourments de Pauline et on découvre la bêtise humaine qui se développe très tôt, dès le plus jeune âge chez les humains. le mécanisme du harcèlement, un des produits détestables de la bêtise humaine, est bien expliqué aussi, avec une classe qui prends un bouc-émissaire, ses meneurs, ceux qui ne veulent pas soutenir par peur d'être rejeté... un mécanisme bien trop fréquent et mis en lumière aujourd'hui. Comme Joachim, on a envie de punir les harceleurs et de venger Pauline. En revanche, j'ai trouvé que les principaux meneurs étaient un peu trop cliché, trop "méchants", alors que les meneurs sont souvent plus complexe qu'on n'y pense. Mais la dénonciation est là.
C'est aussi la critique d'une homophobie discrète mais moins visible : à travers les souvenirs d'enfance des deux adolescents, on découvre les petites piques sur leurs familles, les mots proférés par des adultes et souvent blessant (quand Pauline évoque son institutrice en primaire, j'ai failli hurler !). Et la souffrance qu'elle engendre est bien montrée hélas : Pauline reproche à ses mères de l'avoir conçu et le faire vivre dans une famille pareil avec sa particularité qui la distingue des autres, et souhaite être normal (souffrance qui peut aussi s'appliquer aux enfants d'exilés et d'immigrants par exemple mais c'est une autre histoire, même si c'est toujours la différence qui est l'enjeu).
Les personnages sont bien construits, bien qu'un peu sommaires. Les mères m'ont paru les plus réalistes, l'auteure montre qu'elles sont des parents comme les autres avec leurs qualités et leurs défauts et c'est bien dit.
En revanche, je regrette que la question du "père" est peu abordé dans le roman alors qu'elle suscite bien des questionnements et mérite de l'intérêt : qu'est-ce que cela fait de vivre sans un père ?
De même, la partie des vacances m'a paru longue, bien que cela soit la parenthèse enchanté pour l'intrigue tendue.
L'amour est aussi au centre : l'amour entre les deux mères, et surtout l'amour entre Joachim et sa copine Blandine abordé avec sincérité, et qui s'ensuit avec celui de la sexualité. La dernière partie traite d'ailleurs de leur première fois avec justesse bien qu'un peu crue, ce qui explique pourquoi le roman est à partir de quinze ans.
J'ai en revanche adoré l'écriture, à la fois simple et riche, s'adaptant au langage de l'adolescence, bien que parfois on dérive vers d'autres personnages, une écriture sincère et sensible.
Un roman que je recommande chaudement, sur un sujet qui mérite d'être exploré et qui dénonce la discrimination et l'homophobie sur les familles homoparentales, ainsi qu'il privilégie la tolérance et l'amitié. A mettre dans toutes les mains.