Citations sur Les filles au lion (236)
Je me suis tue un instant, je repensais à la petite Odelle, avec son canotier et son tablier anglais, expliquant à sa mère qu'il fallait épingler des "feuilles brun roux" sur un collant - ma mère qui ne savait absolument pas à quoi ressemblait le givre sur des brins d'herbe, ce qu'était un marron, ce qu'on éprouvait lorsqu'on inspirait l'air londonien en novembre et qu'on sentait un éclat de glace dans ses poumons - et se démenant pour réaliser ce costume anglais dans l'humidité des Caraïbes.
- Quand j'ai débarqué, je ne pouvais pas croire qu'il faisait aussi froid. " Cela fit rire Lawry. "Je suis sérieuse. C'était comme l'Arctique. Cynth et moi, on est arrivées en janvier.
- Forcément..
- Eh oui. Quand j'étais petite, à l'école, j'ai joué l'Automne dans une pièce de théâtre sur les saisons. Je ne savais même pas ce qu'était l'automne et encore moins l'hiver."
La partie gauche du tableau était luxuriante et lumineuse. Olive avait utilisé des huiles ordinaires, mais elle avait également expérimenté la feuille d'or, qui scintillait dans la lumière quand elle manipulait le tableau. Elle avait toujours considéré la feuille d'or comme un rêve d'alchimiste, un rayon de soleil domestiqué. C'était la couleur des reines, des sages, de la terre chatoyante au cœur de l'été. Elle lui rappelait les icônes russes orthodoxes qu'elle avait toujours envie de toucher, petite, quand son père l'emmenait au Kuntshistorisches Museum.
"Mon anglais ! lui ai-je répondu. L'anglais est une langue des Caraïbes, monsieur."
Quasiment tous les Anglais, y compris les plus instruits, croyaient que nous avions plus de points communs avec les Soudanais qu'avec eux. Mais que connaissais-je du Sahara, des chameaux ou des Bédouins ? Pendant toute mon enfance, mon idéal de beauté et de glamour avait été la princesse Margaret.
La plupart du temps, comme dans le cas de Pamela, cet intérêt des Anglais n'était pas malveillant (quoique ça arrivât parfois), mais leurs questions me donnaient toujours le sentiment d'être différente, alors que j'avais été élevée de manière à comprendre parfaitement les us et coutumes britanniques car j'étais moi aussi une enfant de l'empire.
Au début, l'Angleterre n'était pas trop d'accord pour que les colonies s'en mêlent , mais quand ça a commencé à mal tourner, ils ont bien voulu de notre aide.
Elle m'avait expliqué que l'approbation des autres ne devait jamais être mon objectif; elle m'avait libérée comme je n'avais pas su le faire moi-même. Elle avait confiance en moi. Elle m'avait encouragée â me mettre à nu, et ça n'avait pas été si difficile que ça.
Comme beaucoup d'artistes, tout ce que je créais était lié à ce que j'étais, et je pouvais donc souffrir de l'accueil réservé à mon travail. L'idée qu'une personne puisse séparer sa propre valeur de celle de sa production était révolutionnaire. Je ne savais pas si c'était possible, ni même souhaitable. Ça risquait d'affecter la qualité de mon travail, non ?
- Ce que j'écris, c'est ce que je suis. Alors, si ce n'est pas bon, moi non plus.