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J'ai passé les derniers jours, la tête dans les nuages, et ce n'est pas parce que j'ai pris l'avion. Non J'ai participé avec les trois associés de True Triangle Construction, Bart, Cole et Teddy, à une aventure intense ; terminer la maison dans les nuages, dans un délai fou, moins de quatre mois, pour le matin de Noël.

Elle est belle, cette maison, magnifique, dans un site grandiose, logée dans la montagne près de Jackson, mais la quantité de travail restant est colossale, et le Wyoming n'est pas réputé pour ses conditions climatiques tempérées au fur et à mesure que l'automne s'avance. Et d'ailleurs, que s'est-il passé avec la première entreprise qui a mis en place l'ossature de la maison ? Pourquoi ce délai fou, et cette date impérative ? Qui est cette femme riche à millions et que cache cette hâte pour avoir cette maison ?

Dans ce roman, à la tension grandissante, l'auteur nous fait le portait d'une Amérique déchirée, dont le rêve s'est brisé, on ne sait pas trop où ni quand.
« L'Amérique est le meilleur pays du monde, lui disait toujours son père, à condition de ne pas manquer d'argent ».

Jackson, où les touristes fortunés affluent, ôtant aux familles y vivant l'espoir de devenir propriétaires, par l'augmentation des prix des maisons, en est un exemple frappant.
La fracture existe entre une frange de très riches et tous les autres, ceux qui croulent sous les intérêts des prêts étudiants, ceux pour qui un dur labeur ne permet cependant pas de faire des économies, ceux qui ne sont plus les bienvenus parce que trop « bouseux » :
« Pour la première fois, il comprit que cette ville ne voulait pas de gens comme lui et sa famille. Elle ne crachait pas sur leur labeur, mais préférait qu'ils aient l'amabilité d'habiter le plus loin possible, hors de vue. Ou, encore mieux, qu'ils s'exercent à devenir complètement invisibles. »

Alors quand Gretchen leur propose une très grosse prime, grosse pour eux, manifestement pas pour elle vu l'argent qu'elle engloutit dans cette maison, les trois associés acceptent, prêts à vendre leur âme au diable. Ils sont conscients de la presque impossibilité de tenir les délais, mais vont y aller quand même, travaillant sans relâche, allant jusqu'au bout de leurs forces, succombant pour certains aux paradis artificiels, jusqu'au jour où …

On sait très vite qu'un drame se produira. On est comme tous ceux qui l'approchent sous l'emprise de cette maison, qui exerce un attrait irrésistible et enchaine dans ses filets de plus en plus les trois associés. Ils sont fiers de ce qu'ils font, ce n'est plus seulement l'argent qui est en jeu, mais leur statut d'artisans compétents et auxquels on peut faire confiance. Et Gretchen parait bien hautaine, bien dénuée de sentiments quand elle est confrontée à eux.

Et pourtant, tout n'est pas si simple. L'auteur sait déjouer les pièges tentants de s'en tenir aux stéréotypes, et Gretchen n'est pas seulement l'avocate impitoyable, bourrée de fric. J'ai été émue de découvrir les raisons de son insistance à voir un point précis dans la montagne, de sa cuisine, un point où Teddy distinguera quelques reflets.

Un livre prenant, où l'auteur excelle autant à décrire les hommes que la nature imposante, dans cette région, qui parfois impose ses règles. Un livre où beaucoup vont laisser des plumes. Un livre où les personnages deviennent de plus en plus réels à nos yeux, évoluent en mieux ou en pire.
Un livre que j'ai très bien digéré ;-)
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Depuis « Retour à Little Wing », son premier roman paru en 2014, Nickolas Butler construit une oeuvre singulière, explorant une Amérique rurale, où ses personnages côtoient une nature encore préservée, tout en affrontant les inégalités cruelles d'un rêve américain qui évoque parfois un cauchemar.

Dans ce nouvel opus, Cole, Bart et Teddy, trois trentenaires liés par une amitié indéfectible, sont associés d'une petite entreprise de construction à Jackson, dans le Wyoming. Une belle inconnue fortunée prend contact avec Cole pour leur proposer de terminer de bâtir une sublime maison au coeur des montagnes voisines, un diamant brut serti dans l'écrin d'une nature indomptée.

L'avocate californienne offre à « True Triangle Construction » une rémunération généreuse assortie d'un bonus de 150 000 $ par associé, à la condition expresse que les travaux soient finis pour le 25 décembre. Une date butoir qui ne laisse que quatre mois pour mener à bien un chantier ambitieux, situé en pleine nature, tandis que l'hiver glacial du Wyoming approche à grands pas.

Bart, célibataire connu pour son appétence suspecte pour la meth, est dubitatif. Cole, en instance de divorce, n'est pas insensible au charme froid de Gretchen, la riche avocate de la côte ouest. Il entrevoit surtout une occasion unique pour leur petite entreprise de cesser de se disperser, de petits chantiers en constructions sans envergure. Pour Teddy, marié et père de quatre petites filles, cette proposition ressemble à un cadeau tombé du ciel, susceptible d'assurer un avenir radieux à sa famille.

Les trois hommes savent qu'ils vont devoir travailler nuit et jour pendant quatre mois pour avoir une chance de finir le projet à temps et connaissent les risques. Et pourtant. Il y a l'appât du gain bien sûr. Mais pas seulement. Les trois hommes sont tombés sous le charme du lieu magique où la construction a débuté. Ils ont surtout une forme d'ambition chevillée au corps, celle de mener enfin à bien une réalisation qui sorte du lot, une demeure stupéfiante utilisant les matériaux les plus nobles, qui pourrait servir de référence et propulser « True Triangle » dans une autre dimension.

Au coeur d'une montagne à la beauté sauvage, où il n'est pas rare de croiser un orignal ou un ours, les trois amis vont se lancer dans un projet improbable. Quatre mois pour tenter de finir à temps « la maison dans les nuages ». Quatre mois au cours desquels ils iront au bout de leurs forces et même au-delà. Quatre mois qui changeront à tout jamais le cours de leurs vies.

« Sa vocation, comprenait-il mieux désormais, restait exactement la même que quand il était employé sur les pistes de ski ou dans un bar : il travaillait dans le secteur visant à satisfaire le dixième supérieur d'un pour cent de la population. C'était aussi simple que ça. »

En construisant une intrigue où une avocate dont le patrimoine se compte en dizaine de millions engage trois jeunes entrepreneurs, l'auteur examine l'envers du décor du rêve américain : le creusement sans fin des inégalités entre une ploutocratie à la fortune indécente et des travailleurs durs au mal qui peinent à boucler leurs fins de mois.

Cette caste d'ultrariches évoque une aristocratie d'un autre temps qui n'hésite pas à imposer les conditions les plus folles à une classe moyenne qui n'a pas les moyens de refuser l'argent sonnant et trébuchant qui lui est proposé.

Le contrat conclu entre Gretchen et « True Triangle » évoque un pacte faustien, qui conduit les trois hommes à tenter le tout pour le tout, au risque de perdre leur âme, pour une somme d'argent dérisoire comparée à la fortune de leur donneuse d'ordre.

« Même la ville était un mirage : elle donnait l'illusion d'incarner ce qui avait jadis été possible en Amérique au lieu de s'afficher sous ses traits véritables : un terrain de jeu exclusif pour les plus riches de la planète des riches. »

La munificence de la demeure que fait construire Gretchen, cette pyramide des temps modernes, ce lieu magique où « tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté » n'est pas le seul fruit du billet vert. Son éclat doit avant tout à la sueur, au sang et aux larmes versés jours et nuits par les travailleurs qui se sont succédé sur un chantier démesuré. Une débauche d'efforts, une prise de risques insensée et parfois tragique. Et pour quoi ? Un édifice somptuaire destiné à une seule personne, sans compagnon, ni enfant. Une riche avocate, qui n'a jamais compté ses heures facturées à des tarifs indécents, tout en rêvant d'un lieu qui comblerait enfin son désir d'absolu.

Nickolas Butler réussit la prouesse de maintenir une tension narrative constante, en construisant une intrigue où le suspense va crescendo. Il parvient à faire évoluer ses trois personnages qui prennent de l'épaisseur ou se perdent dans l'enfer de la meth consommée pour tenter de tenir les délais absurdes imposés par Gretchen.

Nickolas Butler nous offre surtout un roman en forme de réflexion sur le creusement sans fin des inégalités, qui signe la fin du rêve américain, sur l'avènement d'une ploutocratie qui dicte sans vergogne ses conditions aux travailleurs d'une certaine Amérique, qui n'ont d'autre choix que d'accepter l'argent qui leur est proposé. L'auteur nous rappelle la force de frappe de la Littérature, qui permet, au-delà de l'histoire qu'elle conte à son lecteur, de nommer la menace qui pèse chaque jour davantage sur la pierre angulaire de la société américaine : la liberté.

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« C'est un putain de monument à la cupidité, et c'est nous qui l'avons bâti . » ● Cole, Bart et Teddy sont trois amis d'enfance qui se sont associés dans une société de construction à Jackson, une petite ville très opulente du Wyoming. Un jour, ils sont contactés par Gretchen Connors, une avocate très riche de San Francisco, qui veut leur confier un chantier immense : une maison grandiose au milieu de quatre cents hectares de terres, entourée de montagnes, avec une rivière et une source chaude permettant l'existence d'une piscine naturelle. Leur société est habituée à des chantiers beaucoup plus modestes, comme la réfection d'un garage ou d'une toiture, et ils se demandent s'ils doivent accepter, d'autant plus que les délais sont extrêmement courts, leur rémunération possiblement stratosphérique étant directement fonction de la tenue de ces délais. Ce chantier sera-t-il une consécration ? Les sacrifices pour réussir leur mission ne seront-ils pas excessifs par rapport au gain qu'ils pourront en retirer ? Est-ce un « pacte maudit » ? ● le sujet est original et son traitement permet de faire le point sur le rêve américain ; l'avidité des personnages, aussi bien celle de Gretchen que celle des trois compères, mène à de terribles problèmes (je ne veux pas trop en dire…). ● Les personnages sont complexes et leur psychologie développée ; s'il y a bien la confrontation d'une Amérique d'en haut et d'une Amérique d'en bas, l'auteur en évite un traitement manichéen. ● Si le début est un peu lent, la suite ne manque pas de rythme et on est surpris des rebondissements que Nickolas Butler a pu trouver dans l'histoire de la construction d'une maison, quel talent de conteur ! Il sait nous tenir en haleine. ● La maison semble parfois plus relever du rêve que de la réalité tant l'édifice est sublime (d'où le titre en français, celui en anglais étant Godspeed) ; c'est la maison de tous les superlatifs et Gretchen utilise la quasi-totalité de son immense fortune pour la bâtir. La nature autour aussi fait l'objet de belles descriptions. ● Je n'avais jamais lu de livres de Nickolas Butler, mais je vais sans nul doute en lire d'autres, et je recommande chaudement cette Maison dans les nuages.
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Cole, Teddy et Bart, copains, depuis toujours, travaillent dans le bâtiment, ils ont du mal à sortir la tête de l'eau, que des petits chantiers, rien de réjouissant, rénovations, locations, toitures… Il y a trois ans, ils décident de monter une entreprise de construction à Jackson, dans le Wyoming : True Triangle, ils espèrent un miracle, cela leur permettrait de se faire connaitre, dans les milieux huppés. Leur rêve se réalise, sous la forme de Gretchen Connors, une avocate immensément riche.

Dans un endroit reculé, difficilement accessible, sur un terrain de quatre cents hectares, qui appartient à sa famille, elle leur propose de terminer de bâtir une sublime maison au coeur des montagnes voisines.

« Imaginez quelque chose de comparable à Schindler House, mais sur trois niveaux, avec des lignes encore plus audacieuses épousant la montagne. Trois cent cinquante mètres carrés, triple garage, empreinte écologique neutre. Chauffage et climatisation par géothermie et énergie solaire – passive et active. Cheminée centrale en pierre taillée provenant de carrières locales. Quatre chambres, trois salles de bain. Ça devrait vous donner une impression générale. »

Pour Cole qui doit gérer son divorce malheureux, Teddy ses quatre filles et Bart son addiction à la méthadone. C'est le pactole, le gros lot, un tremplin, pour construire des maisons, pour les acteurs friqués, les PDG.

Mais tout n'est pas rose, beaucoup d'argent à la clé, assorti d'une date fixe, le 25 décembre. Quatre mois, pour tout terminer, c'est un chantier pharaonique, ils devront travailler jour et nuit, au détriment de leur famille, leur santé, le froid, mais l'appât du gain est bien trop fort.

Pourquoi une date aussi courte ? Pourquoi les travaux ont été arrêtés ? La Maison dans les nuages de Nickolas Butler, va-t-elle devenir leur pire cauchemar ? Pourront-ils accéder à leur rêve américain ?

Un très bon roman noir, que j'ai avalé rapidement. Pas comme les huitres Anne-Sophie… Il est bien rythmé, la tension est croissante, la nature est belle, bien décrite, un très bon moment de lecture.
Merci Anne-Sophie, Claudine et à tous les lecteurs qui m'ont donné envie de le lire.
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Il y a quelques années, trois copains de longue date ont fondé une entreprise de construction dans une petite ville du Wyoming. Reconnaissons-le : leur boîte n'a jamais vraiment décollé et ils galèrent de petits contrats en petits contrats. Et voilà qu'une richissime avocate californienne, Gretchen Connors, leur propose un pont d'or pour construire une superbe maison dans les montagnes. Tous trois sont persuadés qu'ils tiennent enfin la clé du succès : une réalisation pareille, c'est une pub idéale dans cette riche petite ville touristique. Gretchen Connors rencontre sur place les trois amis. le lieu est difficile d'accès, la route est encore en construction, mais quand ils atteignent enfin cet endroit magnifique, magique même, ils ont la surprise de constater qu'une bonne partie du gros oeuvre a déjà été réalisée. Gretchen a viré l'entrepreneur et l'a très généreusement dédommagé. Mais pour quelle raison ? Ça ne les regarde pas. Alors, acceptent-ils de reprendre les travaux ? Ils hésitent malgré tout l'argent que l'avocate leur propose : elle veut que tout soit fini pour Noël, c'est-à-dire dans tout juste quatre mois, et le délai sera difficile à tenir. Qu'ils se rassurent : ils seront payés même s'ils dépassent la date butoir, mais dans ce cas, aucun ne touchera la prime à six chiffres qui lui a été promise. Allez ! on tente le coup… (résumé du premier chapitre).
***
Si les faits se bousculent dans le premier chapitre, les suivants adoptent un rythme plus lent pour nous présenter les personnages, certains de leurs proches, les aléas de leur vie, et bien sûr les problèmes que les trois amis rencontrent sur le chantier. À cela s'ajoute l'enchantement que leur procure la beauté de l'endroit décrite dans une prose magnifique. Nickolas Butler prend le temps de développer la psychologie de chacun de ses protagonistes, de nous les montrer se débattant dans leur quotidien, de faire ressortir le gouffre qui existe entre celui de Gretchen et celui des trois copains. Comme dans Retour à Little Wing, deux Amériques se côtoient et, évidemment, celle d'en bas aspire à jouer dans la cour des grands. D'autant qu'à Jackson, célébrissime et bien réelle petite ville riche, les touristes très fortunés se pressent, l'aéroport leur facilitant les trajets. Même quand l'action s'accélère, même quand surviennent les drames, aucun de ces personnages n'est présenté de manière manichéenne, tous ont leurs failles, leurs dérives, leurs idéaux nobles ou pas, et l'auteur parle d'eux sans condescendance. Franchement, si je n'avais pas été séduite par Retour à Little Wing, je n'aurais pas choisi, je crois, un roman qui raconte les aventures de trois associés en train de se débattre pour construire une maison dans un endroit difficile et dans un laps de temps trop court. J'aurais eu tort ! J'ai beaucoup aimé La Maison dans les nuages et je conseille chaleureusement ce beau roman.
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Trois ans. Cela faisait trois ans que j'attendais le nouveau Nickolas Butler. Je l'avais découvert par hasard avec son premier roman, déjà très bon. Depuis, j'ai lu tous ses livres sans jamais être déçu. J'essaye donc de ne louper aucune de ses sorties.

Nickolas Butler est un véritable écrivain de romans noirs. Il s'intéresse à l'âme humaine et aime la torturer dans ses histoires. Il utilise des individus lambdas pour les mettre face à leur excès. Son récit lui permet ainsi de mettre en exergue les dérives de notre monde et les conséquences sur le peuple. Dans « La maison dans les nuages », il s'attaque au capitalisme omniscient. le destin de ses protagonistes est dicté par une obsession de l'argent et du pouvoir, qui les entraine inéluctablement vers des catastrophes.

Grâce à une plume magnifique, l'auteur sait aussi bien décrire les décors et les choses palpables que nous faire ressentir l'imperceptible. Durant la lecture, on est immergé dans l'atmosphère envoutante de cette maison hors normes et on vit les évènements avec les acteurs. Comme ces personnages sont des gens simples, le lecteur se reconnait en eux. Leur histoire devient notre histoire.

Plus la construction de la maison avance, plus les mésaventures s'enchainent, plus leurs comportements deviennent irrationnels et plus les délais semblent impossibles à respecter. le suspense monte graduellement en même temps que tout devient incontrôlable.

Si vous n'avez jamais lu Nickolas Butler, je serais heureux d'être celui qui vous fera sauter le pas. Vous rencontrerez un écrivain qui sait se renouveler pour défendre ses convictions sociales. Sa force repose sur la trace indélébile que laissent ses histoires dans les esprits, longtemps après la lecture. Elles n'ont jamais rien d'extraordinaires mais moi, elles me bouleversent à chaque fois !

Nickolas Butler est un génie, il est temps que vous soyez au courant !
Lien : https://youtu.be/ov2xYbR0nGM
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Il existe à quelques kilomètres de Jackson Hole, dans le Wyoming, une maison qu'on croirait dans les nuages. A ses pieds, une source d'eau chaude laisse échapper une brume envoûtante. Au coeur des montagnes, on y accède par un chemin, un sentier, un pont au dessus d'une rivière tempétueuse. C'est le rêve de Gretchen, son ultime demeure. C'est aussi le cauchemar de Cole, Teddy et Bart, leur flamboyant projet… Que vont-ils tous chercher dans ces murs, que cherchent-ils à décrocher, et à quel prix ?

La maison dans les nuages est le cinquième roman de Nickolas Butler. Et je peux affirmer que son talent de conteur est ici éblouissant. Comment expliquer si ce n'est par son habile écriture qu'il puisse nous tenir en haleine sur plus de 400 pages en nous parlant de construction, de cheminée, de poutres et de plancher…

Bien sûr cette maison, même si elle a une place particulière, si elle est un personnage à elle seule, entraîne dans son sillage des âmes fragiles, blessées, meurtries.
Elle abrite une femme forte, courageuse, solitaire. Une femme dans le corps de laquelle se cache une petite fille endeuillée, qui aspire à vivre sereine, en croisant à tout moment la lumière que réverbère le miroir sur la tombe de ses parents.
Elle accueille trois amis, que la cupidité du gain à faire perdre la tête. le rêve américain se paie ici au prix fort, sans un regard en arrière, sans le moindre remord…

Certains diraient que la maison dans les nuages est maudite… Mais elle n'est que le reflet d'un monde qui marche à l'envers, d'un monde où l'égocentrisme et la convoitise règnent en maîtres et font tourner les têtes… Reste-t-il une petite place pour la lumière…
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Ce livre est inspiré de faits réels.
Butler a trouvé le sujet assez intéressant pour en faire un roman, tu m'étonnes Nicko !
Il y a temps à dire sur l'individualisme du nanti richissime, tant à écrire sur la société américaine décomplexée, indécente et concupiscente.
Et j'y suis rentrée dans le Wyoming
accrochée dans le pickup avec Cole, Bart et Teddy, j'ai longé les ravins et les canyons délaissés peu de temps auparavant alors embarquée avec les Cowboys lors de la ruée vers l'or, accompagnée de Dorothy Marie Johnson, sous la colline des potences et m'y revoilà près de 70 ans plus tard, dans une Amérique toujours plus libéraliste, toujours plus capitaliste.
On troque le scalp des indiens contre celui bien plus sournois des nababs qui n'hésitent pas à dépouiller son prochain et ce à tous les étages d' une société consumériste.
L' Amérique de tous les possibles, de tous les rêves, chacun veut son lot, à commencer par l'opportunité de vivre décemment, se fixer ou s'orienter, puis surtout, à terme, se faire un tas de pognon, le leitmotiv majeur, vecteur autorisant toutes les manières d'y arriver.
Alors pourquoi pas accepter la construction de cette maison dans les nuages, dans les hauteurs des canyons, à 80 bornes de la ville, projet aussi incroyable que dément, sans doute parce que terminée à temps, le bonus est colossal pour nos trois amis.
Le présent c'est maintenant, action !
Prenons le challenge, nous, Cole, Bart et Teddy, les prolos, potes d'enfance et chefs d'une petite d'entreprise de construction de quartier, à peine connus, à peine certains de terminer ce chantier extravagant destiné en général à des entreprises calibrées avec pignon sur rue, à des hommes d'affaires aux dents longues rayant le parquet à peine posé.
4 mois de délai en plein hiver, à peine entendable (voire réalisable) et pourtant, ils s'y collent, prenant avec les exigences d'une propriétaire à laquelle on ne dit pas non et peu importe finalement les questionnements legitimes sur le pourquoi de leur embauche...
Et on les comprend, il faut dire qu'on s'y attache à ces trois là, Nickolas Butler, avec ce talent que je découvre, nous les rend proches, dresse des portraits intimistes qui font que la proximité s'installe.
Elle s'établit tellement qu'on se marre, stresse, souffre avec eux, on attend l'accident de chantier en sachant que la populace aux states n'a majoritairement pas les moyens de se payer une assurance , mais youpi, peut-être l'Obamacare sera bénéfique...
on suit la construction, un chantier soumis à un climat capricieux et déplorable à cette période de l'année et peu importe les conditions pour le ou la millionnaire, un délai et un délai, d'ailleurs, que vaut la vie d'un ouvrier ?

" c'est la nature des choses avait-il raisonné, ça se passe peut-être ainsi depuis des temps immémoriaux. À cette heure même, des hommes s'affairaient pour ériger ce palais contemporain, ce projet "phare" destiné à une personne d'une richesse inconcevable.
Des milliers d'années auparavant l'histoire était la même, sauf qu'une main d'oeuvre multipliée par plusieurs centaines avait bâti une pyramide pour un type quelconque qui se prenait pour un dieu.
Il y avait ceux qui faisaient construire et ceux qui construisaient. Tout comme il y avait ceux qui se retroussaient les manches et les autres. "

Et je les ai presque retroussées mes manches, même si mes connaissances en matière de travaux sont presqu'aussi désastreuses que ma defense criarde pour faire fuir un grizzli.
Je les ai vus se tuer à la tâche, avaler les heures jour après jour comme des forcenés, j'ai observé l'arrivée de la meth comme palliatif et carburant, assisté aux pertes de repères et à tout bon sens, perçu l'inévitable... au nom de l'argent, de l'appât du gain qui s'ancre au plus profond des exploités ne rêvant que d'évasion , de se libérer d'une vie contrariée, d'offrir une vie meilleure à une famille d'invisibles.
Ils sont si proches de cette entreprise, nos associés.
Si loin, pourtant, du monde qui leur donne la becquée, quelques miettes à l'orée d'une frontière dorée hors d'atteinte...

Un roman noir qui ne manque pas de panache. Doté d'un style acéré et d'un regard critique, Nickolas Butler met en lumière les dérives d'une partie de l'Amérique désespérée et désemparée.
Derrière le suspense qui monte en puissance, c'est un cri silencieux que l'on entend, celui de tous les imperceptibles, des oubliés , cahotés, chahutés, maltraités, dominés et opprimés.
C'est le monde du bas, celui que l'on monnaie, puisque tout s' achète, même la mort.

Un roman percutant et éloquent.
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À quoi reconnaît-on un grand roman ?
Oui, je sais, la question n'a pas de sens.
Pourtant, une fois encore, Nickolas Butler signe… un grand roman.
Peut-être alors que le simple nom de cet auteur américain de 43 ans suffit à signaler la beauté d'un grand récit ? Allez savoir. Même si je trouve que Nickolas Butler ne bénéficie pas d'une grande reconnaissance médiatique. Pourtant, il sait si bien raconter des histoires. N'est-ce pas d'ailleurs le secret d'un grand roman ? Une grande histoire, tout simplement ?
J'arrête avec toutes mes questions et j'en viens au dernier opus de Butler, La maison dans les nuages. Trois amis d'enfance : Cole, Bart et Teddy. Trois gaillards associés dans une toute petite entreprise du Wyoming. Les fins de mois sont difficiles. Les contrats rares. Jusqu'à l'arrivée de Gretchen Connors, une richissime et mystérieuse avocate de San Francisco. Cette dernière leur propose de reprendre un chantier pharaonique au coeur des montagnes. Un projet fou. Très bien payé. Mais dans des délais humainement impossibles.
Cole, Bart et Teddy acceptent de relever le défi. Leur survie financière en dépend. Mais ont-ils seulement la moindre chance de livrer la somptueuse maison dans les temps ?
Voilà le point de départ. Trois hommes et une femme. Quatre histoires. Quatre destins que nous raconte Nickolas. Au fur et à mesure. Tel un puzzle géant, humain et haletant. Tout cela dans une nature sauvage à couper le souffle. Impossible d'en dire plus au risque de trop en dévoiler.
La vie est toujours pleine de surprises, de rebondissements. Ce roman de Nickolas Butler peut en témoigner. Un très grand roman.
Lien : https://twitter.com/SWANNBLUE
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Dans le Midwest américain, trois ouvriers du bâtiment vont avoir une incroyable opportunité qui, soit leur permettra de changer de vie, soit brisera tous leurs espoirs. Une avocate richissime leur demande de  construire une maison sublime dans un décor grandiose en 4 mois, avec une échéance ferme et définitive le 24 décembre.
Dès le départ, l'enjeu est posé en termes dramatiques. " Tout ça est euh, franchement hors-normes. A tous points de vue d'ailleurs, alors, j'avoue que là, j'ai des frissons dans les moelles."
Le salaire promis est colossal tout comme la charge de travail, mais ces trois amis aspirent à une vie meilleure et balaient leurs réticences.
En choisissant des personnages largement sous-représentés dans la fiction, Nickolas Butler ouvre des perspectives intéressantes. La collusion entre des ouvriers et leur employeur illustre parfaitement le décalage entre pauvres et riches, et l'auteur ne cesse d'user de superlatifs pour décrire la maison et sa propriétaire afin d'accentuer leur caractère inaccessible. Lorsque Cole imagine une possible relation avec Gretchen, il est renvoyé par l'auteur à son "objectif étriqué", la possession d'une montre Rolex.

La relation conflictuelle entre les ruraux et les nouveaux arrivants haut de gamme, qui modifient l'état d'esprit de la région par un afflux d'argent considérable , est l'un des thèmes les plus forts du roman. "Chaque année, de plus en plus d'argent de l'extérieur de l'État est versé dans leur petite ville de ski pittoresque, de plus en plus d'étrangers portant la Patagonie et la North Face", écrit Butler.
Dans cette confrontation, c'est tout le mythe du rêve américain qui est réévalué. Rêver une vie réussie, c'est surtout rêver de posséder que ce soit une maison, une entreprise ou une carrière. Teddy en prend conscience et se souvient des paroles de son père "L'Amérique est le plus beau pays du monde tant qu'on ne manque pas d'argent."

La seule solution est de travailler de plus en plus dur, toujours davantage. Et les trois hommes ne ménagent pas leurs efforts au risque de leur santé même s'ils doivent pour cela sacrifier leur vie personnelle ou succomber à la dépendance à la drogue.
En dénonçant cette surenchère, cette dérive vers une cupidité sans fond, l'auteur met en garde les lecteurs. Pour illustrer son propos, il utilise l'exemple de Gretchen qui a réalisé ce rêve de réussite mais se retrouve seule et abandonnée. Mais il dispose également du portrait de ces trois ouvriers qui vont se mettre en danger pour accomplir cet idéal de prospérité et d'ascension sociale.

S'il s'attache à montrer l'obsolescence du rêve américain, Nickolas Butler a aussi réalisé un improbable page-turner autour de la construction d'une maison.
Ainsi l'emplacement isolé en montagne, l'attitude énigmatique de Gretchen et le calendrier absurde constituent des mystères exacerbés par le départ inexpliqué des précédents entrepreneurs. Petit à petit, la tension va s'installer alors même que l'auteur, mine de rien, évalue les travaux à accomplir et décrit précisément la mise en route du chantier.
Parallèlement, il cultive  une atmosphère à la Hitchcock avec son héroïne glaciale si proche d'une Grace Kelly, avec ces buses tournoyant au-dessus des ouvriers et ce décor de montagne magique et effrayant.
Au fur et à mesure que les corps s'épuisent, que les obstacles s'accumulent, l'enjeu prend une ampleur considérable. Dans cette course contre la montre, les personnages sont soumis à des pressions croissantes qui vont menacer leur amitié et les inciter à commettre des délits. Ils seront également contraints de prendre des décisions éthiques et de se remettre en question.

Cette maison dans les nuages a tout d'une fabuleuse utopie, et pourtant elle cristallise tous les échecs. Celui de Gretchen dont les certitudes sont cyniquement balayées par ses héritiers et celui des entrepreneurs qui ne sortiront pas indemnes de l'expérience.
Un roman passionnant et formidablement écrit.






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