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Critique de Lamifranz


René-Guy Cadou (1920-1951) fait partie de ces artistes qu'on ne met jamais en avant, mais qui sont là, solides, images d'une certaine stabilité, d'une certaine permanence, pas le génie, mais le bon artisan (artisan et artistes sont de la même famille), pas la super star, mais l'acteur honnête qui produit un travail ciselé et qui, mieux que la superstar, est "aimé" de son public (la superstar, elle, ou plutôt son image, n'est qu'adulée).
René-Guy Cadou est mort à 31 ans, comme André Chénier ou Franz Schubert. Sa courte vie se résume en quelques lignes Parents instituteurs (on pense à François Seurel), instituteur lui-même, il épouse une institutrice (Hélène, poétesse elle-même), et passe quasiment toute sa vie dans une salle de classe. Au point même que, après la classe, il accueille ses amis sur les bancs désertés par les élèves, pour échanger sur les poètes et la poésie : c'est ce qu'on a appelé l'Ecole de Rochefort : autour de lui, on trouve Jean Bouhier, Michel Manoll (qui deviendra son biographe), Jean Rousselot, Marcel Béalu, Lucien Becker ou encore Luc Bérimont. Plus d'autres, et non des moindres, qui de près ou de loin se sont reconnus dans cette "école" (ou comme disait René-Guy Cadou : "tout au plus une cour de récréation") : Maurice Fombeure, Luc Decaunes, Eugène Guillevic, Alain Borne, Georges-Emmanuel Clancier ou Pierre Béarn.
La poésie de René-Guy Cadou est empirique : elle se nourrit de la terre de son enfance, des prés et des champs, des étangs et des marais et des personnes qui vivent dans cet univers. Elle puise sa force et son inspiration dans cette salle de classe, tout comme dans l'amour de ses parents, de sa femme Hélène et de l'amitié de ses frères en poésie... Cadou est un bucolique, à la façon de Francis Jammes ou de Paul Fort. Mais, à la différence de ces deux grands devanciers, il élargit son propos et lui donne une dimension humaine : sa poésie est parcourue d'intenses émotions. Ses poèmes de guerre, par exemple montrent un Cadou à la fois patriotique et attentif ô combien aux "dommages collatéraux" de la guerre (cf "Les fusillés de Chateaubriant"). Quant aux poèmes d'amour dédiés à sa femme Hélène, ce sont des modèles du genre, son lyrisme n'est sans doute pas aussi éclatant que celui d'Aragon, mais tout autant riche en authenticité et en émotion.
René-Guy Cadou est aujourd'hui un peu oublié. Les amateurs de poésie le connaissent, mais le grand public ne se souvient que de quelques poèmes appris à l'école, notamment celui-ci :
AUTOMNE


Odeur des pluies de mon enfance.
Derniers soleils de la saison !
A sept ans comme il faisait bon,
Après d'ennuyeuses vacances,
Se retrouver dans sa maison !

La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie,
Et ces merveilleuses poussières
Amassées tout un été.

O temps charmant des brumes douces,
Des gibiers, des longs vols d'oiseaux !
Le vent souffle sous le préau,
Mais je tiens entre paume et pouce
Une rouge pomme à couteau.

(Les amis d'enfance – 1965)


Un grand poète à (re)découvrir : vous apprécierez son authenticité, sa droiture intellectuelle et morale, son honnêteté foncière, vous aimerez la clarté et l'émotion de ses poèmes, vous serez charmé(e)s par sa petite musique, vous sentirez à travers ses vers, les odeurs de la classe et celles de la terre mouillée, vous retrouverez un peu de votre enfance...
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